Alek - 5.2

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C’étaient là les seuls bruits qui accompagnèrent les magisters durant leur avancée dans les sombres couloirs de la Fosse. De porte en porte pour ainsi dire.

Alek, qui emboîta le pas au dénommé Dyther dans un nouvel ouvrage défensif, s'engagea alors dans une salle petite, mais non moins occupée. Le garde les accueillit était suppléé par un autre qui avait les deux mains cramponnées sur son long fusil. Cet endroit était l’accès au niveau habité par les "résidents" de la prison, l’un des uniques points d’entrée avec les corridors menant l’extérieur. La sécurité allait donc de pair pour ne permettre aucune fuite.

Leur guide ne perdant pas plus de temps que nécessaire montra aux magisters une petite guérite ou deux agents échangeaient autour d’un journal.

Le garde prénommé Dyther réveilla ainsi ses collègues de leur pause non accordée.

— Et bien, commença l’un d’eux. Qu’avons-nous là ?

— Deux magisters, répondit Dyther.

— Messieurs, fit Alek à l’attention des vigiles qui le saluèrent d’un signe de tête.

— Que nous vaut le plaisir de cette visite ?

Alek qui avait sorti de l’un des recoins de sa longue tunique un billet, le tendit à l’un des deux matons qui, le saisissant, acquiesçait à chacune des lignes qu’il lisait.

— Qu’est-ce que DeWriss a encore fait…

— Alors ça, on aimerait bien la savoir, lui dit Alek.

— D’où notre présence, ajouta Amicia.

— Hein hein… Tu es au courant de ça ? demanda le garde à son collègue.

— Attends une minute, lui répondit l’intéressé après avoir empoigné un registre en tournant sur sa petite chaise métallique. Euh… Quatorze heures, non. Quinze heures… Ha ! oui, le Bastion nous a avertis de leur visite.

— Bien, si tout est en règle, vous connaissez la marche à suivre, dit le vigile en posant deux caisses sur la table face à la guérite.

— On sait, on sait…

Les deux magisters sortirent donc leurs armes pour les ranger dans les boîtes. À chaque nouvel objet dont se séparaient les deux arcanistes, les agents pénitentiaires écarquillaient les yeux en étant de plus en plus médusés. Et ce, jusqu’à ce que les paniers soient presque remplis d’outils allant du pistolet au couteau de lancer.

— Vous êtes équipés pour une vraie guerre ma parole.

— Ça le devient vite dans certains quartiers des niveaux inférieurs… dit Amicia.

— Comme partout malheureusement, chacun a son lot, je vous l’assure, fit l’un des gardiens en emportant les armes.

Alors que les magisters suivaient à nouveau leur guide, ce dernier s’arrêta face à une porte à barreaux. Se retournant, il reprit la parole.

— Bon au sein de notre belle prison il n’y a aucune arme permise sauf pour les surveillants. Il va donc vous falloir porter des bracelets en Elhyrium, finit-il en tentant de réprimer le sourire qui semblait apparaître sur son visage.

HAaa… ils auraient pu nous épargner ça, dit alors Amicia dans l’esprit d’Alek.

Non, ils prennent trop de plaisir à dicter leur loi. Laissons-les donc faire. Nous sommes sur leur territoire après tout.

Alek, peu enjoué par la chose, prit l’un des bracelets que lui tendait le garde en donnant le second à sa coéquipière.

Il détestait cette matière, comme tous les autres magisters d’ailleurs. C’était un métal nocif qui coupait toutes ses aptitudes, ses arts arcaniste. À vrai dire, l’objet était simplement irritante et dérangeante pour les personnes possédant ses pouvoirs. Le magister les aurait laissés avec plaisir, mais ils allaient devoir faire avec pour le bien de l’enquête.

Grimaçant au contact froid de la  Elhyrium sur sa peau. Alek se reprit avant de faire signe aux gardes qu’ils étaient prêts à continuer.

Ce détail réglé, Dyther emmena les visiteurs derrière lui tandis qu’un des gardiens, celui armé de son fusil, fermait la marche de la petite troupe ainsi formée. Tous continuèrent leur avancée dans le complexe qui s’avérait véritablement tentaculaire, et pourtant, ils n’étaient encore que sur la face visible et supérieure de l'endroit.

Alek put s’en rendre pleinement compte lorsque leur guide les conduisit enfin au centre de l’établissement. Tous les quatre foulèrent une passerelle qui surplombait le vide de la Fosse. L’emplacement à l’origine même du surnom du lieu. Alek n’était pas sujet au vertige, mais il fut cependant surpris d’éprouver un tel sentiment qui l’assaillit instantanément dès qu'il posa le pied sur les grilles branlantes du sol.

Entre lui et ce vide abyssal, sans fond, il n’y avait que ces quelques centimètres d’aciers. Relevant le regard du précipice, il suivit le gardien dénommé Dyther. Leur passerelle, qui reliait d’ailleurs les deux côtés de la Fosse, était surtout l’endroit où se demeurait une importante construction. Le bâtiment suspendu au-dessus du néant était la place où l'on retrouvait l’unique monte-charge de la prison.

La Fosse n’était pas qu’un trou sans utilité, chaque flanc se trouvait parcouru par des passerelles comparables à celle où se tenait Alek. Et derrière chacune d’elles se tenaient des barreaux, des cellules et leurs occupants.

Des cages pour les détenus et pensionnaires de l’endroit. Enfermés ici à raison ou à tort…

Dyther, qui saluait ses collègues, grimpa dans le monte-charge. Alek et Amicia qui firent de même avec l’autre garde étaient alors cloîtrés à l’intérieur d’un véritable panier d’acier peu engageant.

Toute la structure bougea lorsqu’une sonnerie retentit et quand ce bruit se stoppa le monte-charge entama sa lente descente. Les parois ainsi que les cellules de la prison défilaient face aux magisters. Les cages qui tapissaient La Fosse semblaient prendre vie face au passage de ces visiteurs des plus inhabituels. Les occupants des geôles frappaient leurs barreaux et les quatre voyageurs furent accompagnés durant leur descente par une cacophonie de sons métalliques.

Des bruits qui furent bientôt rejoints par les voix des détenus qui mêlaient saluts et injures aux nouveaux arrivants de leur sombre domaine. Bien sûr, les plus virulents étaient châtiés par les gardes qui heurtaient les barreaux de leurs matraques. Écrasant les phalanges des plus téméraires qui s’étaient accrochées à leurs entraves.

À cette vision, les deux matons du monte-charge souriaient d’une manière bien obscure et animale, Alek pouvait le voir. Se tournant pour regarder sa coéquipière, il comprit que cela ne l’enchantait guère elle aussi.

— On dirait que la bête se réveille, admirez-moi ces rebuts qui vous saluent, dit Dyther en rigolant.

— Il faut les comprendre, reprit l’autre garde armé. Ils n’ont pas souvent la chance de voir des magisters. Vous vous déplacez rarement…

— Et pour de bonnes raisons, lui répondit Alek. En temps normal, on se contente de vous amener ces « rebuts ».

Les deux vigiles plaisantaient de plus belle alors qu’Alek souriait nerveusement après avoir détendu l’atmosphère.

La descente continua ainsi un long moment, dans cette ambiance étrange et dérangeante pour des personnes non habituées à ce lieu ou à ses occupants, qu’ils soient prisonniers comme gardes.

— Terminus ! Madame, monsieur, dit Dyther d’un ton presque moqueur lorsque la cage heurta le sol.

Sautant la petite marche de la cage, les deux visiteurs foulèrent le dernier niveau de la Fosse. Relevant la tête Alek pouvait apercevoir avec difficulté la passerelle par laquelle ils étaient arrivés et plus loin encore le distant ciel bien inaccessible.

Dyther, qui reprit son rôle de guide, mena la troupe en arpentant les couloirs qui bordaient le sous-sol. Si les cellules avaient été nombreuses durant la descente du monte-charge, Alek comprit que ce n’était qu’une façade, car cet endroit en recelait même plus.

Les allées de ce niveau étaient encadrés par des murs de barreaux dont dépassaient les bras ou visage de leurs occupants aussi divers que variés. Membres de factions, prisonniers de guerre, opposants politiques et pauvres ères en tout genre qui composaient ainsi la vaste population carcérale de l’Empire.

Relevant la tête et son regard des côtés du couloir, Alek put alors apercevoir la forêt de conduits qui couraient au plafond. Tous ne charriaient pas que des combustibles ou de l’eau. Certains, comprenant des parties ouvertes pouvant diffuser des produits bien différents. La prison était piégée, c’était bien connu de tous à Aldius. Si les gardiens perdaient le contrôle, l’Empire mettrait fin à toute vie dans un nuage de gaz. L’autorité impériale était bien inflexible, surtout dans ce sombre lieu. Après tout, chacun devait jouer son rôle et tout écart était puni, ainsi étaient les lois tacites de la cité nation.

— Attention devant !

Dyther fit arrêter les deux magisters en leur intimant de faire place. Ils ne devaient être plus très loin des salles d’interrogatoire. Et cette conclusion fut confirmée lorsque deux gardes apparurent.

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