Prologue

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Une nuit aussi sombre que du pétrole. Des étoiles cachées par des nuages d'encre. Une lune noire, invisible. Un air étouffant, humide.
Une silhouette rapide court dans la forêt, les pieds raclant les feuilles mortes et trempées. Plus haut, dans le ciel, une large forme la suit, semblant voler, battre des ailes.
Très vite, les ilhouettes disparaissent. Un criquet se met à chanter, bientôt imité par ses congénères, et le calme revient après le bruit de la course. Une grenouille croâsse, un oiseau pépie. Soudain, un énorme félin surgit, saute par inadvertance dans une flaque d'eau, et poursuit sa course en grondant aussi fort que le tonnerre. Quelques secondes durant, les cris de l'animal résonnent dans l'air, et cette fois, plus aucun autre habitant de la forêt n'ose jouer de sa voix.

Une femme. Elle s'était arrêtée plus loin, avait grimpé dans un arbre et avait attendu. Longtemps. Elle ne compta pas, elle n'en avait pas besoin. Elle ne s'ennuya pas, à se cacher du mieux qu'elle put, tourner autour du tronc pour toujours être dans le sens du vent, tenter de savoir quand repasserait le félin.
Félin. Ce mot était bien trop gentillet pour désigner cette masse de muscles faite pour déchiqueter. Tigre à dents de sabre est un mot plus adéquat, faisant allusion aux splendides armes que possède ce monstre. Il était énorme, et ses dents aussi longues qu'une jambe humaine.
La femme frissona. Autant de peur que de froid, sans doute beaucoup d'effroi.
Un courant d'air chaud s'engouffra sous ses minces braies, et une chouette hulula au loin. La femme tandit l'oreille, à l'affut du moindre bruit suspect. La forme volante avait disparu, partie loin en guise de piège. Drapée dans le noir de la nuit, la femme attendit jusqu'au matin pour qu'enfin revienne la forme volante. Cette dernière se posa au sol, et la femme descendit lestemment de son perchoir.

  • As-tu réussi à piéger notre poursuivant ?

La femme ne parlait pas à voix haute, ni à voix basse. Elle ne chuchotait pas, murmurait encore moins. Elle pensait. Par télépathie, elle communiquait avec le dragon qui se tenait face à elle.

  • Oui, il est tombé droit dans le trou que j'avais creusé à cet effet, lui répondit la créature, un semblant de sourire se dessinant sur son museau long.
  • Parfait. Laisse-moi à présent grimper sur ton dos, que nous puissions nous rendre dans le village de la Prophétie.
  • Évidemment, Altesse, répondit le dragon d'une voix grave et masculine.
  • Et, je t'en prie, cesse ces formes de politesse inconvenables, je n'ai aucun lien avec la royauté.
  • Pour moi...
  • Et ne me reparle pas de cette histoire, s'il te plait.

Ce fut l'air presque suppliant que la femme monta sur le dos du dragon qui ricana, geste qui provoqua un soulèvement irrégulier de ses flans.

  • Ne bouge pas ! le tança la femme en ripant sur une écaille.

Une fois qu'elle fut installée sur sa selle de cuir, le dragon bleu aux écailles irridescentes prit son envol d'un battement d'ailes puissant, et prit de la vitesse en direction de l'ouest. Le soleil commençait tout juste à poindre, faisant rougir le ciel jusque là pâle.

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