Chapitre 76 : Des hommes heureux

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- Nagib ! Trouve-moi, Alex, vite !

- Que se passe-t-il, William ?

- Sophie va accoucher ! J'ai besoin de son soutien... et du tien.

Un grand sourire barra le visage de Nagib. Il s'approcha de William qui venait de se laisser tomber sur une caisse de munitions et balançait devant lui ses grands bras en signe d'impuissance.

- Du calme, mon frère, fit-il en posant la main sur son épaule. Je vais chercher Alex. Il est peut-être déjà chez le gouverneur. Je vais passer par la Casa de los Naranjos. Sophie veut-elle que je demande à Ameera et Satya de venir ? Elles avaient été d'une grande aide pour la naissance de Roy...

- Je veux bien ! fit William en le fixant droit dans les yeux. Mais fais vite !

- Roy a mis des heures à naître... Ca m'étonnerait que ça aille beaucoup plus vite pour ton deuxième fils !

- Mais une fille sera peut-être plus rapide... gémit William.

Nagib leva les yeux au ciel, n'ajouta rien et s'éloigna tranquillement vers les écuries. Quelques minutes plus tard, William le vit passer à cheval et gagner la sortie des cantonnements. Il soupira, se prit un instant la tête entre les mains, puis retourna vers la maison où il vivait avec Sophie et Roy. Une servante avait fort heureusement pris en charge le petit garçon et se préparait à l'emmener en promenade. Il lui suggéra de se rendre auprès de Don Felipe et de Luna Randall qui sauraient bien occuper l'enfant. Il croisa un de ses lieutenants qui s'inquiéta de son air abattu et de son attitude. La nouvelle de la naissance du deuxième enfant du colonel fit le tour de la garnison en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire.

**

Nagib ne mit pas bien longtemps à trouver Alex : il était encore tôt ce matin-là et il se trouvait toujours à la Casa de los Naranjos. Yussev prépara une voiture et conduisit lui-même Ameera et Satya jusqu'aux cantonnements. Alex et Nagib le précédèrent, car Alex avait bien compris qu'il fallait se rendre rapidement auprès de leur ami.

Il était chez lui et tournait en rond en faisant de grandes enjambées, sous la véranda.

- Ah, mes frères ! Je me sens déjà mieux à vous voir !

Alex lui sourit :

- Nous n'allons pas te laisser dans l'adversité. Comment va Sophie ?

- Bien... Enfin, je crois... Je n'ai plus le droit d'entrer dans la chambre. Tout ce que j'ai vu, c'est notre servante passer avec les draps trempés... Puis remonter avec d'autres linges.

A ce moment-là, Yussev arrêta la voiture près du bungalow et aida aussitôt Ameera et Satya à descendre.

- Laissons les femmes s'en occuper, dit Alex en fronçant légèrement des sourcils. Et allons voir tes hommes. Tu vas leur donner de l'entraînement, ça t'occupera l'esprit.

Et ils se dirigèrent vers les baraquements.

La matinée passa ainsi. Alex n'avait pas vu William commander l'entraînement de ses hommes depuis longtemps et il nota une fois de plus qu'il ne suivait pas toujours les principes académiques. William faisait à sa façon, en tenant compte du terrain, de la chaleur, de l'état de ses hommes. C'était aussi ainsi qu'il avait pu remporter quelques victoires.

Alex et Nagib connaissaient quelques-uns des jeunes soldats se trouvant sous son commandement : ils étaient d'anciens élèves de la Martinière ayant connu le siège de la Résidence et l'un d'entre eux - que William jugeait très prometteur - était déjà lieutenant. Ces jeunes gens revoyaient toujours Alex et Nagib avec plaisir et ils discutèrent un moment ensemble, à la fin de l'exercice de tir.

**

La fille de Sophie et de William vit le jour en fin d'après-midi. Empêcher William de rester dans la maison avait été un vrai défi pour Nagib et Alex, et ils avaient dû compter sur l'aide de Sammy et d'un lieutenant presque aussi costaud que lui pour le garder à bonne distance. Ce fut Satya qui vint les chercher, alors qu'ils se trouvaient tous au mess.

- Vous pouvez venir, Sahib Colonel ! Madame Sophie vous attend...

- Ah, Satya ! Enfin ! Bon sang que c'était long...

- Ca l'était beaucoup plus pour Roy... fit Alex qui s'était levé à son tour et suivait son ami. Ton fils m'avait réveillé en pleine nuit et je me souviens encore d'avoir été bien trempé, juste à traverser les jardins pour prévenir le médecin.

- Médecin qui était trop occupé, oui... Mais si j'avais été là, je me serais détendu en tirant sur du rebelle ! Ma foi ! J'aurais bien écourté le siège de quelques jours à moi tout seul, je crois !

Nagib qui avait emboîté le pas à Alex s'amusa bien de cette réplique.

- Tu y as mis fin, avec la charge de tes Highlanders...

Mais William ne l'entendait déjà plus et franchissait le seuil de son bungalow d'un pas vif. Alex et Nagib attendirent sous la véranda. Satya n'avait rien laissé entendre concernant le sexe du bébé et Alex se dit que leur ami aurait certainement plaisir à leur présenter l'enfant. William revint en effet un quart d'heure plus tard, portant avec précaution le bébé dans ses langes.

- C'est une fille, dit-il avec gravité. Je suis déjà fou d'elle...

Alex éclata de rire et Nagib secoua la tête, un grand sourire barrant son visage.

- Tiens, Nagib Mustapha Salem, prends donc ta nièce dans tes bras !

Le sourire disparut du visage de Nagib qui se fit grave et ému :

- Merci, Will, dit-il en tendant les bras pour prendre la petite fille.

Elle avait quelques cheveux clairs, presque blancs, un visage tout rond et une jolie bouche en forme de cœur.

- Tout le portrait de sa mère ! soupira William.

- Je trouve pourtant qu'elle te ressemble un peu, fit Nagib.

- Ah ?

- Oui. Je crois déjà deviner un fort caractère.

- Il y a déjà assez de Roy... soupira William. Et de moi ! Tu veux rendre ma Sophie complètement folle ?

Nagib sourit. La petite fille ouvrit les yeux, fronça du nez d'une façon comique, puis bougea un peu la main. Il y glissa un doigt qu'elle saisit vivement.

- Ca y est, tu es adopté...

Alex contemplait le tableau avec amusement et attendrissement. Il était très touché aussi que William ait autant associé Nagib à sa joie et à cette naissance que lui-même : une preuve de plus que leurs différences n'étaient pas des obstacles, du moins dans leurs esprits. Car William soupira une fois de plus en regrettant que Nagib ne puisse être le parrain de sa petite Elisabeth.

**

- Je rendrai visite à Sophie demain, dit Luna. Nous pouvons garder Roy quelques jours, si besoin.

C'était la fin du repas. Nagib était demeuré avec eux ce soir-là, comme il le faisait de temps à autre. Don Felipe et Sonya étaient toujours très heureux de le compter parmi les convives. Ameera demeurerait pour la nuit chez les MacLeod et si nécessaire pour les prochains jours avec Sophie. Mais Satya avait déjà apporté quelques éléments aux deux femmes. Luna était rassurée pour son amie : la naissance d'Elisabeth avait été bien plus facile que celle de Roy, indépendamment des conditions dans lesquelles ils se trouvaient tous à l'époque.

Alex était resté pensif une bonne partie du repas. Il songeait qu'il serait dans quelques mois, comme William, à vivre la naissance de leur deuxième enfant. Ils n'avaient pas encore annoncé la nouvelle, Luna voulant la garder pour l'anniversaire de Don Felipe qui aurait lieu dans quelques jours. Alex avait été touché par ce souhait, notant une fois de plus les liens qui existaient entre sa femme et son grand-père et cette attention qu'elle portait aux autres, sa générosité. Il l'aimait aussi pour cela.

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