Chapitre 51 : Proche de la perfection

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Richard ralentit, les yeux dans ceux d’Anthony, surplombant le corps de son amant. Il se fend d’un sourire et lui murmure :

— J’aime ça.

— Quoi ?

— Ce que tu me fais.

— Je ne te fais rien, chuchote Anthony.

— Si, tu me regardes avec tes grands yeux et j’y lis de belles choses.

Sous lui, Anthony détourne le regard, un sourire au coin de lèvres. Plongés dans l’intimité, ces retrouvailles entre les deux hommes ont une saveur particulière, après cette soirée à faire semblant de ne pas se connaître. Elles sont intenses, suaves et excitantes. Un combo idéal pour le jeune homme qui n’attendait que ça, retrouver les bras de l’homme qui fait battre son cœur. Les joues empourprées, il avoue :

— C’est ce que je ressens.

— C’est ce que je ressens aussi pour toi, lui confirme Richard, avec la même solennité.

— C’est tout ?

Son partenaire lui sourit de plus belle, amusé par cette requête, presque une supplique. Pourtant, si les mots doux se précipitent au bord de ses lèvres, il lui est encore difficile de les partager avec sincérité. Il est tellement plus facile pour lui d’utiliser des mots crus que d’ouvrir son cœur et de se mettre à nu. Mais il sait qu’Anthony a besoin d’être rassuré, au moins autant que lui, au demeurant. Même si ce cela lui coûte, il essaie de lui ouvrir son cœur.

— Non, ce n’est pas tout, Anthony. Tu me plais.

— Je sais, tu me le dis souvent. Et je ne pense pas que tu me ferais l’amour comme ça si cela n’était pas le cas.

Richard se mord la lèvre, repentant.

— Je suis trop cash avec toi parfois. Tu as besoin de plus de douceur, de tendresse.

— Tu m’en offres, ne t’inquiète pas.

— Pas tant que ça... pas autant que je le devrais, mais...

— Tu as peur.

Richard détourne les yeux, à son tour. Anthony devine que son attitude de ce soir, lorsqu’il a passé tout son temps à chercher à s’occuper de la gestion de la soirée, en vaquant à diverses occupations, n’avait pour but que de camoufler ses angoisses au sujet de leur relation. Il sait son homme fébrile, tourmenté par ses anciennes déceptions sentimentales.

— Je sais que tu as peur. Je n’ai jamais été blessé en amour alors je ne peux pas redouter de l’être à nouveau, mais je sais que, toi, ce fût ton cas.

Son amant se mord la lèvre, démasqué. Il ne veut pas se montrer fragile mais se sent percé à jour malgré sa carapace. Si cela lui est inconfortable, pour Anthony, il l’accepte bien volontiers, conscient que ce dernier a besoin de ses échanges pour être serein.

— Tu m’as surveillé toute la soirée... enchaîne Anthony, avec une mine triste.

— Je suis désolé, rétorque Richard en murmurant.

Ses yeux se baissent à nouveau, fuyant le regard intense de son jeune amant. Il est conscient de son erreur mais ne se doutait pas que ce dernier l’avait remarqué. La confiance est pourtant une preuve d’amour. S’il n’y en a pas entre eux, qu’ont-ils réellement à partager ? Richard se morigène intérieurement de ce manque de délicatesse envers celui qui fait battre son cœur.

— Je ne veux pas que tu penses que je ne te fais pas confiance, reprend-il, dépité. Ce n’est pas ça du tout, mais...

— Mais tu as peur de me perdre, d’une façon ou d’une autre.

Les joues empourprées, Richard opine du chef. Son cœur bat la chamade, incohérent, désordonné, aux abois. Si seulement, il pouvait ne pas se sentir aussi angoissé à l’idée de revivre ce qu’il a déjà connu par le passé. Anthony lui caresse le visage de manière si douce, si prévenante... Pourquoi doute-t-il encore de lui, de leur avenir, de leur amour ?

— Quand tu es avec moi, continue Anthony, tu me baises ou tu me fais l’amour ?

Le sourire de Richard se dessine largement, creusant les rides d’expression qui font tant craquer son jeune amant.

— Tu le sais bien.

— Dis-le.

— Je te fais l’amour, toujours, même quand je suis sauvage ou brutal, je te fais l’amour, et ce, depuis le premier jour, depuis la première nuit, depuis la première fois où j’ai fait corps avec toi.

— Je t’aime.

Le cœur de Richard rate un battement. Soutenu par ses coudes, posés de chaque côté d’Anthony, son visage s’éclaire d’une lumière tendre. Son corps se met à vibrer, à frissonner. Une centaine de papillons viennent lui inonder le ventre. Cette envolée légère vient le chatouiller, un doux plaisir, si différent de celui qu’il expérimente lorsqu’ils font l’amour. La gorge sèche, il entrouvre les lèvres, attendant que les mots veuillent bien, enfin, s’y faufiler. Sous le regard de son partenaire, et malgré ses réticences, il se fait violence :

— Je t’aime aussi, tu le sais bien, maintenant.

— Oui, je le sais, mais j’avais envie de te l’entendre dire. Je suis comme toi, j’ai besoin d’être rassuré. Je n’ai pas ton expérience et je n’arrête pas de me demander si je suis à la hauteur de tes attentes.

— Tu l’es, Anthony, je te promets que tu l’es. D’ailleurs, je n’ai même pas d’attentes. Je prends ce que tu as à me donner.

— Est-ce que je te donne assez, c’est ma question. Vu ton statut de libertin, j’ai peur que tu te lasses de moi pour un autre petit nouveau plus compétent.

— Crois-moi ou non, cette idée ne m’effleure même pas. Je te jure que ce que l’on vit actuellement, c’est meilleur que tout ce que j'ai vécu jusque-là. La seule chose qui manque à mon bonheur, c’est de pouvoir le crier sur tous les toits.

À ces mots, le corps d’Anthony se crispe. Une sourde panique s’empare de lui.

— Je ne suis prêt à relever mon homosexualité, pour le moment.

— Je le sais, ne t’inquiète pas. Je veux juste que tu saches que pour moi, ça ne fait aucun doute que notre histoire s’inscrit dans la durée. Et quand tu seras prêt, je serai le premier ravi de pouvoir m’afficher avec toi. Il me tarde de vivre notre histoire au grand jour. Il me tarde de te présenter comme mon mec, comme mon homme, comme mon amour...

Anthony l’embrasse avec volupté, avant de déclarer :

— Tant que je le suis déjà pour nous deux, c’est le principal et le plus important pour moi.

Sous les baisers de son amoureux, Richard fond. Est-ce bien lui qui vient de dire tout ça ? Qui vient de confesser ses sentiments de manière si ouverte, si franche, sans détour, sans jeux de mots, sans auto-dérision ? Il aimerait se réveiller demain matin et annoncer à la terre entière qu’Anthony est le bon, qu’ils sont en couple, heureux et fiers de s’être trouvés. Ses envies libertines ont disparu, pour laisser place à un désir de construire à deux. Lorsqu’Anthony aura fini ses études, ils pourront peut-être emménager ensemble, et vivre leur amour au su et à la vue de tous, Erwann y compris. Ce dernier finira bien par accepter la situation, et même par s’en réjouir, s’il n'est pas trop con.

Après avoir souffert autrefois, après avoir été en état d’alerte toute la soirée, le voilà enfin apaisé, dans les bras de son amant, après avoir fait l’amour avec intensité et s’être dévoilé avec authenticité. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas ressenti cette plénitude, ce bonheur, ce sentiment proche de la perfection.

Parce que, finalement, tout sera bientôt parfait, quand la vérité serait révélée au grand jour et que leur amour pourra enfin exister. Il lui tarde de vivre cela, de se sentir enfin complet...

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