Alek - 6.2

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— Je vois... Sache que tu auras son soutient. C'est normal après tout, je te laisserais te coordonner avec Braggs. Quant à nos amis de la garde d’Onyx, quelques nouvelles ?

— Non, je ne l’ai pas revue depuis la scène de crime.

— Prévisibles, prends garde tout de même, ils doivent t’observer avec attention. C’est quand tu ne les vois pas que tu peux bien être sûr de leur présence.

— Je le sais…

— S’ ils étaient là, c'est que ton dossier touche à l’Empereur ou tout du moins aux politiques, ce n’est pas un secret de polichinelle. Tu marches sur des œufs. Ce genre d’histoire ne termine que rarement bien, crois en mon expérience.

— Comme la plupart de mes affaires. Cette ville est malade père, sous toute cette dorure, une affection a pris racine. L' avidité des hommes est toujours plus présente et c’est d’autant plus vrai à chaque étage de la cité nation.

— Des propos bien sombres.

— Parfois, je me demande si les choses que je vois ne finissent pas par déteindre sur moi. Si cette ombre qui couvre la ville ne m’a pas déjà happé, si…

— S’il reste de l’honneur, en toi ainsi qu’en ce monde d’acier ? Des questionnements légitimes selon moi. Si tu te les poses, c'est que tu es encore à même d’être conscient de ces derniers. Que tu es un homme de valeur ! Quant à la cité nation, l’honneur est un mot dont cette ville est privée depuis bien longtemps. Ton métier te confronte à toutes les vilenies de cet empire. La cité nation s'est montrée à toi, noueuse et grise. Rancunière envers quiconque trouverait le bonheur. J'ai fini de chercher quoi que ce soit venant d’elle, je n’œuvre que pour ma famille, mes gens. J’aime à penser qu’un jour cela pourrait faire changer les choses. D’une manière ou d’une autre…

— Qu’essayez-vous de me dire par toutes ces figures de style ?

— Agis non pas pour l’Empire, Aldius, mais pour toi. Pour le bien que cela pourrait te faire ainsi qu’à tes proches. Cette enquête te mènera à un choix, de ça, j’en suis sûr. À toi de voir laquelle tu embrasseras. Quelles conséquences retomberont sur toi, nous ou les citoyens ?

— Vous avez peur de ce que je pourrais trouver.

— La peur est naturelle, c’est un instinct de survie primaire que nous avons tous conservé. Ne crois-tu pas que j’ai peur quand je prends parti à l’assemblée pour façonner le futur de la nation ? Regarde le pouvoir impérial, il a suivi ton enquête par crainte. Tu t’approches de secrets que la ville voudrait garder. De choses qui pourraient bien la changer malgré elle.

— Je l’ai bien vu. La garde d’Onyx nous a vite chassés du lieu du crime, mais nous avons eu juste le temps de trouver des indices.

Lèvius semblait aussi étonné qu’intrigué.

— L’homme assassiné travaillait dans l’un de nos quartiers, il s’occupait des cargaisons provenant des colonies pour nos usines.

— As-tu eu le temps de voir ses tampons et sceaux officiels ?

— Non.

— Ça aurait été trop simple, tu me diras, on ne peut donc savoir quel objet il a accepté d’importer et si l’un des Dükhess est lié, je n’ose pas imaginer l'étendue de ton affaire.

Alek percevait là tout l’intérêt du Baron qui conjecturait déjà toutes les histoires possibles avec les maigres révélations de son fils.

— Vous m’avez fait venir uniquement pour en apprendre plus sur mon enquête donc ?

— On peut dire ça, je reste alerte à tout signe de danger. L’assassinat de l’un de nos travailleurs, une tentative de meurtre sur ma personne et une assemblée impériale toujours plus divisée par nos amis Kardoffs. Tous ces faits ne peuvent être dus au simple hasard.

— Une des grandes familles serait à la manœuvre.

— C’est ma conviction. Le pouvoir est vil, un poison, peu importe qui l’utilise ou le cherche. Il finit par corrompre ou simplement révéler la noirceur d’une personne. Et dans notre « bel » Empire, les hommes les plus avides de pouvoir sont les mieux placés pour l’obtenir et les moins faits pour l’exercer.

— Même vous ?

— Même moi, dit Lèvius en s’arrêtant face à une fenêtre. Même moi… j’ai tué. J’ai déjà trahi pour notre famille.

Alek avait conscience du travail de l’ombre effectué par son père. L’image du leader héroïque s’effritait avec de tels aveux. Mais le monde avait contraint Lèvius tout comme il avait contraint le magister lors de certaines de ses enquêtes. Alek n’avait pas les mains propres au même titre que Lèvius. Il essayait simplement de se convaincre du naturel de cet état de fait. Il ne pouvait juger son père.

— Tu vois ce quartier au loin, fit le Baron en désignant les parties de la ville collées aux murs d’enceinte.

— Le quartier du marais ?

— Lui-même, l’endroit se trouvait être l’une des possessions d’une respectée famille. De nobles aussi puissants que nous avec un nom inscrit dans l’histoire même de l’Empire. Un secteur où la vie était correcte.

Alek savait où Lèvius voulait en venir.

Peu avaient été les visites du magister de ce quartier ostracisé. De tous les niveaux inférieurs, c’était le plus dangereux. Le protecteur mûr d’enceinte d’Aldius n’avait pu le maintenir en sécurité. Il avait en partie cédé face aux eaux de Céresse et les rues autrefois grouillantes de vie se trouvaient maintenant noyées. Engloutie par les flots qui avaient sonné le glas de la civilisation dans cette partie de la ville.

Quelques habitants s’étaient accrochés à leur chez eux. La vie s’était réaffirmée dans les étages supérieurs des bâtiments et les bateaux, les seuls moyens de locomotion. La pègre telle un énième malheur avait fondu avec rapidité sur l’endroit pour en faire le chef-lieu d’un des Dükhess.

Et parmi tout ça, une cause pouvait être pointée du doigt pour la lente descente aux abysses de ce quartier. Le pouvoir et ceux qui l’exercent. De ça, Alek en était convaincu.

— Vous connaissiez la famille en question ? osa demanda le magister à son père.

— Oui, fit simplement Lèvius le regard comme perdu dans ses souvenirs.

Arrêté aux côtés de son père, Alek entendit les pas du protecteur du baron se stopper non loin d’eux.

— La raison pour laquelle je voulais te voir n’était pas juste liée à ton enquête ou à de vieux fantômes du passé. Je désirais te demander quelque chose en personne.

Le ton du Baron était devenu encore plus sérieux qu’à l’accoutumée.

— Je vous écoute, répondit simplement Alek à son père.

— La disparition de la famille dont je t’ai parlé hante mon esprit depuis tout ce temps. Si je me suis sali les mains comme je viens de te le dire, c'est pour faire en sorte que cela ne nous arrive jamais. Mais je n’ai aucune certitude quant à cela. Les périodes compliquées font appel à des hommes sombres qui réalisent des choses qui le sont tout autant. Ce qui me mène à te demander ceci, dit Lèvius avant de laisser un moment de flottement dans sa phrase. Te remémores-tu le passage d’Adraposse ?

— Le souterrain du domaine que tu as condamné ?

— En quelque sorte. Je t'ai promis mon aide, maintenant a toi de le faire. S'il devait arriver malheur à moi ou à notre famille, jure-moi de rejoindre les souterrains. Je m’arrangerais pour que tu y trouves la chose la plus importante à mes yeux.

— La chose… tenta de formuler Alek avant d’être coupée.

— L’heure n’est plus aux questions mon fils. Promets-le-moi simplement.

— Je le jure père.

L'affaire conclut, Lèvius serra fort son fils dans ses bras. Un acte assez inhabituel pour qu’Alek soit marqué par cela.

Lèvius avait-il si peur de ses opposants ? Des Kardoffs ? Du pouvoir qui siège à côté du trône impérial ?

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