Prélude - 1.3

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La patrouille suivit ainsi la piste sur quelques étages, les traces qui parsemaient le chemin s’estompant de temps à autre. Cependant la vision vieillissante de Jeramiah n’avait rien perdu de son efficacité et le vétéran de la tour retrouvait à chaque fois les signes laissés par l’intrus. Les indices les menaient toujours plus bas et bientôt tous trois arpentèrent les derniers niveaux qui surplombaient le sol. Le porion Jeremiah, professionnel comme à son habitude, ouvrait la marche. Johan qui avait étrangement cessé ses blagues de mauvais goût suivait. Il avait, d’un geste d’épaule, saisi son long fusil à verrou porté jusqu’alors sur son dos.

Bastian équipé lui aussi de cette même arme avançait, trop conscient de la présence du mutant. Cette sensation de malaise et de peur qui l’avait accompagné durant le début de la patrouille revint alors au galop. À en croire le porion, les créatures avaient de quoi effrayer et les contes que le jeune homme avait entendus ne devaient pas être très loin de la réalité.

Jeramiah qui éclairait en scrutant le sol s’arrêta, sa lampe tendue vers le panneau d’un des conduits de la paroi murale. Ses deux camarades qui l’avaient rejoint observèrent la scène à leur tour. La plaque de protection avait dû être enfoncée et était grand ouverte. La peinture rouge était écorchée et grattée le long de l’encadrement, aux endroits où ce qui devait être de griffes  avait  forcé le passage ; la chaîne qui autrefois fermait le tout gisait par terre, brisée, comme si une puissance avait fait imploser l’acier.

— Alors là c’est le début des problèmes, commença Johan en croisant le regard du porion.

— Tu ne peux pas être plus vrai. Je n’ai jamais vu de mutant avec une force qui déchiquetterait un panneau, répondit Jeremiah en touchant les éraflures sur le conduit.

— Tu penses que la chose qui a fait ça n’est pas loin ? questionna le balafré en s’approchant à son tour.

— Malheureusement, il y a de grandes chances.

Bastian qui avait imité ses aînées  s’y engouffrait à présent en éclairant l’intérieur de sa lampe. Le regard du jeune homme observait chaque recoin de pénombre en quête d’hypothétiques indices. La taille correcte du passage devait permettre à un individu de se mouvoir, il n’osait ainsi pas imaginer les nombreuses et diverses entités qui avaient pu s’y frayer un chemin. Tandis que Bastian allait se remettre debout, Johan frappa le conduit de sa crosse en bois, ce qui fit sursauter son camarade qui se cogna contre la paroi supérieure du boyau.

— Vraiment débile celui-là, lâcha Bastian en se frottant la tête qui le lançait à présent d’un pic bien douloureux.

L’intéressé somme toute hilare de sa blague tapota l’épaule de Bastian pour s’excuser sous le regard désabusé du porion.

— Ho ! c’est bon, aller, détends-toi, être aussi à cran n’est sûrement pas bon pour ta santé, le jeune.

Ignorant la remarque, Bastian continua.

— C’est étrange qu’une créature comme ça ait réussi à déjouer nos défenses, dit-il d’un air intrigué. Entre les unités mécanisées de la colonie et la garde tempête de la Morte-terre, ce ne sont pas les lumières et les sentinelles qui manquent.

Avant que le porion ne réponde, un son résonna dans le conduit. Tout le groupe s’immobilisa. Les patrouilleurs firent volte-face, leurs lampes tendues. Figés, les trois hommes échangeaient des regards perplexes. Jeremiah qui tenait le plus imposant des éclairages sortit un pistolet court et compact relié par une chaînette à son holster de ceinture. Jeramiah armant la détente de sona rme de poing, toujours pétrifié comme une statue tentait de localiser le bruit qui revenait de temps à autre.

Le son distant semblait se rapprocher, mais les faisceaux de lumière des lampes des patrouilleurs balayaient le sombre couloir sans rien découvrir. L’écho continua cette fois à leur étage, juste vers la porte qui finissait la coursive et les hommes s’avancèrent à pas de loup. Arrivé devant l’entrée, Jeremiah déverrouilla cette dernière et d’un geste peu assuré malgré son expérience, poussa le battant.

La salle face à eux était grande et plongée dans la pénombre, le regard du porion revint alors vers le groupe et croisa celui de johan. Jeremiah lui fit un signe de tête pour lui intimer d’approcher. Tiquant et chuchotant quelques noms d’oiseaux l’homme contraint par son supérieur avança avec sa longue arme à feu, prêt à tirer.

Johan s’aventura dans la pièce d’une démarche peu enjouée. Il se disait d’ordinaire courageux, il le clamait même haut et fort, mais cette progression, seul, devait l’emplir d’un doute inédit. Bastian était quant à lui recroquevillé de peur sur lui-même à l’entrée, son fusil serré entre ses mains. Le porion qui se tenait à côté de lui balayait la salle de sa lumière comme pour donner quelque aide à Johan qui s’enfonçait dans la pénombre.

La petite lampe personnelle du balafré était tel un halo isolé dans l’obscurité. Une touche orangée qui se reflétait dans les quelques conduits encore polis de la pièce. À mesure qu’il progressait, il devint de moins en moins visible par ses deux confrères à l’entrée.

Johan à présent au centre s’était arrêté dans un silence de mort.

— Alors ? Rien ? articula le porion après avoir dégluti.

Sa voix résonna dans la salle et Johan se retourna vers ses camarades. D’un pas plus assuré que lors de son arrivée, il rebroussa chemin. Mais à la moitié du trajet il se stoppa subitement et les scruta les yeux écarquillés. Le porion et Bastian se figèrent à leur tour, mais bien vite le regard de Johan devint un grand sourire qui se dessina sur son visage.

— Franchement, c’est beaucoup trop simple de vous mener en bateau tous les deux.

Johan tout hilare de son énième blague fut alors accompagné par le porion qui laissa passer un rire plus léger. Un ricanement de malaise qui évacua son stress. Mais tandis que le balafré rigolait, Bastian vit comme une couleur rouge apparaissait sur la chemise blanche de Johan.

Ce dernier cessa de glousser. Baissant la tête, le balafré aperçut qu’une tache écarlate se répandait sur le tissu de ses habits. Johan restait les yeux rivés sur la lame responsable, traversant son ventre, et son regard auparavant enjoué se changea en un mélange d’incompréhension. L'arme se retira alors de son corps et, relevant son visage vers ses camarades de patrouille, il tomba à genoux. Il lâcha sa lampe qui se brisa en propageant son liquide qui s’enflamma en un instant. Une lumière vive et orangée naquit sur la flaque de pétrole du sol et les deux hommes de l’entrée purent voir une forme importante se dessiner derrière Johan, les deux mains encore plaquées sur sa blessure.

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