Neavia - 4.3

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Neavia connaissait parfaitement ces matières dégagées par les armes du passé. Elle avait déjà vu des chasseurs mourir, à petit feu, piégés dans de pareils endroits. Confiné dans une disparition lente rongeant aussi bien le corps que l’esprit.

Alors qu’elle commençait à courir, Neavia fouillait sa tunique. Elle cherchait son masque si tant est qu’il soit encore accroché à ses habits. Ses gestes se firent anarchiques à mesure que la chasseresse progressait dans le nuage de mort qui l’entourait.

Allez…

Par chance, elle toucha l’objet tant convoité de ses doigts qui comme un mal supplémentaire restait coincé contre son ceinturon. Elle tirait sauvagement, elle agrippait avec force jusqu'à ce que l’attache cède en craquant. Neavia se saisit alors du masque qu’elle plaqua sans attendre sur son visage.

Malgré l’air salvateur que filtrait la protection, une fatigue semblait être tombée sur Neavia avec autant de dureté qu’une masse. Ses jambes lourdes ne lui permirent pas de continuer à courir et bientôt, elle dut se reposer contre les parois de roches. Stoppé dans sa quête hasardeuse.

Qu’est-ce qui m’arrive ? non…

La chasseresse glissa contre le mur pour y prendre appui alors que ses forces la quittaient.

Avait-elle trop attendu pour se protéger ?

Neavia ne savait vraiment le dire, mais elle devait maintenant lutter pour rester consciente. Sa respiration presque animale résonnait dans la salvatrice protection qui emprisonnait son visage.

Elle échappant un râle alors que l’envie de tout lâcher commençait à la gagner. Elle voulait dormir malgré la douleur qu’elle ressentait. Les battements anarchiques dans son torse et ses tremblements s’accentuèrent. Son regard devenait à se troubler et elle laissa ses yeux se fermer.

NON !

Elle secouait la tête et se força à agir. Elle ne pouvait mourir aussi misérablement. Kïron contait encore sur elle. Ses camarades également. Elle ne pouvait les abandonner.

Allez !

Neavia tentait de faire bouger ses lourdes jambes qui voulaient tout sauf lui répondre.

Tu peux y arriver.

Quoi !?

La jeune chasseresse venait d'entendre une voix, la chose semblait irréelle, surtout en ce moment. D'où pouvait-elle venir ? Neavia observait tout autour d’elle, mais rien. À part la roche, les pierres des ruines et le gaz verdâtre, elle ne voyait rien de différent.

Tu ne dois pas rester là, c'est dangereux…

Encore, mais d'où provenait-elle ? Un autre rescapé se trouvait-il là ? Non, la voix avait une intonation trop juvénile pour cela. Neavia ne pouvait d’ailleurs contredire ce qu’on lui intimait de faire et elle se démena pour bouger. Pour avancer dans l’épais nuage qui l’entourait.

— Quelqu’un est là ? s’aventura à dire Neavia malgré le masque qui voilait ses paroles.

Nulle réponse ne lui fut formulée et elle douta alors même de sa capacité à réfléchir. Elle avait dû imaginer cela dans son esprit après tout…

Continue, tu y es presque !

Encore… Neavia redoublait d’efforts et de persévérance. Elle se tenait bien éloignée des débris fluorescents qui ponctuaient sa fuite. Quand le gaz se tarit enfin, la chasseresse semblait quitter la caverneuse voie où elle était tombée pour apparaître à nouveau dans la ville de ruine. Un rocher demeurait face à la sortie et sur ce dernier une petite forme humaine qui se tourna vers elle.

— Je me demandais si tu arriverais à me suivre et sortir, commença-t-il en descendant de son sommaire piédestal.

— Comment…

— Suis-moi, fit le jeune garçon en coupant Neavia. Il faut nous éloigner d’ici. Cet endroit est mauvais.

— Je sais.

— Alors, pourquoi être venus, personne ne devrait s’approcher des armes républicaines.

Républicaine !? De quoi parlait-il ?

Le petit lui tendait la main. Neavia hésita au début puis elle fit de même avant de suivre l'enfant qui l'emmenait.

— Je suis désolé, c'est qu’on m'a toujours dit de me tenir à distance des zones touchées par les armes à Eruzine. Mais je suis content d’avoir désobéi et de te voir, ça fait longtemps que je n’ai pas rencontré une autre personne.

La voix du petit semblait montrer toute sa tristesse.

— Mais, depuis combien de temps es-tu là ?

— Je ne sais pas dire, j’ai toujours habité ici. C'est chez moi…

Neavia restait décontenancée face à l'aplomb avec lequel l’enfant croyait en ses dires.

— Et quel est ton nom si cela n’est pas trop indiscret.

— Je… commença-t-il avant de s'arrêter. Je, je ne sais pas. Je n’arrive pas à me rappeler.

L’intonation de sa voix se faisait presque tremblante. Le garçon semblait ému et triste face à ce constat. Sur le point de pleurer avant que Neavia ne reprenne la parole.

— Ce n’est pas grave ne t’en fais pas. Je me nomme Neavia. Contente de te rencontrer.

— Moi aussi, viens, dit l’enfant en saisissant la main de Neavia pour poursuivre la marche.

— Mais, où m'emmènes-tu comme ça ?

— Loin, loin du danger.

Les deux se trouvaient maintenant loin du gaz et des excroissances vertes liées aux armes anciennes.

— Je pense que cela suffit.

— NON !

La voix du garçon se faisait insistante. Presque agressive, alors qu’il tirait Neavia.

— Il faut continuer d'avancer. On ne peut s'arrêter, c'est trop dangereux. On risque de ne pas pouvoir partir.

— Partir !? répliqua Neavia, mais où ?

— Loin des souterrains. Loin de la douleur.

— Mais je vais bien.

Cette fois, l'enfant se retourna.

— Je pense que tu as raison, il sourit. Tu ne peux me suivre, c'est trop tôt, mais on se reverra j’en suis sûr.

Tu dois te battre.

Une voix commençait à résonner autour de Neavia alors que le petit avait arrêté de serrer la main de la chasseresse pour s'éloigner.

Tu dois te battre, aller !

L’enfant lui faisait un signe comme pour lui dire au revoir. La voix, quant à elle, changeait, on aurait dit un cri lancé à Neavia. La douleur, cette sensation que le garcon semblait craindre revint tourmenter la chasseresse. Elle avait mal et se recroquevilla sur elle-même. Et ce fut comme si elle se réveillait en un autre endroit. 

Neavia reprenait conscience en un lieu différent. Couché sur le sol rocailleux de la ville de ruine.

— WOAW, woaw ça va ? demanda Druïg dressé au-dessus de Neavia, son masque entre les mains. Tu t’accrochais comme une tique ma parole.

— Mais où suis-je…

— Avec nous et en vie, fit l'un des membres du groupe.

Une bonne partie des chasseurs était présente autour d’elle.

— Ça fait un moment qu’on cherche les disparus.

— Cinq heures tout au plus, ajouta l’un des hommes aux côtés de Druïg.

— Tu as de la chance, conclut-il en aidant Neavia à se redresser. Un peu plus et s’en était fini de toi. Ton masque laissait passer de l’air contaminé. Je sais pas comment tu as fait pour ramper jusqu'à la sortie de la zone polluée.

Neavia, qui prit l’objet entre ses mains, observa l’endroit où l’attache avait cédé. La chasseresse dans son empressement avait ouvert sa protection.

— As-tu vu un enfant ?

— Quoi !?

Druïg semblait choqué par la demande.

— Un enfant ! Quel enfant il n’y a pas âme qui vive dans ces décombres. J’ai croisé une dépouille en te trouvant, mais à part ça rien.

Un corps…

Neavia était perdue.

— Bon viens, quittons cet endroit de malheur. Avec un peu de chance, on va dénicher ceux qui manquent à l'appel.

Neavia emboîta le pas à Druïg et au reste du groupe. Elle s’autorisa un dernier regard de la ruine ou elle s’était égarée. Là où elle avait fait la rencontre d’un habitant des plus étranges qui s'était avéré être son sauveur. L'expérience que la chasseresse venait de connaître la laissait encore pantoise.

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