Neavia - 3.3

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Mais tout comme la nuit précédente, Neavia ne trouva point le sommeil. C'était d’autant plus vrai que cette fois le froid accablait la chasseresse uniquement préservée de la cinglante pluie par une fine toile de tissus. Cette protection sommaire se voyait attachée sur les quelques arbres bordant le camp de voyageurs, elle bougeait à chaque coup de boutoir du vent laissant quelques gouttes tomber sur la jeune femme.  Elle grelottait, contrainte de garder ses gants épais pour dormir.

Ses yeux s’ouvraient de temps à autre pour apercevoir les flammèches du feu éclairé ses compagnons d’infortune. Le brasier n'était plus vivace, mais suffisait à tenir en respect les ombres. Les frères et sœurs de chasse se dévoilaient à Neavia en d’imprécises formes orangées. Ils étaient comme elle, emmitouflés les uns contre les autres, sous le couvert de leurs maigres toiles protectrices.

Le paisible camp était bercé par le crépitement du foyer, le grondement du tonnerre ainsi que les bruits du vent qui s’insinuaient dans les montagnes. Mais cela changea du tout au tout lorsque deux sifflements bien distincts résonnèrent.

Le garde !

Le premier son tira Neavia de son sommeil en un sursaut vif et brutal. Le second finit de la réveiller en rappelant son instinct de survie à la chasseresse. Neavia, qui se levait maladroitement en observant les alentours de son regard embrumé, saisit intuitivement l’arbalète qui avait siégé à ses côtés et l’arma.

Chacun des membres du camp l’imitait.

Tous se reculaient vers le feu, le point de lumière dans cette mer de pénombre. Tendant l’oreille, Neavia perçut des bruits qui se rapprochaient, qui peuplaient l’obscurité bordant le foyer. C’était comme des rires fous, des reniflements bien sauvages qui donnaient à la chasseresse la chair de poule.

ressemblez-vous ! entendit chuchoter Neavia.

Pas un membre du groupe n’était encore assoupi. Ils étaient tous dressés autour du feu faiblissant, leurs ombres dansantes face aux dangers insondables que recelait la nuit.

Car la menace était bien là, elle attendait tapi dans l’obscurité.

Chacun tentait de rester calme, maître de son corps et de ses moindres réactions. Les mains de la jeune chasseresse ne tardèrent pas à trembler, ses pensées oscillaient entre l’excitation de ses sens et la peur qui la tiraillait.

Ce moment des doutes ne fut que passager, la chasseresse se concentra. Juste derrière elle, Neavia entendit des tcepeş être dégainés et des arbalètes se tendre. Les esprits se trouvaient prêts pour l’affrontement qui se profilait.

Elle l’était aussi.

Son cœur martellait avec force son torse.

La meute de prédateurs avait dû pister le groupe dans le relief montagneux en attendant le couvert de la nuit pour attaquer leurs proies. Et ces derniers se révélèrent aux voyageurs lorsque l’une des créatures se jeta sur l'homme le plus éloigné de la source de lumière.

La féline bête sauta proche de sa victime et en un battement de cils légua comme témoin de son passage deux coups de griffes qui zébraient les jambes du malheureux.

La peur s’empara des chasseurs, acculés par les animaux. Le blessé manifestait sa douleur par des grognements étouffés. Mais il ne fut pas laissé seul.

L’individu à droite de Neavia tenta de l’aider à reculer et quand un nouvel agresseur saisit cette occasion pour les attaquer l’arbalète de Druïg libéra son carreau en stoppant net la créature. Le corps de l’animal s’écroula proche du feu et permit à Neavia d’identifier sous leurs moindres coutures les betes qui les assaillaient.

Elle ne se trouvait pas plus grande que les chiens utilisés par les Impériaux, elle était toute velue avec une queue se terminant par une touffe de poils. Ses six fines pattes tout en muscle étaient la prolongation d’un corps effilé taillé pour la chasse. La face, elle, était composée de petits yeux agressifs et d’une importante bouche garnie de crocs acérés au sourire moqueur.

— Weavërn* ! cria Druïg.

Et les autres membres de la meute entrèrent en scène.

Les bêtes harcelèrent les chasseurs qui se défendirent avec non moins de férocité. Jouant de leurs lames et arbalètes avec autant d’agilité que les créatures de leurs griffes. Les cris des hommes se mélangèrent aux grognements des animaux tandis que les canines des Weavërn se mesurèrent aux tranchants des  tcepeş. Les tenues étaient déchirées, les corps meurtris et le sang coula. Les Weavërns se mouvaient avec agilité, mais chaque coup qui leur était porté était précis. Les chasseurs avaient perfectionné leur art depuis leur prime jeunesse.

Les attaques des Weavërns étaient quant à elles emplies de fureur tout bestiale. Elles devaient être affamées à voir leur détermination. Elles n’allaient pas lâcher l’affaire aussi facilement. L’une des créatures qui tournaient avec avidité autour de Neavia profita d’un moment d’inattention pour se jeter sur elle.

Bloquant l’assaut au dernier moment, Neavia utilisa son arbalète comme un bouclier entre elle et les griffes acérées de l’animal qui sifflait proche d'elle. La chasseresse sentit l’haleine fétide de la créature harasser son nez alors que sa bouche claquait à côté de sa tête. La bête mordait, jappait et sa bave couvrait le visage de Neavia. La chasseresse repoussait toujours plus les attaques de la créature, elle était confrontée à la ténacité de la bête qui n’abandonnait décidément pas. Se débattant comme elle pouvait, Neavia cherchait de sa main libre son autre arme. Elle farfouillait avec frénésie son ceinturon. Alors qu’elle effleura le manche de son tcepeş Neavia le saisit d’une main ferme et le plongea dans le corps de son assaillant. Le premier coup ne sembla pas arrêter l’hystérie de la weavërn, mais lorsque le second puis le troisième coup advinrent, la Weavërn lâcha prise en s’écroulant au sol, les yeux encore brillants d’agressivité, les lèvres écartées comme souriante face à la mort.

Ne perdant pas un instant, Neavia saisit son arbalète de ses deux mains et calma sa respiration. L’un de ses proches camarades était au sol, il esquivait tant bien que mal la Weavërn qui le ciblait. Mais la créature n’eut le temps d’arriver à ses fins que Neavia actionna la détente de son arme qui libéra sa munition en un rapide sifflement pour ficher le carreau dans le torse de la bête.

Remercié d’un signe de tête, Neavia vit le chasseur reprendre le combat face à une autre créature qui prenait place. Elle fit de même. Armant le mécanisme à levier de son arbalète, Neavia engagea un nouveau carreau dans son arme en entendant le *clic* familier de l’arbalète à nouveau prête à l’utilisation.

Entre chaque respiration saccadée que s’accordait la jeune chasseresse, elle se concentra sur ses tirs adressés aux Weavërns ayant le malheur de rencontrer son regard et son arme.

Aucun chasseur ne semblait être mort alors que cette dernière avait déjà prélevé un lourd tribut dans la meute de prédateurs. Mais les Weavërns ne cédèrent pas. Plusieurs d’entre elles avaient isolé du groupe deux hommes qui luttaient dos contre dos face à leurs agresseurs.

Quand les Weavërns furent sur le point de faire plier cette vaillante défense, Druïg qui avait pris de l’une des bûches du feu se jeta à leur secours. Ses gants crépitaient lors de la saisie de la bûche et de sa manipulation. Mais c'était là un mal nécessaire. Sur son chemin, les créatures s’éloignaient de la menaçante lumière orangée qui fendait leur rang. L’une d’elles, plus téméraire que ses pairs, sauta sur Druïg pour le stopper. Elle fut repoussée par un coup de cette arme de fortune la renvoyant au sol. La Weavërn couinait de douleur et abdiquant les cris emplis de rage, elle prit la fuite en claudiquant.

Druïg ne fut pas seul bien longtemps à utiliser cette masse improvisée. Quelques hommes l’imitèrent. Les points de lumière orangés balayèrent les rangs des chasseurs en se multipliant. Neavia comme ses camarades fut porté par cette énergie, ce changement de rythme qui transforma l’affrontement. Les agresseurs étaient sur la défensive. Ce furent les Weavërns qui luttèrent à présent pour leur vie.

Chaque perte sapait l’animosité des bêtes. Bien vite le reste de la meute dut plier face à la force déployée par les Ehnşceïd et avec de nombreux cris de frustrations, les Weavërns prirent la fuite les unes après les autres.

Le calme revint dans le camp aussi soudainement que l’attaque qu’ils venaient d’essuyer. Tous se regardaient, se jaugeaient en observant la nuit ambiante et les dangers qu’elle pouvait encore receler. Peu allaient dormir à présent.

Neavia, qui laissa a sa respiration le temps de retrouver son rythme normal, à son cœur de s'apaiser, rangea le couteau offert par Dalbör à son ceinturon et épia les multiples corps qui parsemaient le bivouac.

Le voyage annonçait bien là sa couleur, se dit la jeune chasseresse. Céresse n’allait décidément pas les épargner...

*

Weavërn : Ce sont des carnivores terrestres de bonne taille. Bien que la Weavërn ressemble à un gros chien muni d'une paire de pattes supplémentaire, elle n'appartient pas à cette famille et reste un dangereux prédateur sauvage rôdant sur la terre viable. Elle est connue pour son cri ressemblant à un rire désagréable, les Weavërns vivent en meute régis par une matriarche et attaque principalement leurs proies durant la nuit. S'accordant parfois de longue traque pour attaquer au moment le plus opportun.

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