Chapitre 63 : L’incompréhension

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— T’as entendu ?

— Comment ne pas entendre ? chuchote-t-elle. Il a hurlé comme un goret assassiné ! Je vais rejoindre Emma. Si les hurlements l’ont réveillée, elle va se mettre à paniquer.

— Ok. Qu’est-ce que je fais ? Tu crois que je dois y aller ?

— Tiens-toi prêt, mais laisse-les régler ça tant qu’ils en sont capables tous les deux. Tu n’es pas censé savoir après tout.

— T’as raison. Tu reviens après ?

— Si Emma me le permet... je ne te promets rien.

— Ça me va. Envoie un message pour me tenir au jus.

Quentin regrette que Manuella quitte sa chambre. Pourtant, ils n’ont presque rien fait, ce qui est un comble pour lui, plus habitué des nuits torrides que des salons de discussion. Néanmoins, ce début de nuit a été merveilleux jusqu’ici. Elle l’a rejoint après le coucher des habitants, une fois assurée qu’Emma dormait profondément, fatiguée par son éreintante séance de piscine. Elle a ouvert sa porte sans bruit et s’y est glissée comme convenu. Les deux tourtereaux avaient envie de passer cette dernière nuit ensemble, sans pour autant se précipiter. Sur le lit, elle portait encore sa tenue d’intérieur, un legging noir et un pull à capuche. Quentin avait fait de même et garder son pantalon de jogging et son sweat assorti.

Bien que l’intimité de la chambre aurait pu les inciter à un rapprochement agréable, ils n’en sont restés qu’aux prémices. Allongés de côté sur le grand futon, la tête posée sur leur bras replié, ils se regardaient en chuchotant. Leurs murmures, à peine audibles, les ont obligés à maintes reprises à répéter leurs palabres à l’oreille de chacun. Un délicieux inconvénient qui leur a permis de sentir leur souffle exhalé chacun leur tour sur cette zone si sensible. Des frissons les ont parcourus de la tête aux pieds durant ces échanges à voix basse.

Durant quelques heures, ils ont parlé de tout et de rien, d’eux deux, dans le futur et de ce qu’ils attendaient.

— Un truc sympa, a suggéré Manuella, pas trop sûre d’elle.

— Une jolie histoire, a renchérit Quentin, plus confiant.

Il tremblait en approchant ses lèvres de celles, pulpeuses, de la femme alanguie sur son lit.

— Puis-je t’embrasser ? a-t-il osé, après s’être donné un coup de pied au cul imaginaire.

Son sourire parlait pour elle, alors il s’est lancé. Un long et doux baiser, comme il en avait rarement connu. La sensation, exquise, lui donna le sentiment de ne jamais avoir vécu ça auparavant. Embrassait-il les autres femmes autrefois ? Il en doutait. Sa seule certitude était que cela n’avait jamais eu ce goût-là, ce goût de sérénité et de tendresse, de volupté et de plaisir. Un mélange enivrant dont il ne voulait plus se priver.

Cependant, il désirait aussi tellement la connaître qu’il s’est obligé à freiner ses ardeurs pour continuer à converser avec elle. Il aimait entendre sa voix, son rire étouffé et regarder ses yeux bleus papillonner sous son regard intense. Malgré lui, il ne pouvait s’empêcher de la dévisager, profitant de ces derniers instants avant leur séparation. Il lui a promis de la rejoindre à Nantes dès qu’il le pourrait.

— J’en ai pour trois heures en moto, mais pour toi je ferai l’aller-retour dans la nuit s’il le faut.

Tout était parfait jusqu’à ce que des cris retentissent dans la villa et que Manuella et Quentin prennent conscience de ce qui était en train de se tramer à quelques mètres d’eux.

À présent seul, Quentin s’assoit sur le lit, l’oreille aux aguets, prêt à intervenir. Il n’est même pas surpris que les deux amants se soient faits attraper. Ce n’est pas la discrétion qui les a étouffés jusque-là.

Et maintenant, que va-t-il se passer ?

***

Erwann, les yeux flamboyant de rage, barre la sortie de Richard. Les deux hommes se toisent. Le silence est soudain revenu, plus criant que jamais. L’amant abandonné ne baisse pas les yeux, le menton légèrement relevé, défiant son ami avec arrogance. Il sait ce dernier capable de tout. Mais avec lui, osera-t-il faire quoi que ce soit ?

— Tu comptes faire quoi, Gaz ? Me foutre sur la gueule à moi aussi ? Comme tu l’as fait avec Quentin l’année passée pour régler vos différents ?

— Rien à voir avec Quentin. Ne mélange pas tout. Il n’a pas baisé mon fils, lui.

Et même pas ma fille qui plus est, alors qu’il aurait pu ! Enfin un pote sur lequel je peux vraiment compter ! Le seul, de toute évidence.

— Bon, bah vas-y, l’incite Richard en s’approchant. Puisque ça ne te dérange pas de t’en prendre à tes frères, je préfère que tu te défoules sur moi plutôt que sur Anthony.

— Je ne compte pas cogner mon fils. Je n’ai jamais tapé un seul de mes enfants.

Richard tente de passer la barrière de son corps mais Erwann s’y oppose, à bout de nerf. Il le contient avec force, l’obligeant à reculer. La discussion n’est pas terminée pour lui. Il aimerait comprendre comment Anthony et lui en sont arrivés là, sous son propre toit, presque sous ses propres yeux.

— Depuis combien de temps tu baises mon fils ?

— Laisse tomber, Gaz. Je ne parle pas avec toi quand t’es dans cet état-là.

Erwann le pousse dans la chambre en écrasant le plat de sa main sur son torse large et referme la porte derrière lui en la claquant. Richard ne bronche pas, conscient qu’Erwann ne passera pas l’éponge aussi facilement. Les deux hommes se dévisagent encore, l’un prêt à bondir, l’autre prêt à encaisser. Richard comprend qu’il n’y échappera pas et ne compte pas reculer devant l’échéance. Autant prendre les devants maintenant.

— Tu veux me tabasser ? Vas-y, pète-moi la gueule puisque tu n’attends que ça.

— Ohhhh ! Arrête de jouer au soumis. Je vous ai vus tous les deux, c’est toi qui lui prenais le cul, tu dois pas être du genre à te faire enculer. Mais comment ça se passe en fait ? C’est chacun son tour ?

— Mais tu te rends compte de ce que tu dis, sérieux ?

— Et toi tu te rends compte de ce que tu viens de faire ? T’as enculé mon fils, nom de Dieu !!!

Richard ouvre de grands yeux, muet de stupeur. Il ne comprend pas pourquoi Erwann fait une telle fixette sur l’acte en lui-même. C’est pas comme-ci ils n’en avaient jamais parlé tous les deux. Cela n’avait jamais eu l’air de le dégoûter ou de le choquer à ce point. Baiser c’est baiser, peu importe comment on s’y prend. Blasé, Richard reprend :

— Si c’est ce que tu retiens, ok. J’ai enculé ton fils. Vas-y, cogne-moi maintenant, qu’on en finisse et que je puisse rentrer chez moi.

— Erwann, ne fais pas ça.

Gwendoline se tient dans l’encadrement de la porte, le visage furieux.

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