Chapitre 39

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Ecrit en écoutant notamment : Trym – R-301 [Hardtrance]


Alors que nous terminons de nous rhabiller, Nathan glisse habilement sur le banc en bois et me demande :

— Alors, c’est ok avec Morgan, pour le week-end prochain ?

— Oh merde, j’allais oublier, on a fait tellement de choses, ce matin ! Merci frangin !

J’attrape donc le susnommé par le bras avant qu’il ne franchisse la porte, et lui expose notre idée pour le week-end, qui inclut notamment la présence des cousins et la sortie à Europa-Park. Il se montre particulièrement enthousiaste, et semble très confiant sur l’accord qu’il pourra obtenir de ses parents, d’autant plus que ce sera le week-end des vacances.

Nous nous séparons ensuite tous les deux, chacun rentrant avec sa propre famille. Je crois qu’aucun de nous deux n’avait vraiment envie de forcer les choses : ça pourrait finir par paraître étrange, surtout aux yeux de ses parents. Ce n’était sûrement pas l’envie qui manquait, comme en a témoigné l’accolade prolongée et virile que nous avons échangée.

Il faudra vraiment que je trouve le moment approprié pour discuter avec lui de la réaction de ses parents, et ce, même si après coup, il n’a pas semblé tellement affecté par la remarque de sa mère… Peut-être ne se considère-t-il pas vraiment comme gay en fait, ni même bisexuel ? Toute l’attention qu’il semble me porter n’est-elle pas qu’une façade destinée à assouvir un de ses fantasmes, comme l’a fait Alexandre ? Non, ce n’est pas possible, arrête de penser n’importe quoi, c’est évident qu’il t’aime réellement !

Une fois rentrés à la maison, Nathan monte dans sa chambre pour se jeter sur le nouvel épisode de la saison 6 de The Walking Dead, tandis que je me vautre dans un canapé pour terminer de lire une romance gay qui me passionne, jusqu’à ce que nous soyons réquisitionnés pour préparer le repas. Ni mon frère ni moi n’étant de fins cuisiniers - nous pourrions même prétendre au titre de buse olympique en la matière -, nous nous contentons de faire griller une dizaine de merguez au barbecue et de découper une laitue. Simple mais efficace.

Comme d’habitude les samedis soirs, nous nous livrons à quelques analyses tactiques du match de l’après-midi. Après avoir réexaminé la physionomie de la rencontre, nous en étions à commenter les prestations individuelles des joueurs. Après avoir passé en revue la défense, Nathan lance avec enthousiasme :

— Ah, par contre, il faut le signaler, Morgan a fait un excellent match ! Il a bien orienté le jeu, il a mis beaucoup d’impact physique pour gratter des ballons, bref, très encourageant !

Mon père acquiesce :

— Tout à fait, assez étonnant d’ailleurs, j’ai discuté avec ses parents, et c’est bien la première année qu’il joue en club !

Nathan me fixe intensément d’un œil brillant de malice :

— Je me demande bien ce qui a pu le transfigurer comme ça ! C’est toi qui l’as motivé ce matin ?

Mon père ne relève pas, mais cette remarque sonne la mobilisation générale dans ma tête. Je me force à ne pas trop réagir, répondant seulement d’un haussement de sourcil peu convaincu, et heureusement, son regard perçant cesse rapidement, permettant à mon corps de réduire sa production d’adrénaline.

Bon, je crois que j’y échapperai encore aujourd’hui, mais il faudra se décider, et vite… Pourquoi ne pas le lui révéler avant le week-end prochain, quand Morgan et les cousins viendront ? Sinon, je ne tiendrai pas, l’avoir à côté de moi sans pouvoir le toucher… Et aussi… merde ! Alexis risque de me prendre pour un fou si je m’affiche avec Morgan, quelques semaines après avoir fait semblant d’être ensemble avec lui ! Rhaa, c’est compliqué…

Le soir, je m’installe devant la télé avec Nathan tandis que mes parents préfèrent lire chacun leur bouquin du moment dans leur chambre. N’étant pas trop compliqués, nous nous contentons d’une rediffusion de Bienvenue chez les Ch’tis, ça nous avait bien fait marrer au cinéma quand on était plus jeunes. Comme il n’est encore que huit heures et demie, Nathan sort deux glaces du congélateur et revient dans le salon en fermant la porte consciencieusement derrière lui, souhaitant sûrement que le bruit de la télévision ne dérange pas les parents. Il se laisse tomber sur son siège, et ouvre avec avidité son emballage :

— Ah, je n’en reviens toujours pas, la progression de Morgan en seulement un mois et demi est vraiment intéressante…

Non mais merde ! Arrête ! Qu’est-ce que t’as avec lui, sérieusement ?

— Ouais, pas faux.

J’essaie de changer de sujet en lui disant de mettre France 2, mais il poursuit, imperturbable :

— Après, avec le physique qu’il a, ça aide forcément ! Tu ne trouves pas qu’il a de sales abdos ? Et pas que d’ailleurs, j’en serais presque jaloux !

Euh, que fait-il ? J'espère qu'il n’est pas en train de préparer le terrain pour me dire qu’il est gay ! Ah mais non, s’il prétend qu’il est juste jaloux, normalement non… Mais pourquoi me balance-t-il ça maintenant, alors ? Tâchons de rester impassible.

— Bah non, pas spécialement, enfin, je ne sais pas…

— Eh ben, ça va pas lui plaire si je lui répète !

— Bah… non…

— Bah… si…

Et là, tout s’éclaire, il avait prévu son coup, en fermant la porte…

— Et… merde !

— Alors, tu comptais me le dire avant ce week-end ou pas ? Faut avouer que ça aurait été gênant sinon…

— Attends, mais t’as réussi à le deviner comme ça, juste en nous observant ?

— J’aurais bien aimé dire oui, d’ailleurs avec un peu plus de temps, j’y serais peut-être parvenu, mais non, c’est juste que c’est moyennement prudent de laisser traîner en évidence sur ton bureau des feuilles de cours avec certains graffitis… Et je ne connais pas cent mille Morgan ! Ah, le nombre de perches que je t’ai tendues ces derniers jours pour que tu m’en parles toi-même !

— Oh non… je suis vraiment irrécupérable… mais qu’est-ce que t’en penses ?

— Bah pas grand-chose, à part que c’est super stylé qu’on forme une fratrie homo-hétéro ! Et puis, même s’il a l’air un peu coincé, c’est sûr que papa ne peux qu’être content que tu lui ramènes un joueur de foot !

— Mouais, j’aimerais bien être aussi confiant… il faudra voir en temps voulu ! Et d’ailleurs, j’ai le droit de savoir si t’as une copine, toi ?

— En ce moment rien, mais c’est compliqué, j’ai du mal à dépasser les deux semaines, c’est pour ça que tu me vois rarement avec quelqu’un… Et avec ton amoureux, c’est depuis quand ?

— Oh pas longtemps, mais je le sens bien ! Il est génial !

— Euh, laisse-moi douter de ton expérience en la matière… Mais j’avoue qu’il est très… beau… je vais dire. Et je le trouve de plus en plus sympa, j’ai hâte de passer le week-end avec lui ! Tu n’oublieras juste pas que la cloison n’est pas très épaisse entre ma chambre et la tienne.

— Ne t’inquiète pas, je le sais bien, certaines fois, je me demande comment t’arrives à faire autant de bruit quand tu te tapes une queue !

Il rougit et se met à rire, sans être vexé, puis réplique avec une certaine répartie :

— Bah, la prochaine fois, t’auras qu’à imaginer que c’est ton Morgan, au lieu de moi ! Ah, question importante, tu penses gérer ça comment, avec l’équipe ?

— À mon avis, c’est plus prudent de les laisser en dehors de tout ça, t’es d’accord ?

— Ouais, tout à fait, c’est sûr qu’il y en aura au moins un ou deux pour nous faire chier…

Voilà pourquoi j'aime Nathan. Ni trop démonstratif, ni froid, taquin sans paraître hautain, juste parfait… c’est sûrement pour ça qu’il a trois fois plus d’amis que moi. Je le surprends plusieurs fois à me lancer des sourires ; il a l’air heureux pour moi. Journée réussie, je vais faire des rêves sympathiques…

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