Cher Stendhal et ton syndrome !
Cos’è successo ? Que s’est-il passé ? demanda le journaliste d’investigation au gardien de musée
« Le syndrome de florence ! je viens d’appeler les pompiers ! s’empressa de répondre le gardien en ajoutant « Ici à Florence, si tu veux devenir gardien de musée, tu dois faire la formation ! Moi quand on me l’a annoncé, j’ai répondu « Ma, quelle formation ? j’ai un CV plus long que le bras ! »
« Qu’est-ce que donc le syndrome de Florence ? » demanda le journaliste intrigué
« Il arrive que certaines personnes subissent les effets secondaires découlant de la beauté d’une œuvre d’art, ils flanchent… Mon second rôle c’est de les repérer et d’intervenir ! La première fois qu’on me l’a expliqué, j’ai répondu « ma, je ne suis pas docteur ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Moi je vois tous les jours de l’art et je n’ai jamais eu de malaise ! mais il paraîtrait que c’est normal, que je suis immunisé car je ne fantasme pas la beauté, elle fait partie de mon quotidien »
C’était tellement beau que je n’ai pas su quoi répondre… »
« Et quels sont les effets secondaires sur ces personnes ? » interrogea le journaliste
« Ce sont pour la plupart des voyageurs férus d’art, qui disposent que de peu de temps pour visiter toutes les merveilles de la Renaissance qu’offre la ville de Florence, et subitement ils s’effondrent devant un tableau, une représentation… »
« En fait », ajouta le gardien de musée « c’est comme si dans les profondeurs de leurs âmes d’artistes, se trouvait un immense réservoir de magma qui bouillonne et qui réussit à s’infiltrer dans les fissures de leur être tout entier et qui surgit avec violence, l’ébranlant entièrement, l’obligeant à s’affaisser…
On connait bien ce phénomène, nous les italiens avec tout le nombre de volcans que nous avons…
Cette histoire me fait penser à ma mère, une femme au tempérament de feu.
Quand elle fait la pasta al dente, recette qui remonte du temps des Médicis, transmise de générations en générations, c’est tout un art, elle ajoute plein d’ingrédients gardés secrets de mères en filles qu’elle fait cuire pendant des heures et je peux vous assurer que lorsqu’on mange ses pâtes accompagnées d’un bon vin, la musique tourne au fond du palais, on sent tous les arômes qui se confondent, on est aux anges…
Mais jamais, oh non grand jamais on est « tombé dans les pommes » pour autant ! Et cela même après le dessert, une panettone elle aussi faite maison… une panettone comme on pourrait en rêver la nuit….Eh bien moi, Monsieur, quand j’en rêve, je redescends me servir, ça s’arrête là et Basta !
« Cela reste du domaine de la gastronomie » fit remarquer le journaliste
Le gardien réfléchit un moment, se souvint et dit « J’ai vu un jour quelqu’un qui pleurait devant la statue du David comme si la main de Dieu elle-même l’avait créée… je n’ai pas compris tout de suite, cet homme pleurait de ces larmes qui coulent comme des rivières sans que le corps ne bouge. J’ai pensé « il va se dessécher et je lui ai apporté une bouteille d’eau et alors tous les « Signore, Signore, per favore… » pour qu’il se retourne vers moi n’avaient aucun effet !
Il a fallu que je lui touche le bras pour le faire sortir de sa béatitude, un vrai passionné ayant touché le sublime, ne pouvant plus revenir à l’ordinaire !
Cependant, le syndrome de florence, je pense que je le comprends un peu car….»
« Oui ? » répondit le journaliste aiguisé par la curiosité
Le gardien de musée reprit solennellement « Un jour, en me promenant, j’entendis une musique provenant d’une petite église. Je m’approche… L’église était vide éclairée seulement par un halo de lumière rayonnant au-dessus d’un groupe de musiciens postés près de l’autel et c’est là au moment où je suis entré que la chanteuse se mit à chanter…
Déflagration immédiate ! Je me suis alors rabougri tout doucement sur le banc qui s’offrait à moi, mes jambes chancelaient et, sans quitter des yeux ce spectacle, je suis resté bouche bée quand cette voix cristalline s’est mise à faire frémir l’autel. Mes yeux se mirent à s’embrumer, mon visage était fixé vers ce tout, vers cette voix magnifiée par l’acoustique de cette église. Moi, spectateur privilégié, j’assistais au sublime, au divin.
Je suis ressorti complètement ébranlé, peu m’importait sauf ce moment magique, j’avais assisté à l’Extraordinaire.
J’avais, et ce pour toujours, peint dans ma tête une toile pleine de couleurs et de joies à l’encre de cette voix.
Face au génie, à la beauté indescriptible, je n’ai pas pu en parler tout de suite, je voulais juste ressentir, encore et encore… »
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