Chapitre 43

5 minutes de lecture

Ecrit en écoutant notamment : Repix – Ultimate Neophyte Tribute [Hardcore]


Je vais directement prendre ma douche parmi les premiers, insiste pour que Nathan fasse de même, n’ayant aucune envie de m’éterniser ici, puis quitte le vestiaire après une douche express en saluant mes partenaires avec un sourire forcé.
J’ai un instant de flottement en voyant Morgan, qui regarde fixement le sol, mais je ne m’attarde pas devant lui, car j’ai d’autres chats à fouetter. En l’occurrence, je vais avoir affaire à un gros matou, à savoir mon père ! Vu à quel point il s’est montré inexpressif sur le fait que je sois gay, je n’ai absolument aucune idée de ce qui va se passer.
Pendant que nous marchons vers la voiture, Nathan me lance quelques regards très brefs du coin de l’œil sans rien dire.

Alors que nous montons sur l’autoroute, mon père se lance après quelques inspirations profondes, visiblement au prix d’un effort monumental :

— Euh il s’est passé quoi avec Morgan ? J’ai cru comprendre que c’était ton… petit ami…

— Non.

— Ah… je disais ça… vu que t’es… gay… et qu’il t’a embrassé. Ça me semblait plutôt solide comme raisonnement…

— Oui, en effet, mais non.

— Alors j’en déduis que lui aussi est homo… et que… soit il est dérangé, soit il est très courageux et mon fils me ment. Et… merde ! T’étais au courant Nathan ?

— Ouais pas de problème, je suis au… courant , dit-il en me dévisageant cette fois clairement d’un œil mauvais.

Je choisis de ne pas répondre, ce qui a l’air de soulager mon père, malgré tout mal à l’aise avec le sujet. Nous terminons le trajet dans un silence pesant, au lieu des débats footballistiques enflammés qui nous animent habituellement.

À peine rentrés, je cours dans ma chambre et mets un coup de clef pour ne pas être dérangé. Morgan a fait le con, c’est une évidence ! Il est toujours tellement… instinctif ! En ce qui me concerne, je pense avoir à peu près réussi à redresser la barre ; les doutes sur ma possible homosexualité semblent s’être assez vite dissipés parmi mes partenaires.

Merde, il aurait pu expliquer qu’il avait voulu faire une blague, je ne sais pas, pour énerver les supporters adverses par exemple ! Au lieu de ça, il s’est muré dans le silence…

Une fois n’est pas coutume, alors que nous nous attablons vers 21h30, mon père commence à nous parler de son boulot. Il n’a sûrement pas envie de remuer le couteau dans la plaie, ce qui m’arrange bien vis-à-vis de ma mère, et il profite donc de la source intarissable d’anecdotes que représentent ses employés pour alimenter la conversation.

Par contre, je commence à ne plus tellement apprécier les regards de Nathan, qui m’épie avec insistance depuis cinq minutes. Mais qu’est-ce qu’il me veut ? Il ne va pas prendre la défense de Morgan ! Il était bien d’accord avec moi sur le fait qu’il est impératif que ni notre relation, ni même mon homosexualité, ne se sache dans le club ! Et mon père, qui n’y connaît rien, à chercher des explications débiles, mais quel con aussi !

Dès mon assiette finie, je la range au lave-vaisselle et disparaît, prétextant que j’ai du travail, même si je sais qu’ils ne me croiront pas forcément. Il est à peine 22 heures, mais je m’allonge, en essayant de réfléchir calmement. Entre ma vision des choses, les regards de Nathan, les remarques de mon père et celles de mes coéquipiers, j’ai l’impression d’assister à un débat à l’Assemblée Nationale dans ma tête. Autant dire que c’est long, fatiguant et peu constructif. Finalement, au bout d’une heure, je sors vraiment mon cours de physique et fait semblant de travailler jusqu’à minuit. Ça me permet de m’endormir enfin…

Le lendemain matin, Nathan se montre toujours aussi glacial avec moi. Il est en train de me mettre de plus en plus mal à l’aise, là ! Alors que nous montons ensemble dans le bus au terminus de notre ligne, et que celui-ci est donc vide le matin, il va s’assoir tout à l’avant alors que je me suis laissé tomber sur notre banquette habituelle à l’arrière. Après un arrêt, je me décide à remonter le bus pour m’installer à côté de lui. Celui-ci étant encore quasi-vide, je lui chuchote violemment, ayant le conducteur à deux mètres de moi :

— Mais qu’est-ce qui va pas, mec ? C’est à cause de Morgan ?

— Wow, t’es vraiment trop fort ! Je t’avoue que j’ai jamais vu un mec faire un truc aussi stupide ! Il lui manque vraiment une case !

— Ah bah on est d’accord, où est le problème alors ? Tu m’aideras à me couvrir, au foot, hein, surtout s’il ose revenir !

Soudain, il devient rouge vif, c’est très rare et surtout très mauvais signe. Alors que le bus commence à être légèrement plus occupé par des jeunes qu’on connaît plus ou moins de vue, il se met à gueuler comme un damné :

— Alors toi t’es vraiment le roi des cons ! Mais tu te comportes comme un salaud, c’est pas croyable !

J’agite les mains de haut en bas pour essayer de le faire taire, en vain :

— T’imagines ce qu’il doit penser de toi maintenant ! Son mec le lâche pour sa soi-disant réputation, qui n’en est pas une, d’ailleurs, et le laisse en… en pâture aux autres sans aucun regret ! Putain, j’arrive pas à croire ce que tu lui as fait !

— Mais arrête de te mêler de ma vie privée ! me défends-je mollement.

— Et le pire, c’est que je suis sûr que tu l’aimes. Tu vas voir, tu vas pas tarder à regretter, je te l’assure ! dit-il en se calmant. Mais quand ce sera le cas, ça sera déjà trop tard. Enfin, non, depuis ce que t’as fait hier, c’est carrément irrattrapable !

— Tu penses, vraiment ?

— Mais évidemment ! reprend-il en hurlant. Et après tu vas nous faire une crise pendant deux mois parce qu’il te manque !

J’arrive au lycée, sonné tel un boxeur projeté dans les cordes après avoir subi un enchaînement droite/uppercut, et retrouve Lilian en essayant de me redonner une certaine contenance après cette humiliation en règle. C’est irrattrapable… Il a raison, il n’y a plus grand-chose à faire… Lilian m’explique d’un ton enjoué comment il a prévu de gérer Victor et Alexandre pour le travail de SVT. Son sourire complice me revient en tête… puis la vision de sa tête heurtant la rambarde… puis son regard éteint dans les vestiaires…

— Allez, dépêche-toi, on a maths en 205 !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire lampertcity ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0