La Citadelle de Sangengonza

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Ils atteignirent la Citadelle au début de l'après-midi, sous une averse de neige. Ils ne s'était pas arrêter pour manger, et mourraient de faim, mais ils voulaient arriver aussi rapidement que possible.

Les habitants affichaient des visages souriants et flânaient dans les rues, discutant entre voisins ou visitant des échoppes. Mais il émanait d'eux une certaine tension que le groupe ne pouvait ignorer. Leurs gestes étaient plein de retenue, et ils pesaient visiblement le moindre mot avant de le prononcer. En outre, ils jetaient régulièrement un coup d'oeil par-dessus leurs épaules. Ils semblèrent néanmoins soulagés de constater que les Enfants du Monde étaient de retour dans la capitale.

Ils raccompagnèrent Isaac jusqu'au pont-levis qui menait au château.

-Notre mission s'arrête ici, sourit Zohan. Mais n'hésitez pas à refaire appel à nous !

Il s'inclina d'une façon plutôt théâtrale, et se recula de quelques pas, laissant la place aux autres.

-Ne devriez-vous pas venir avec moi, et le dire vous même à Père ?

-Nous ne sommes pas suffisament présentables pour être introduit devant Sa Majesté, rit Lysiana en se désignant. Nous avons grand besoin d'un repas et d'un bain avant d'oser venir devant le roi.

Ils étaient en effet couverts de poussière et leurs ventres gargouillaient bruyamment depuis qu'ils étaient arrivés en ville, et que l'odeur de la nourriture les environnait.

-Pouvez-vous dire à mon père que je passerai bientôt le voir ? Demanda Gwyldann.

-Ce sera la première chose que je lui dirai, promit Isaac.

Avec Zark, ils se promirent quelques scéances d'entraînement.

-Mais je serais également très heureux si vous venez juste pour discuter, précisa le Prince. Cela a été un honneur de voyager avec vous, et j'espère que nous continuerons de nous côtoyer.

Ses trois amis approuvèrent, et se reculèrent après l'avoir salué une dernière fois. Il ne resta finalement plus que la future Prêtresse Royale aux côtés de son Prince.

-Vous devriez venir au château Lysiana. C'est là qu'est votre place.

-Lorsque vous monterez sur le trône, Votre Altesse -Et puisse la Déesse faire que ce ne soit pas demain-, je serais ravie de rejoindre vos côtés et remplir le rôle qui m'incombe. En attendant ce moment, je souhaite continuer à voyager avec mes compagnons, et à améliorer la maîtrise de mes pouvoirs.

Elle ponctua sa phrase d'une profonde révérence, et se détourna aussitôt qu'elle se fut redressée, le laissant seul sous la herse du château.

-Prenez soin de vous Isaac, nous nous reverons bientôt.

Isaac la regarda partir, et pénétra dans la cour du château.

Lysiana rejoignit son frère et ses amis, qui l'attendaient devant la Statue de la Déesse. Ils y prièrent un court instant, silencieusement, et descendirent la rue principale pour rejoindre Les Vagabonds. Comme ils l'avaient observé en pénétrant dans la capitale, les gens semblaient d'étrangement bonne humeur. Mais il y avait dans leur yeux une lueur qui laissait deviner qu'il s'était passé quelque chose.

Thom les acceuillit avec grande joie, lorsqu'ils entrèrent dans son établissement, et les écouta raconter les raisons de leur absence.

-Qu'avons-nous raté ici ? S'enquit Lysiana ensuite.

Un long silence lui répondit, et l'aubergiste finit par lui répondre à voix basse.

-Depuis quelques temps, on en entend beaucoup à propos de ce groupe là, les Adeptes. On parle aussi beaucoup des Albinos. Il paraît qu'ils ont été aperçu un peu partout dans le royaume. Notamment à Urys, et même dans Asraad, dans les ruines du sud.

Isaac parcourait les couloirs du château. Il ne faisait que croiser des gardes et des serviteurs qui le saluaient en évitant son regard, et se dérobaient lorsqu'il posait une question. Personne ne l'avait acceuilli. Il ne s'était certes pas annoncé avec des coups de trompettes, mais il avait été convaincu que son frère l'avait attendu avec suffisament d'impatience pour le guetter tous les jours, ou que son père aurait souhaité le voir dès son arrivée.

Mais l'endroit était désert et silencieux. Comme s'il s'était passé quelque chose, et que cela avait avalé tous les sons. Il se retrouva devant la chambre royale, et frappa à la porte. Celle-ci s'ouvrit avec lenteur, et il se retrouva en face d'Hélénia. Elle l'observa, l'air de ne pas y croire, tremblante. Ses beaux yeux bleus étaient remplis de larmes, et ses traits étaient rongés par l'anxiété.

-Mère ? Murmura-t-il.

-Isaac ? Tu es bien là ?

Après un instant d'hésitation, la mère se précipita vers le fils, et le serra avec force dans ses bras. Ses larmes imbibèrent le tissu de son surcot, alors qu'elle pleura pendant plusieurs minutes. Finalement, elle se redressa, prit son visage entre ses mains graciles, et l'observa attentivement.

-Ta barbe a poussé, et tu as grand besoin d'un bain.

Il laissa échapper un petit rire, mais s'arrêta quand elle n'y répondit pas.

-Où est Ronand ? S'inquièta-t-il. Et Père ?

-Oh Isaac, chuchota-t-elle en lui caressant la joue du bout du pouce.

Sa voix s'était remise à trembler.

-Il s'est passé une chose terrible.

Plus propre que des sous neufs, le groupe était réuni dans la salle commune de l'auberge, autour d'un bon repas chaud. Gwyldann rongeait conscienscieusement l'os qu'il avait pêché dans son ragôut, quand les mots tombèrent dans ses oreilles, prononcés par la serveuse.

-Après votre départ, on en a vu ici. A Sangengonza. Ils ont causé beaucoup de grabuge lors des dernières festivités. Le Roi a précipitamment était ramené dans l'enceinte du château.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Il va bien ?

-Il a fait une apparition publique, et avait l'air d'aller bien, sourit la jeune femme. Seulement fatigué, mais c'est normal, après une attaque.

-Une attaque ? S'étonna Zark.

-Vous n'étiez pas au courant ? Elle a eu lieu le dernier jour de la Fête de la Déesse. Il parait que le Chancelier l'a poignardé en plein milieu de la foule, lors de la mise à feu des idoles.

Gwyldann laissa tomber son os sur la table, les yeux écarquillés de stupeur, et Zohan sauta sur ses pieds. Lysiana était déjà à la porte.

Laissant l'établissement derrière eux, les quatre amis coururent jusqu'au château. Ils furent stoppés sur le trajet par un groupe de six hommes. La peau blanche et les yeux mauves, ils semblaient attendre dans la rue désertée. Les attendre, pouvait même dire Zohan. Malgré le temps qui avait passé, il reconnut parfaitement ceux contre qui il s'était battu, devant le Tableau à Affiches. Lysiana s'en rendit compte également, car elle décrocha son arc de sa cuisse, et le matérialisa. Les trois autres sortirent également leurs armes. D'en face, ils entendirent le chuintement doux de la lame qui sort de son fourreau.

L'homme afficha un sourire goguenard, et dit quelque chose à ses hommes en désignant la jeune femme du doigt. Puis il disparut subitement. comme s'il ne s'était jamais trouvé là. Les cinq autres se jetèrent sur eux. La rue était large, et le combat dispersé. Les hommes en face étaient entraînés, et Zark et Zohan avaient du mal à tenir en respect leurs adversaires et assurer la sécurité de Gwyldann, qui se cramponnait tant bien que mal à sa dague.

Les pavés bougèrent sous eux, la terre s'éleva, comme si elle s'était transformée en mer déchaînée, et commença à engloutir leurs ennemis. Lysiana dégoulinait de sueur, et ses yeux brillaient d'un vert intense, alors qu'elle se concentrait sur sa maîtrise. Les pavés retombèrent brusquement au sol, alors qu'elle poussait un cri de douleur. Lui tordant un bras dans le dos, l'homme qui avait disparu plus tôt s'appliquait à la contenir. Zohan fit un pas vers sa soeur, mais elle le fixa dans les yeux, de Ses pupilles qui étaient encore illuminés de la couleur des émeraudes. Ses lèvres formèrent quelques mots qu'il n'entendit pas, mais qu'il comprit. La seconde d'après, elle n'était plus là.

-Lysa !! Hurla-t-il néanmoins dans la rue vide.

-Zohan, qu'est-ce qu'on fait ? S'enquit Gwyldann d'une voix tremblante de peur.

-Ce qu'elle nous a demandé. On retrouve Isaac.

Il tourna les talons, et remonta vers le château, ses amis juste derrière lui. Alors qu'ils débouchaient sur la place centrale, bousculant quelques personnes au passage, ils avisèrent une tête blonde qui s'échappait précipitemment dans une ruelle. Il se rua à sa suite, et manqua de trébucher sur les pavés. Il se rattrapa au rebord de fenêtre

-Isaac, cria Zohan.

L'interpellé se retourna vivement, et évita de justesse de se faire rentrer dedans par son ami, qui lui courait après. L'épéiste était agité de tremblements qu'il tentait de maîtriser en serrant les poings.

-Que faîtes-vous en dehors du château ? S'inquiéta Gwyldann.

-Je vous cherchais. Père...

-Ils viennent d'emmener Lysiana ! Interrompit Zohan. Ils nous ont attaqué dans la rue, et l'un d'eux s'est volatilisé avec elle.

Le Prince le fixait, pâle comme un linge. D'une voix à peine audible, il lui dit :

-Il ont pris Ronand.

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