Alek - 3.3

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— HA ! Alek, enfin parmi nous, tu nous excuseras pour le désordre, mais nous t’attendons depuis déjà quelques heures.

Observant la salle principale, Alek apercevait les bouteilles qu’il avait pourtant gardées secrètes. Elles étaient bien entamées, certaines couchées au sol, d'autres passaient de main en main sur la table en compagnie des verres et des cartes, remplissant les petits contenants et parcourant l'espace de jeu à un rythme soutenu.

On ne serait pas resté si ça ne tenait qu’à moi, fit Vilius d’une voix peu audible frisant le murmure.

— Heureusement mon frère, ce n'est pas toi qui décides, surenchérit Malden.

— Pas encore.

— Bon tu prends racine à l'entrée ou tu viens t’asseoir, c’est notre dernière soirée ensemble alors faisons les choses comme il se doit.

— J’arrive, j’arrive, fit Alek en posant sur l’un des seuls meubles de la pièce principale, le holster et son arme qu’il avait dégrafés en chemin.

L’appartement était petit, il se situait aux premiers étages de la bâtisse. Même en pleine discussion, le clapotis de l’eau sur la vitre était fortement audibles dans la salle.

L’endroit d’apparence austère, dû au peu de temps que le Magister y passait, avait de quoi refroidir l’ambiance, couplée a la météo, on avait là un mélange bien grisant. Mais la présence des quatre frères était assez importante pour réchauffer les lieux de leurs rires. Bien plus en tout cas que les quelques lampes réparties dans la pièce, notamment au centre de la table et du troupeau de bouteilles avoisinant.

Alek se saisit de l’une des quatre chaises pour s'installer à l’opposé de la seule vitre de l'étage. Une grande glace ronde finissait la façade du bâtiment et qui permettait à l'appartement d’être connecté à l’extérieur.

Alek qui tira sa chaise pour se rapprocher entendit de par ses sens aiguisés, le plancher grincez malgré le bruit ambiant. En dépit de la pluie qui s’abattait, le tonnerre qui s’était éveillé et bien évidemment ses frères.

— Je vois que Paul a encore usé de sa chance naturelle pour gagner votre partie, dit Alek en se servant dans son verre le breuvage clair des bouteilles du centre.

— Je trouverais comment il fait, reprit Malden. Un jour, je découvrirais comment il triche.

— Tout de suite… Je suis juste bon, c'est tout.

— Au passage, comment ça se fait que les alcools que je gardais cachés se soient retrouvés sortis avant même mon arrivée ? questionna le Magister en indiquant les quelques contenants rescapés sur la table.

Paul et Vilius, ne sachant quoi répondre, furent dépassés par Malden.

— Tu ne crois tout de même pas qu’on aurait touché au tord-boyaux que tu conserves vers la fenêtre. C’est bon pour les travailleurs des niveaux inférieurs par pour tes propres frères, voyons. Je suis conscient que tu dissimules tes boissons décentes. Comme tu le faisais au manoir avec ton aurménin* pour éviter à mère de les confisquer. Tu aimes un peu trop les caches que représentent les conduits si tu veux mon avis.

— Et toi, tu es légèrement trop malin pour partir au front comme ça. Mais bon, c’est ton choix.

— On ne peut pas tous naître arcaniste ou héritier, fit alors Paul.

— Si tu le dis… Pour changer, parlons de toi, père t’a-t-il donné son accord ?

— Son accord ? fit Paul perplexe face à la question d’Alek

— Ben oui, pour la course des spires.

— Par les dieux comment ce fait-il que tu le saches !

— Ce n’est pas un secret, reprit Malden. Même père l'a évoqué durant notre conversation.

— Et qui d’autre ?

— Moi, fit Vilius.

— Je m’étais donné du mal pour faire ça discrètement pourtant…

La compétition en question se répétait chaque décennie entre les nobles. Chacune d’entre elles désignait un représentant censé défendre l’honneur de leurs augustes familles durant une course d'aéronefs qui prenait place à travers toute la ville pour se finir dans les hauteurs de cette dernière. Dans les ultimes spires d’Aldius. L’événement reconnu et attendu de tous revêtait une importance toute particulière, car elle permettait ainsi aux maisonnées de s’affronter sans effusion de sang, de manière plus civilisée en soi. Enfin, pour les pilotes qui ne crachaient pas leurs appareils, ce qui était chose fréquente pour ce genre d’engins capricieux uniquement employé par la marine en temps normal.

— Me voilà dans de beaux draps, dit Paul en se morfondant à présent sur sa chaise.

— Allons, mon frère, ce n’est rien. Si père m’en a parlé, c’est qu’il n’est pas contre. Le vieux a plus d’une idée dans la tête, mais t’empêcher de faire ce que tu veux, je ne le crois pas.

— Ça c’est sûr, tu devrais faire confiance à ce cher Baron, finit Alek avant de reprendre après avoir bu une gorgée d'alcool dans son petit verre.

— En parlant de père que t’a-t-il donné après le repas ? questionna Vilius en fixant l’objet enveloppé d’un voile blanc non loin de la chaise de Malden qui avait attiré son regard depuis leur départ du manoir.

— Ça mon frère, fit l’intéressé. C’est ma part d’héritage.

Posant l’élément mystérieux sur la table, malden défaisait le tissu tandis que les trois autres hommes présents s'étaient rapprochés. Ce fut alors un sabre qui se révéla à eux. Mais pas n’importe lequel, rien que le fourreau était confectionné d’une main de maître et les trois complices de Malden étaient à présent bien levés de leur place en scrutant l'arme pour ne pas rater tous ses détails.

— Puis-je ? dit Alek qui parmi les deux autres membre du groupe fut le premier à demander.

D’un geste de la tête, Malden l’autorisa à continuer et Alek se saisit de la lame. Il la fit glisser de son étui pour observer la fine lame.

— C’est magnifique, fit Paul hypnotisé par le tranchant poli aussi nettement qu’un miroir.

— Ça te sera bien utile contre ces Unionistes, conclut Vilius.

— Ou les sauvages, rafleurs et autres mutants qui rôdent dans la terre viable. Tu auras de quoi faire avec toutes les formes de vie néfaste qui pullulent sur notre sol.

— La terre viable ? fit Vilius un brin ironique à Paul.

— L’Empire, enfin tu comprends.

Malden reprit l’arme que lui tendit Vilius après qu’elle eût fait un tour d’honneur entre toutes les mains.

— J’espère que le trophée que tu remporteras à la course sera aussi beau, dit Malden à Paul après que tout le monde se soit rassis.

— Sans nul doute, fit Paul. En tout cas, j’ai pour l'heure quelques personnes qui m’aident sur un des engins de la milice et on est presque au point. Paul prit alors position sur le dossier de sa chaise avant de reprendre. Je me vois déjà en train de zigzaguer entre les spires des bâtiments de la ville. Voler tellement proche d’édifice que le vent siffle entre mon appareil et les constructions d’aciers.

— Puis plus rien quand tu te seras écrasé ! dit Vilius en tapant dans l’épaule de Paul qui retomba sur sa chaise la mine déconfite.

— Haha très drôle…

— Sinon, le frère d’Adrian sera de la course ? demanda Alek.

— Sûrement, fit Paul. Il y est chaque année. C’est l’héritier de leur famille et pourtant, il prend à cœur d’y être à chaque fois.

— Ce sont des combattants et des têtes de mules. Je ne me risquerais pas à une telle chose moi !

— Ça s’est sur Vilius, dit Alek. En tout cas Malden, je suis certain que ton ami Adrian pariera sur son frère.

— Il me l'a confirmé en effet, et nous ?

— Sur moi, bien évidemment, imposa Paul de sa voix assurée.

Orchestrant un moment de silence pour torturer Paul, Alek fut le premier des trois autres frères à parler.

— Alors au meilleur des pilotes !

Tous acquiesçèrent. ils trinquèrent et burent une gorgée.

— Mais dis-moi Paul, reprit Alek. La course n’est qu’une étape, je me trompe ?

— Il se pourrait en effet.

— Donc tu veux rejoindre la marine, je vois.

— La marine ?! fit Vilius. Vous n’en avez pas fini avec les services armés. Votre rang ne vous y oblige en rien pourtant. Je ne vous comprendrais jamais…

— C’est ce qu’on appelle, le sens du devoir fit Malden en serrant l’épaule de Paul. Tu devrais essayer parfois.

— Mère ne te l'autorisera jamais, se permit Paul. Jamais... S'est comme Vilius tu l'imagine faire une bonne action ?

Avant que Vilius, mouché par la réponse, ne réplique, Alek bondit hors de sa chaise.

— Ainsi l’un hérite de la maisonnée, le second part à l’armée et le dernier dans la marine…

— Et toi chez les arcanistes, continua Malden qui s’était levé avec ses deux autres frères. On dirait que chacun a trouvé sa voie.

— Tu aurais quand même pu choisir l’armée Paul, fit Malden. La marine, quelle idée !

— Tu sais Malden aussi poussé que soit mon sens du devoir, je préfère combattre dans les airs et non pas patauger dans la boue et le sang.

— Alors tu seras dans le ciel, dit Vilius. Mais juste une chose faite bien attention à la chute, car là, elle sera bien mortelle et t’amènera vers la même boue gorgée de sang que je foulerais Malden.

— Allons, fit Alek. J’espère que chacun a opté pour le bon choix et en soi je n’en doute pas. À nos glorieux futurs !

— Qu’ils soient tous couronnés de succès, reprit Malden.

— Il n'en peut être autrement, fit Paul.

Les quatre hommes trinquèrent de nouveau de leur petit verre ambré une nouvelle fois et passèrent ainsi le restant de la nuit ensemble à parler et échanger. À connaître un dernier moment uni avant que l’un d'eux ne quitte la cité nation. Que leur fraternité ne s’arrête là face aux dangers du monde et d'Aldius. Devant leur destin.

*

Aurménin : Mélange de lait en poudre des colonies de l'ouest ainsi que de plantes du désert de cendre permettant l'infusion de boisson au goût caramélisé. Une boisson nourrissante très appréciée par la jeunesse noble et bourgeoise de la cité nation.

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