Neavia - 4.2

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Alors qu’elle laissait traîner ses doigts contre une table de bois dont les décorations devaient être des plus appréciables au temps de sa grande gloire, Neavia parcourut en silence la salle pour rejoindre la seule porte de la pièce. Elle se saisit de la poignée et quand Neavia là poussa avec légèreté pour ouvrir le passage elle se retrouva avec l’objet cuivré entre les mains.

Parfait…

La chasseresse força alors l'entrée qui céda net face à elle. Une lueur d'espoir était née de cet instant, mais en fin de compte elle quitta sa pièce pour un couloir qui se trouvait tout aussi sombre. Bravant la noirceur et ses dangers, Neavia plongea dans le chemin qui se présentait à elle.

Le sol, troué par endroit, menait ainsi à un aller simple pour des niveaux encore plus obscurs. Neavia se déplaçait donc avec la plus grande attention sur le traître plancher. Le bois grinçait sous ses pas. Se désagrégeait comme du sable. Sur les murs, elle distinguait du mouvement, les rares araignées présentes s'écartaient de la voie en vue de cette étrangère de taille qui se glissait en leur domaine.

Le couloir se transforma bien vite en un labyrinthe des plus complexes, le chemin ne semblait avoir aucune fin et le manque de visibilité limitait la chasseresse. Elle avançait les sens en alerte, le souffle court.

Ses mains tâtonnaient chaque objet qui se dressait face à elle, Neavia était comme une aveugle voulant se diriger. Les quelques sacs qu’elle transportait avaient en partie disparu dans la chute. Mais son arme, elle, avait tenu le choc. Neavia fit donc glisser la bandoulière sur son épaule et s’équipa de son arbalète. C’était comme si cette arme de par sa simple présence parvenait à calmer l’esprit de la jeune femme.

Sans qu’elle ne sache la durée de son long périple au sein de Céresse. Neavia sentit à nouveau comme un filet d’air parcourir la voie qu’elle empruntait. Suivant ce salvateur signe qui indiquait une échappatoire à ce dédale, Neavia pressa le pas. Elle troqua ainsi des pas craintifs pour une véritable foulée qui elle-même se changeait en une quasi-course. L’oppressante obscurité dans laquelle la chasseresse naviguait pesait encore sur elle. Il fallait qu’elle sorte de cet endroit. De ce piège qui semblait ne plus vouloir la laisser partir.

Les portes se succédèrent les unes après les autres. Les dangers, les trous sur sa voie se multipliaient pour former d'impressionnants creux. Mais Neavia continuait, le vent se faisait de plus en plus présent.

Ce fut durant son avancée solitaire dans ces voies sombres que Neavia prit pleinement conscience du lieu qui l’entourait. Quelqu’un était-il seulement venu depuis la chute !?

Cela prit encore plus d’importance quand Neavia gagna la fin de son chemin écroulé depuis de trop nombreuses années. Elle releva le regard et aperçut le vaste décorum dont elle n’aurait pu percevoir l'existence même face à ses yeux ébahis.

Une véritable ville s’étendait sous la surface de la terre. Des constructions à perte de vue qui peuplaient une sorte de cavité démesurée. Quelques rares interstices dans le toit permettaient à des rayons de lumière de passer, mais les ruines qui s’étalaient face à Neavia restaient tapies dans la noirceur ambiante. Uniquement dévoilé via des gaz et couleurs phosphorescentes dont la chasseresse ne connaissait que trop bien la provenance.

De hautes bâtisses s'élevaient de la multitude pour s’étendre jusqu’au sol lointain en de multiples piliers difformes. En une véritable forêt grisâtre qui soutenait le plateau de montagne. La ville comprenait d’ailleurs des constructions de toutes tailles et de toutes formes, s’étalant en une longue cité fantôme où le silence se faisait roi. Le tableau qui lui était offert écrasait la jeune femme de son gigantisme.

Quittant de vue cet ancien phare de civilisation qui revêtait maintenant le rôle de mausolée. Neavia se motiva à bouger. Il fallait qu’elle retrouve ses camarades, où qu’ils soient et elle devait également remonter à la surface. Ces deux points, ces deux objectifs, ne devaient pas être bien loin l’un de l’autre. Les chasseurs du clan allaient sûrement rejoindre les bâtiments au centre de la caverne pour gagner la surface. Enfin, si rien ne leur était arrivé.

Neavia se décida à faire de même.

Elle emprunta alors le seul chemin qui se présentait à elle. Neavia abandonna le promontoire de fortune où elle se tenait et longea le mur. Le restant de sol qui composait son sentier. Elle se collait aux pierres, à la surface rêche qui lui grattait aussi bien la tête que le dos. Mais elle se concentra. Neavia faisait bien, car c'étaient simplement quelques vétustes centimètres qui la séparaient du vide et de la mort.

La chasseresse avait repris son calme, sa concentration héritée de ses quelques années de chasse et elle progressait sans réfléchir. Jusqu'à ce qu’elle glisse. Son cœur s'arrêta un instant alors qu’une partie du sol tombait dans le néant, Neavia refréna un soufflement vif en se retenant comme elle pouvait contre la paroi. Ce n’est pas passé loin… Et elle continua. Les pieds bien collés au mur et à la minuscule et salutaire partie qui lui permettait d’avancer.

Sa dangereuse voie la mena jusqu'à un escalier, elle, toujours debout et elle dévala les marches. Plus elle descendait, plus la nature semblait présente. Les créatures de petite taille commençaient à pulluler et les plantes se multipliaient. Les bases des bâtiments étaient comme des racines encore vigoureuses ou Céresse reprenait ses droits. Mais encore une fois, son chemin fut stoppé. Un mélange d’arbres et de gravats bloquait le passage.

Les vitres qui bordaient les escaliers, vides de tout cadre ou verre, permettaient d’observer les alentours. L’un des édifices qui avaient dû côtoyer celui où se tenait Neavia était effondré. Avachi entre la tour de la chasseresse et la construction menant au centre de la ville.

Il ne lui en fallait pas plus pour se décider.

Se faufilant à travers l’ancienne vitre avec une agilité toute féline, Neavia foula bientôt le pont que formait la ruine écroulée. La chasseresse n’avait toutefois aucune confiance en l'équilibre sommaire de la structure dont elle ne voulait pas tester les limites. Le bruit du vent pressant la vétuste construction ne faisait qu'accélérer le pas de Neavia qui quitta bien vite cette liaison de fortune.

Le bâtiment où elle entra ensuite ne différait pas du premier. Chaque pièce lui montrait une parcelle de la vie des citadins, toujours avec ce petit chaos présent de par les nombreux objets ou ossements jonchant les sols.

Neavia naviguait de bâtiment en bâtiment, aidé par l’effondrement partiel de ces derniers. Elle gravissait les montées, luttait pour ne pas tomber quand les salles et les bâtiments se trouvaient proches de l'effondrement.

La chasseresse rallia aussi vite qu’elle le pouvait les ruines imposantes qu’elle avait pu voir plus tôt. Le premier dans lequel Neavia rentra ne manqua pas de l'étonner. La construction, ou plutôt l'unique pièce qu’elle renfermait s'étirait tout en hauteur. De forme ronde, elle comprenait des étagères qui tapissaient les murs cylindriques en offrant un rangement pour de nombreux corps de cuir comme ceux utilisés par les Impériaux.

Se penchant, Neavia se saisit de l’un de ces objets. Les parchemins qu’il renfermait étaient tous collés et lorsqu’elle tenta de forcer pour les séparer, les pages se désagrégèrent. Elles disparurent aussi soudainement que les souvenirs et connaissances de leurs auteurs. Emportant à jamais les précieux glyphes noirs des peuples éteints de Céresse.

La chasseresse, qui reposait l’objet de cuir, continua de marcher. Plus son chemin se rapprochait de son objectif, plus elle dut ralentir au vu des obstacles qui se dressaient face à elle. L'anarchie régnait. Les corps se multipliaient, on pouvait presque sentir la tension qui avait dû se saisir de ces gens lors de la fin de la ville.

Se fiant au tunnel dans lequel elle s’engageait, Neavia se contorsionna pour avancer. Des murs, et même des piliers venaient restreindre l’espace et Neavia dut se faire petite pour avancer, encerclée par les parois qui la bloquaient de chaque côté. Sa respiration caressait la surface devant son visage en soulevant de la poussière. Elle transpirait face aux efforts qu’elle devait déployer.

Juste quand le chemin semblait reprendre en taille, la tête puis le regard de Neavia croisèrent une substance étrange contre le mur. Lorsque la chasseresse passa juste devant, elle découvrit un corps momifié et sec qui avait fusionné avec le végétal vivant. Quand elle fut sur le point de dépasser cette étrange scène en effleurant cette anomalie de la nature, le visage du cadavre se tourna en un grincement vers Neavia. Réveillant une peur subite en Neavia qui laissa échapper un cri.

Elle recula instinctivement, mais la friable matière derrière son dos se désagrège en emmenant la chasseresse dans une nouvelle chute.

Cette fois, Neavia eut au moins la consolation de voir la chose s'arrêter très vite. La courte glissade réanima son corps qui prit pleinement conscience de ses blessures. Ses articulations, ses griffures, sa tête. Tout lui faisait mal. Cela fut encore pire lorsqu’elle prit ses premières bouffées d’air.

Ses poumons brûlaient. L’espace était plongé dans une épaisse fumée verte qui piquait jusqu’aux yeux de la jeune femme.

Il faut fuir !

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