Neavia - 1.1

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Une fois de plus, la traque s’était avérée plus compliquée que prévu. Neavia avait quitté son village en compagnie de son groupe avant même les premières lueurs du jour. Mais leur gibier, un griffeur séparé de sa harde, avait emmené toute la troupe de chasseurs dans son sillage, et depuis, voilà bientôt trois heures qu'ils les faisaient traîner en rond dans les ruines de l’Ancien Monde.

Neavia aurait bien aimé ramener un animal comme un cerf ou un sanglier, mais ces derniers devenaient de plus en plus rares dans les environs. Et plus la traque les conduisait loin de leur chez eux, plus les risques grandissaient, car les vestiges qui recouvraient Céresse étaient des endroits non moins dangereux que hantés. Des ruines chargées d’esprits tourmentés* et de belliqueux monstres*.

On entendait toute sorte d’histoire quant à des lieux oubliés. Des coins périlleux et parfois souterrains qui se cachaient sous les hauts bâtiments croulants de végétation verdoyante. Mais tout aussi difficile que pût être la chasse, les traqueurs se devaient de ramener de quoi manger au clan *.

Neavia progressait dans un long couloir recouvert en grande partie de plantes aux traits bien sombres, elle accusait le coup de sa marche rapide et avançait dans ce morne lieu telle une ombre. Elle avait dû forcer l’allure comme tous ses camarades qui devaient être répartis aux alentours, et à présent les bruits de sa respiration résonnaient à travers son masque.

Après avoir évolué dans ces conduits de son pas assuré, Neavia fit son apparition dans une sorte de cul-de-sac. Le sol était tapissé dans un des coins par des champignons verdâtres à l’aspect fluorisant qui n’inspiraient à la jeune chasseresse aucune confiance. C’étaient là les traces de la destruction de l’Ancien Monde et des périls légués par les dangereuses générations d’ancêtres.

Elle sauta de la marche qui menait au limon formant l’impasse, Neavia fut bien vite couvert par l’eau qui ruisselait sur les parois de ce lieu exigu. Maintenant proche des champignons, ces derniers exerçaient sur elle une sorte d’attirance. Une aura hypnotisant qui l’entraînait vers eux, mais se rappelant les effets de ces nocives reliques du passé, la jeune femme secoua la tête pour reprendre ses esprits, évinçant la brume qui avait obscurci ses pensées.

Neavia porta son regard au-dessus, elle pouvait apercevoir le ciel au bout du puits dans lequel elle était. Elle tira sur la lanière de son arbalète pour vérifier sa bonne tenue et la chasseresse s’approcha ensuite du mur avant de commencer à le gravir.

Neavia escalada la paroi. Elle progressait lentement, collée contre la cloison. Ses mains cherchaient des prises, mais entre les branches et autres végétations qui se détachaient sans coup férir, Neavia dut jongler entre les parties protubérantes et vierges de la surface grise qui bien évidemment s’effritait sous ses chaussures. Elle grimpait avec toujours plus de précautions à mesure qu’elle s’élevait du sol, Neavia avançait avec détermination.

Neavia devait porter le poids de ses habits. Son harnachement lui servait à se protéger des animaux et des dangers des ruines, les chasseurs du clan revêtaient des tuniques rembourrées et des peaux de bête. Bien qu’efficace, cet accoutrement pesait sur les traqueurs. Il gênait Neavia en plus de son masque intégral qui continuait à la tourmenter.

Au bout d’un effort qui parut surhumain à Neavia malgré sa taille et sa corpulence plus que correcte, la chasseresse se hissa avec rudesse sur l’étage qui surplombait le puits. Elle reprenait son souffle derrière sa protection faciale. Elle la dégrafa et sentit bientôt l’air frais de l’extérieur l’envahir.

Maintenant en hauteur et loin des ruines souterraines, l’air n’était plus un danger. Sa respiration créait de petits nuages blancs devant elle en vue du froid ambiant. Elle souleva ses grosses lunettes de cuir et essuya la buée qui s'y était agglomérée avant de les poser contre son front et ses cheveux.

Le vent frais qui emportait les nuages de condensation dus à sa respiration faisait voler sa tignasse marron pourtant attachés en bataille plus par utilité que par aspect ostentatoire. La bourrasque s’infiltrait dans les ruines par les nombreuses ouvertures et émettait une sorte de gémissement qui ajoutait à l’endroit une touche lugubre déjà bien pesante en temps normal.

Pleinement reposée de son ascension, Neavia fit glisser la bandoulière de son arbalète et la prit dans ses mains en progressant dans cet étage surélevé. Si la nature avait repris ses droits dans les niveaux inférieurs, c’était pareil dans cette sorte de cime que créaient les vestiges. Parmi les murs croulants et la végétation, certains êtres vivants rôdaient, et il valait mieux être sur ses gardes.

Neavia tendit le bras vers une de grosse chenille à carapace, elle l’aida à rejoindre la branche opposée à la sienne. La bête, peu farouche, se dressa en un signe de défense face à l’intrus qu’était Neavia et sous sa coquille elle dévoila son petit corps rosâtre parcouru de nombreuses pattes et finit par de longues antennes qui s’agitaient en tous sens. Prenant appui sur la main de la chasseresse, la créature continua son chemin comme si de rien n’était une fois sur son nouveau bras noueux.

Toute vie était importante, même les plus insignifiantes. Telle avait été l’éducation de Neavia qui se souvenait des paroles de la Matriarche Moïra. La Keşic* de son clan et la femme qui lui avait tant appris sur ce monde renaissant des cendres du dernier. D’après Moïra toute chose était un présent, surtout celle qui semblait la plus dérisoire. Mère nature gardait un équilibre précaire et en échange d’un sincère respect honorait le clan de ses offrandes.

Neavia marchait d’un pas plutôt silencieux, elle fut surprise de voir les bêtes qui l’entouraient se carapater en tous sens. L’endroit s’éveillait au passage de l’intrus. Des créatures toutes plus petites les unes que les autres sortaient de leurs cachettes. Rampant, roulant ou encore sautant, elles avançaient pour regarder la chasseresse continuer sur sa voie.

Mais ce spectacle qui s’offrait a Neavia sur son chemin, cet éveil de la vie, fut vite stoppé lorsque la ruine fut secouée. Une vibration qui fit se carapater les êtres présentes en mettant la chasseresse sur ses gardes qui serra son arbalète.

Bientôt, elle comprit ce qui avait causé cela quand elle arriva sur une importante portion ouverte de la structure. La poussière et les gravillons des quelques parties hautes des décombres lui tombèrent dessus et alors qu’elle releva le regard Neavia vit le grand dirigeable à l’allure sombre survoler les vestiges. L’engin navigant à côté du bâtiment vrombissait à son passage et les rares lumières visibles dans la partie peuplée de l’engin éclairaient les hommes de l’équipage qui se pressaient en tous sens.

Les faisceaux de lumière émis par les projecteurs balayaient les alentours, Neavia se cacha pour rester dans l’ombre protectrice.

La ville d’acier avait dû faire décoller ses propres « chasseurs » et ces prospecteurs comme ils se surnommaient venaient mettre la main sur tout ce qu’ils pouvaient. Attaquant à vue tout ce qu’ils croisaient et ne respectant rien sur leur chemin.

Mais ils étaient bruyants. Horriblement bruyant en comparaison des chasseurs silencieux du clan de Neavia et malgré leur toute-puissance et leurs machines, les prospecteurs allaient sûrement rentrer les cales bien vides.

Neavia quitta des yeux l’engin volant qui s’éloignait. Elle était à nouveau isolé. Une figure humaine dans ce lieu lugubre qui avançait telle une ombre, seul.  

*

Les clans : Ce sont les différents groupes d’humains qui peuplent l’espace viable. Ce sont des tribus autonomes vivant en autarcie la plupart du temps et en complet désaccord avec les sociétés encore existantes du monde qui voient en eux que des rafleurs, des sauvages.

Les esprits tourmentés : Les anomalies qui hantent les ruines du monde sont vectrices d’autant de mythes que de faits réels. À certains endroits, dans des lieux bien lugubres, le fil de la réalité et de l’intangible devient si fin que les esprits des morts sont reveillés. Que ceux disparus durant la grande chute ont leurs voix encore audibles qui résonnent avec clareté dans le présent.

Les monstres : Pour le peuple libres, les monstres sont toutes les créatures dangereuses et anormales qui sont issues des armes qui ont dévasté le monde d’antan. Ce sont des mutants qui errent dans l’espace viable pour les Impériaux.

La Keşic : Chaque clan des hommes libres possède une Keşic. C’est une femme ayant des affinités avec la nature et le monde bien étrange qui entourent les vivants. C’est une sorte de chamane, de prêtresse qui en plus de jouer un rôle religieux éduque les jeunes dans le respect des divinités. On peut aussi entendre les hommes libres les nommées matriarches ou encore vénérable mère.

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