Alek - 5.1

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L’imposant moteur du dirigeable vrombissait d’une manière bien désagréable juste à côté d’Alek. Les pistons bien visibles faisaient leur office en des va-et-vient rapides dans la structure d’aciers et le mécanisme, en entier, tournait ainsi avec une efficacité presque inhabituelle pour un appareil impérial.

Si on mettait bien sûr de côté les petits crachotements qu’émettaient le moteur ainsi que les nombreux bruits parasites qui accompagnaient son fonctionnement. Des sons comme superflus à placer sur le compte du carburant de qualité somme toute relative des colonies.

Les temps étaient durs pour tout le monde et ce même pour les instances impériales…

Le magister était accoudé sur l’une des rambardes d’acier de l’engin et la cité nation s’étendait quant à elle à perte de vue en dessous du dirigeable. La navette qui opérait avec la prison de la ville, suivait ainsi son itinéraire pour rejoindre cet endroit bien particulier répondant au doux nom de « La Fosse ». Sur le ponton couvert de bois, le magister était entouré d’une foule bien hétéroclite dont la seule similitude résidait dans leur mine bien morne et renfermée qui se comprenait au vu de leur destination.

Ainsi, on retrouvait là des agents de la bureaucratie impériale, des gardiens qui s’en allaient prendre leur rotation et enfin quelques rares civiles qui avaient pu monnayer une visite à leur proche incarcéré derrière les solides barreaux de la Fosse.

Rien n’était gratuit dans la cité nation et c’était d’autant plus vrai dans la prison d'Aldius. Parmi toutes les factions de la pègre qui étaient enfermées dans ce sordide lieu, il y en avait une qui rivalisait avec toutes les autres, les gardiens. Ils étaient les criminels les plus froids qu’Alek connaissait. Mais pour un endroit si dangereux, l’Empereur avait besoin d’un personnel prêt à rivaliser en cruauté et sauvagerie avec les pensionnaires du pénitencier. Douce ironie de la justice de l’Empereur qui utilisait ce mal nécessaire pour garantir le bon fonctionnement de prison et de manière plus général la ville.

La brutalité était la réponse à tout dans la cité nation, se dit Alek, et tous semblaient accepter cet état de fait…

— Tu as repris des couleurs, fit le magister à sa coéquipière qui se tenait non loin de lui en se cramponnant elle aussi à la rambarde de l’appareil.

— Un bon repas et on est reparti, hein !? fit Amicia comme pour le convaincre ou pour se persuader elle-même de ses propres forces.

Lui souriant, Alek regarda alors à nouveau le paysage. Le décor qui défilait en dessous alternait entre les hauts bâtiments d’habitations et les nombreux rails des navettes de transports qui couraient entre eux. Les niveaux supérieurs toisaient à présent l’engin de toute leur hauteur. Ils cachaient le peu de lumière qui dominait en ce jour en couvrant l’aéronef d’une sordide ombre.

Toute lumière ou couleur s'évanouissaient donc. Après tout, il n’y allait pas en avoir beaucoup dans le lieu où se rendaient Alek et Amicia.

— Tu sembles soucieux, fit alors la magister à Alek.

— Je ne dirais pas ça, je me demande juste si cette piste nous sera d’une quelconque aide.

— Quoi, tu n’aimes donc pas la Fosse à ce point ?

— Qui l’aime, toi ?

— Ho ! ça non, répondit Amicia avec une expression qui se serait bien substituée à sa phrase. Raison de plus pour se dépêcher, plus vite on en aura fini notre tâche, plus vite on quittera ce maudit endroit. Indices ou pas…

Comme pour donner plus de sens aux mots d’Amicia, le dirigeable des magisters survola alors le pénitencier. L’établissement n’usurpait en aucun cas sa triste réputation et Alek observa le lieu en un mélange de dégoût et de fascination déplacée.

Une étonnante et grande zone déserte bordait la prison en renforçant ici l’effet de ce véritable trou sans fond, car la prison était telle une cicatrice qui défigurait la ville. Une sombre balafre qu’aucune lumière ne pouvait éclairer. Des murs circulaires entouraient ainsi cette crevasse et des tours finissaient la structure défensive.

Le dirigeable qui avait terminé sa descente se posa alors sur l’une des plateformes d’acier qui lui était dédié et permit aux magisters de mettre enfin pied à terre face à la seule porte de la prison. Il y avait là de hautes grilles et ces dernières, ainsi que les murs lisses qui les encadraient, étaient toutes finies par de nombreux barbelés entremêlés en une multitude d'inextricables obstacles.

Les grilles coulissèrent et un groupe de garde vint à la rencontre des arrivants. Ils étaient tous habillés de leurs uniformes bleus. Certains tenaient des matraques tandis que d’autres agrippaient avec force les laisses de leurs puissants chiens. Il y en avait même qui étaient harnachés dans d’impressionnantes protections. Des armures qui rendaient presque hommage aux chevaliers de l’Ancien Monde. À ceci près que ces « chevaliers » modernes inspiraient tout sauf de la confiance dans leurs apparats d’aciers bien sommaires.

L’atmosphère pesante qui avait pris Alek à l’approche de la Fosse n’était que plus importante à présent. Ces hommes n’étaient pas là pour faire figuration…

Les arrivants formèrent bien vite une fille sous les ordres qu’aboyait l’un des matons de l’établissement. Le plus gradé des hommes présents à voir la posture droite qu’il tentait de tenir. Les gardes emmenèrent ainsi les arrivants à travers une série de passage qui se refermait à chaque fois derrière eux.

Avançant juste derrière Amicia, Alek lança un dernier regard en arrière pour apercevoir leur transport partir. Le seul contact avec l’extérieur les quittait et les magisters allaient maintenant devoir attendre la rotation de plus de deux heures qu’opérait le dirigeable pour espérer partir ce sombre complexe.

Les gardiens menèrent la petite troupe à travers un dédale de couloirs oscillant entre tunnels d’aciers et voies grillagées avec toujours ces maudits barbelés qui supplantaient tout.

Leur avancée presque en apnée s’arrêta alors face à une grande double porte. Le leader des matons frappa de sa matraque les battants d’aciers et le passage s’ouvrit ensuite dans un grincement aussi gênant que sinistre.

Lorsque le dernier des visiteurs eut franchi la barrière, le chemin fut également close. Les magisters étaient ainsi pris au piège au sein de la bête, de la Fosse.

Alors que les nouveaux gardes étaient salués par leur collègue, les matons divisèrent les civiles en petit groupe et un homme râblé au regard mauvais se porta à la rencontre des deux magisters. Un officier au vu des galons qu’il arborait fièrement sur ses épaules.

— Que nous vaut cet honneur ? commença-t-il sur un ton frisant la rudesse.

— Nous venons pour un interrogatoire, dit simplement Alek de manière bien neutre.

— Je vois, je vois... conclut l’officier avant de siffler. Dyther ! lança-t-il à un de ses confrères. Mène nos "amis" arcanistes aux salles d’interrogatoire.

— Oui lieutenant.

Et d’un geste de main, le gardien incita les magisters à le suivre.

L’intérieur de la prison n’avait rien à envier à ses murs d’enceinte. Il n’y avait là aucun contact avec le monde extérieur. Aucune lumière salvatrice n’arrivait à percer les défenses de l’endroit et la pénombre tenace qui régnait se trouvait uniquement écartée par d'éparses lampes à pétrole réparties le long des passages.

Le garde qui menait le trio marchait équiper de lourdes bottes noires doublées. Ces dernières résonnaient avec force à chacun de ses pas qui foulaient les grilles du sol. Ses clefs, quant à elles, réparties en plusieurs trousseaux sur sa ceinture, cliquetaient en un discordant accord à chacun de ses mouvements.

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