Malden - 1.1

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— Votre mission est donc claire !

La salle foisonnait de murmures et voix basses à la suite de l’exposé. Les officiers de la brigade Kempfer, de jeunes nobles en quasi-totalité, occupaient les sièges placés face à un mur recouvert de grandes cartes et d’une pléthore de différents clichés argentiques épinglés ci et là. Ces diverses sources d’informations étaient éclairées par la lumière de différentes lampes à pétrole qui encadraient l’espace de présentation. La petite estrade juste en dessous était, elle, peuplée par les hauts gradés de l’armée impériale qui naviguaient sur le plancher grinçant de la structure en observant la salle de leurs regards lourds et sérieux.

Cet attroupement de décisionnaires s’agitait en tous sens face aux jeunes qu’ils allaient envoyer au combat, à la mort. Montrant tour à tour les informations importantes de leurs cannes ou baguettes de manière aussi distante que leur poste avec le front ainsi dépeint.

Les hommes expliquaient les plans d'une zone de guerre où ils n’avaient sûrement jamais mis les pieds. N'avait jamais foulé le sol gorgé de sang qui les aurait figés sur place. Pourtant ils étaient là, avec leur air plus hautain que noble, à présenter les secteurs d’affrontement sur d’anciennes et grandes cartes toujours plus gribouillées et griffonnées. Presque dépassées à l’image des vieux généraux qu’ils étaient. Le papier jadis vaillant de ces antiques documents était maintenant bien jauni et déchiré sur les bords. De nombreuses marques bleues dépeignaient les troupes de l’Empire opposées à une foule de même croix cette fois rouges, réparties sur le long du front qui séparait à présent l’Union de leur maître passé.

Ces nobles officiers aux visages vieillissants et aux barbes ou moustaches toutes plus travaillées étaient tous parés de leurs plus beaux et riches uniformes. Le bleu sombre du tissu de leurs costumes était impeccable en ne présentant évidemment aucun pli ou défaut. Leurs épaulières dorées quant à elles, bien étincelantes, n’avaient rien à envier aux médailles qui couvraient leurs torses.

Malden n’affectionnait guère les réunions à rallonge de ce genre. Sa fière descendance lui avait permis d’étudier à l’école impériale de guerre et de devenir lieutenant. Mais ce n’était pas pour autant qu’il aimait voir de grisonnants et vieux gradés parler de choses qu’ils ne saisissaient pas, dont ils n’avaient jamais fait l'expérience. Les présentateurs de la séance faisaient leur petit spectacle autosuffisant face à l’assemblé ou peu suivaient leurs dires. Ou certains même luttaient pour ne pas simplement s’endormir.

Et le moment de conclusion aussi faux que leurs soi-disant connaissances arriva.

Le plus habillé et décoré des officiers s’avança. Les mains croisées derrière le dos et la posture droite. Le torse non pas juste couvert de médailles comme ses homologues, mais par une écharpe de tissu doré cadeau de Sa Majesté Impériale.

Vous êtes les officiers de cette nouvelle brigade, commença-t-il, les hommes qui dirigeront les troupes sur le champ de bataille. Faites votre devoir, nous n'attendons rien de plus et en tout cas rien de moins. N’oubliez pas que les unionistes sont impitoyables. Ne pensez pas échapper au front, car si vos soldats ou vous le désertez, vous serez soit tué par vos anciens camarades soit morts à petit feu dans les camps de travail de cette fausse nation de traîtres.

À ces derniers mots, des hommes vers l’entrée activèrent la molette d’un des tuyaux de la salle et les lampes qui couvraient le plafond s’allumèrent une à une.

Les rangées de jeunes officiers se vidèrent petit à petit dans un grand brouhaha tandis que la pièce se désemplissait avec les combattants la quittant.

Malden se releva du soutien sommaire qui avait servi de banc et se mit à marcher à son tour. Le corps engourdi par plusieurs longues heures de réunion. Il se dirigeait lentement vers l'entrée pour laisser les plus pressés vider les lieux. Il fut happé par le flot de personnes.

Tandis qu’il passait les portes en saluant les soldats en faction, il fut bousculé de l’épaule par un de ses camarades. L’homme au regard mauvais était suivi par un groupe de sbires.

Alors Devràn, tu penses que tes gars pourront tenir la distance avec les miens, commença-t-il d’un ton moqueur. Ce ne sera plus des exercices à présent, mais la guerre. La vraie !

Le jeune officier se dressait ainsi fier de ses mots, toisant Malden de ses quelques centimètres supplémentaires.

Et toi, Liam. Tu imagines que tes hommes survivront combien de temps vu que les cibles répliqueront cette fois !? Tes soldats sont plutôt doués pour le tir statique, mais sur les unionistes ce sera une autre musique. Il faudra alors prier pour que j’arrive te sauver, non ?

Salle vermine, ta famille fricote trop avec le peuple. C’est peut-être là, la cause de ton manque de manière.

Au moins j’ai cette excuse, et toi ? La stupidité.

Liam Burrows qui s’était avancé vers Malden, le visage déformé par le venin de sa colère, fut arrêté par ses camarades qui le retenaient. Il quitta l’emprise de ces derniers d’un geste agressif pour s’approcher de son rival. Lançant un regard qui était aussi compréhensible qu'une insulte.

Si tes hommes traînent encore avec tes chenillards, vous n'arriverez jamais à rejoindre le train. Ce serait dommage de se priver de tels “soldats” pour la guerre, finit-il en délaissant Malden.

Fier d’avoir pu exprimer l’ultime phrase de cet échange peu cordial. Liam ne perdit pas plus de temps. Il prenait la tangente à grandes enjambées avec ses suivants sur ses talons, Malden sentit une main se poser sur son épaule.

— Quelle retenue, on aurait presque dit ton paternel. Si la malfaisance pouvait prendre une forme, ce serait celle de notre cher Burrows.

— Ça, c’est sûr. Il aurait bien besoin d'être remis à sa place.

Acquiesçant, Adrian continua.

— Il va falloir faire attention là-bas, car ce Liam nous laissera tomber à la première occasion venue.

— C’est bien pour ça que je t’ai à mes côtés Adrian. Les Ryther sont réputés pour être les meilleurs combattants de la cité, alors je n’ai aucun souci à me faire, non ?

— Ouais, ouais… Continus et cette fois ça sera à mon père que tu ressembles.

— Que d’honneur, fit Malden en singeant une révérence.

— Irrécupérable, répondit Adrian qui s’écartait. En tout cas, Liam avait raison sur une chose. Presse tes hommes, je ne sais pas ce qu'ils trafiquent encore sur vos transports, mais ils sont loin d'être prêts.

— J’y allais de ce pas, on se retrouve demain au train, dit Malden en saluant Adrian qui lui rendit le geste bien volontiers.

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