Chapitre 30

4 minutes de lecture

Ecrit en écoutant notamment : Rebelion – Within Me [Rawstyle]



Je m’impatiente rapidement pendant les cours du jeudi, ayant réellement hâte que cette situation délétère s’éclaircisse enfin.

J’ai convoqué les deux pour 18h, et m’installe donc le soir venu en évidence devant l’entrée du bowling un bon quart d’heure en avance. Assis sur un gros roc de granit, j’en profite pour contempler le vol gracieux de deux cigognes qui quittent la branche noueuse d’un tilleul dévêtu en déployant leurs longues ailes blanches terminées par une bande de plumes noires.

Morgan finit par arriver en traînant des pieds deux minutes après l’heure convenue, mais nous attendons dans le silence le troisième intéressé encore dix minutes supplémentaires. Le visage fermé, il ne s’arrête même pas à notre hauteur, et balance sèchement en ouvrant la porte battante d'un coup de pied :

— Allons-y, je n’ai pas que ça à faire !


Point de vue Morgan


Ah, c’est donc lui, le fameux Alexandre... Il faut dire que je n'ai pas gardé un souvenir précis de notre première entrevue... Finalement, c’est bien pour Michaël qu’il se soit trouvé un copain. Si je n’avais pas été aussi aveugle, c’est moi qui aurais été à la place d’Alexandre aujourd’hui… Cependant, je me force à faire bonne figure. Une fois rentrés, je capte son attention et me lance, en essayant de paraître le plus convaincant possible :

— Tu sais, mec, tu n’as pas à avoir peur de moi. Il m’a expliqué le problème, et même si je ne me souviens absolument de rien, je tiens à m’excuser autant que je peux le faire.

Il m’inspecte quelques instants avec componction, puis déclare soudain en me serrant la main avec force :

— C’est vrai que tu n’as pas l’air méchant. En tout cas moins que samedi soir, on aurait dit une putain de bête sauvage.

Je souris, à moitié résigné:

— Allez, c’est ma tournée, je vous offre à boire…

Alexandre, dont l’humeur semble s’être restaurée d’un coup, me désigne en me claquant le dos :

— Ça c’est un bon gars! Ne te fais pas de souci, on va s’entendre !

Je vois Michaël rasséréné, mais qui soupire cependant :

— Raaah, Alexandre, tout ça pour ça…

Ce dernier s’approche alors de Michaël sensuellement en lui susurrant :

— Ah ouais, et pour ça, t’aurais attendu encore longtemps ?

Il se laisse tomber sur lui, manque de le faire basculer en arrière, et lui applique un baiser appuyé. Ça me fout les boules… et je ne peux en vouloir à aucun des deux.

Je serre les poings, et avant que l’envie d'envoyer une boule de bowling au hasard dans la foule ne devienne trop forte, j’interpelle Michaël en lui indiquant que je dois passer aux toilettes, et que je les rejoindrai dans cinq minutes.

En fait, je sors du bâtiment la mâchoire serrée et tente de passer mes nerfs sur une pauvre rambarde qui ne s’attendait sûrement pas à subir un tel traitement. Cependant, le choc des phalanges avec le métal m’arrache un léger cri de douleur, et le regard abasourdi d'un gamin de huit ans qui passait par là achève de me persuader que je suis définitivement un idiot.

Je vais m’écrouler contre une rangée de buissons située à l’écart des badauds en inspectant ma main droite qui prend déjà une teinte violacée. Je me fige, et mes pensées, comme dans un vilain cauchemar, tournent inexorablement en rond : Je l’aime… Et il y a Alexandre qui l’embrasse… J’ai trop attendu… et je l’ai même incité à précipiter les choses… alors que moi, seulement moi, j’aurais dû l’embrasser… je l’aime… et… je sens une main se poser délicatement sur mon épaule. Je relève la tête plein d’espoir et…


Point de vue Michaël


Quel soulagement ! C’est vraiment un poids en moins… Alexandre semble également satisfait, et réalise un joli spare tout en maîtrise à son premier tour.

Pourtant, j’éprouve à nouveau ce sentiment étrange qui devient de plus en plus récurrent : il me semble qu’il manque quelque chose entre nous deux. Son baiser était certes agréable, mais il manquait quelque chose, un je-ne-sais-quoi que seul mon doux Morgan possède…

Un petit quart d’heure plus tard, ne le voyant toujours pas revenir, je sens un malaise cristalliser dans mon for intérieur. Je ne peux m’empêcher de planter Alexandre là et de marcher d’un pas pressé vers l’endroit où est supposé se trouver mon bel ami. Toutes les cabines sont ouvertes, personne à l’horizon. Je ressors les mains humides, mon cœur s’accélère, et je sens mes artères temporales gonfler à chaque battement de celui-ci.

Mais merde alors, qu’est-ce qu’il me fait encore ! Je me précipite vers la sortie et tente de scanner tout autour de moi. J’entreprends de faire le tour du bâtiment et ma fréquence cardiaque double d’un coup lorsque je distingue dans un recoin à une cinquantaine de mètres une silhouette connue de dos.

Plus je m’approche, plus je comprends qu’il n’est pas bien. Ça me rend littéralement dingue de ne pas le voir heureux ; je vendrais corps et âme pour qu’il retrouve le sourire qui m'avait ébloui le premier jour où je l’ai rencontré, et qu’il n’affiche plus depuis la fin de la semaine.
Lorsque je pose ma main sur son épaule, il relève la tête et se tourne vers moi, les yeux écarquillés et la mâchoire grande ouverte.

Je m’assois à côté de lui, et lui passe mon bras dans le dos. Il se tourne ensuite lentement vers moi, avant que ses yeux emplis de détresse ne se rapprochent des miens et se ferment. Ses lèvres effleurent les miennes, et je sens progressivement son intense affliction se muer en une terrible fougue.

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