Liées par le feu et le sang

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Après une courte errance, en descendant vers le Sud-Est, Thalixia découvrit une vieille mine abandonnée où elles pourraient se cacher. Elles s’y réfugièrent et allumèrent un feu dont le crépitement brisait le silence pesant de la galerie. La lumière vacillante projetait des ombres dansantes sur les parois rocheuses, révélant les vestiges d’un campement : quelques couvertures usées roulées contre la paroi, une lanterne brisée suspendue à un crochet rouillé. L’odeur de pierre et de cendres froides flottait dans l’air, mais cet endroit représentait pour Thalixia un refuge, un moment de répit durant leur fuite.

Elle jeta une poignée de bois sec sur les flammes, observant leur danse croissante.

Face à elle, l’enfant restait en retrait, recroquevillée contre un rocher. Sa silhouette fragile se détachait dans la lumière tremblotante, mais ses yeux dorés brillaient d’une méfiance profonde. Elle ne disait rien, les bras enroulés autour des genoux, comme pour se protéger.

Thalixia sentit son cœur se serrer. L’enfant ne devait pas avoir plus de douze ans, et pourtant, son regard témoignait d’un vécu bien plus lourd que son âge. Elle-même n’avait que seize ans, mais en cet instant, elle se sentait investie d’une responsabilité nouvelle, presque maternelle.

Elle s’accroupit doucement, sans gestes brusques.
— Tu n’as rien à craindre. Ici, tu es en sécurité.

Elle ne répondit pas, mais ne détourna pas le regard non plus.

— Je m’appelle Thalixia.

Un silence. Puis, une voix faible, presque un souffle :
— Azaria.

Thalixia lui offrit un sourire chaleureux.
— C’est un beau nom.

Azaria baissa les yeux, traçant des cercles dans la poussière du sol.

— Tu étais enfermée longtemps ? Quel âge as-tu ? demanda Thalixia doucement.

Azaria hocha la tête.
— Depuis mes sept ans. J’ai douze ans.

Cinq ans d’enfermement, cinq ans d’oubli. Une colère sourde monta en Thalixia, qu’elle réprima aussitôt. Azaria avait besoin de douceur, pas de colère.

Après un moment, Azaria releva la tête, un mélange d’espoir et de crainte dans le regard.
— Tu es comme moi ?

Thalixia prit une seconde avant d’acquiescer lentement.
— Oui.

Elle tendit la main, et une lueur orangée naquit au creux de ses doigts, projetant un éclat chaud et rassurant. La flamme dansa un instant avant de s’éteindre.

Azaria ouvrit de grands yeux, fascinée.
— Moi aussi, je peux faire des choses… murmura-t-elle.

Thalixia se contenta de l’encourager d’un regard.

Azaria hésita, puis leva la main devant elle. Une brise légère parcourut la mine, soulevant ses mèches rebelles. Peu à peu, de fines écailles bleutées apparurent sur ses avant-bras, scintillant doucement dans la lumière du feu.

Thalixia retint son souffle.
— C’est magnifique.

Azaria détourna le regard, gênée.
— Ils disent que c’est un don maudit, que ça fait de nous des monstres.

Thalixia effleura doucement les écailles du bout des doigts.
— Ils mentent. Ce que nous sommes est une force, pas une malédiction.

Un éclat d’émotion traversa les yeux d’Azaria.
— J’ai aussi un autre pouvoir… mais il me fait peur.

— Montre-moi.

Azaria inspira profondément, ferma les yeux. Un son étrange s’éleva alors, vibrant et profond, résonnant jusque dans les os de Thalixia. Ce n’était ni un cri ni un rugissement, mais une voix ancienne et primal, chargée d’émotions brutes.

Le feu vacilla, le vent se mit à tourner autour d’elles.

Puis tout s’arrêta. Azaria recula, effrayée.
— Je suis désolée… je ne voulais pas…

Thalixia posa doucement ses mains sur ses épaules.
— C’est incroyable. Une vraie voix draconique, n’est-ce pas ?

Azaria hocha la tête, tremblante.
— Parfois, quand j’ai peur ou que je veux appeler à l’aide, ça sort tout seul… Les Anciens disaient que c’était dangereux.

Thalixia soupira, son regard mêlant tristesse et détermination.
— Les Anciens voulaient nous faire croire que nous sommes des erreurs, parce qu’ils avaient peur de nous.

Elle resserra doucement sa prise.
— Je te promets que plus jamais on ne t’enfermera. Tu es libre, maintenant.

Azaria la fixa un instant, puis, timidement, se rapprocha un peu plus du feu.

Thalixia lui tendit un morceau de pain.
— Tiens, mange. On en aura besoin.

Azaria croqua doucement dans le pain, encore hésitante.

Un silence complice s’installa, rythmé par le crépitement du feu et le souffle du vent dans la mine.

Pour la première fois depuis longtemps, Thalixia n’était plus seule.

Elle savait qu’elle ferait tout pour protéger cette enfant. Comme une sœur.

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