Lèvius - 2.3

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Lèvius, ainsi que le reste des occupants de la table, avait une assiette en céramique peinte d'une main de maître face à eux. Le Baron se mit à découper le Ballotin qui y prenait place en traversant sans difficulté la viande cuite juste comme il le fallait.

Il se permit de prendre la salade avoisinante qu'il mangea. Les cuisiniers des maisons nobles rivalisaient en ingéniosité et maîtrise pour préparer les plats avec le peu de matière première qu'ils avaient. Les assiettes des aristocrates étaient recherchées et leur qualité rarement égalée dans la cité nation.

Lèvius savoura la nourriture qui diffusait ses arômes, il porta alors son attention vers sa fille qui parlait.

— J’ai hâte de voir ce que réserve l’Empereur pour le bal, fit Louise.

— L’année passée, c’était un gâteau représentant son palais, répondit Paul, ce « plat » allait bien faire s'écrouler la table sous son poids, je m’en souviens encore.

— S’il veut continuer à impressionner les convives, ses chefs devront au moins faire une « mini » Aldius cette fois !

— Si je connais une chose qui est immuable en notre cité nation, ce sont bien les mets gargantuesques des cuisines impériales, ça tu peux en être certaine Louise, dit le Baron pour témoigner de sa longue expérience quant aux festivités de Sa Majesté. La moitié de la nourriture finira sûrement jetée d'ailleurs.

— Il se doit bien de montrer sa puissance, si la rue est de moins en moins convaincue les nobles le seront peut-être…

—Ils se doivent de l’être, tu as raison comme bien souvent Alina. Mais l’homme qui a le plus d’intérêt dans le bon déroulé de cet événement c’est bien le conseiller d'Ovidius.

— Maudits Klüg ! reprit-elle.

— Ce petit vieux vous fait si peur ?

— Un peu de respect Vilius, même pour ce genre de personnes. Ce "petit vieux" comme tu le dis à l’oreille de l’Empereur et il est tout-puissant. S’il y a quelqu’un qu’il ne faut pas se mettre à dos à Aldius, c’est bien lui.

— Vous l’avez déjà expliqué père l'air fatigué, fit Paul. Pourquoi fait-il le travail d'Ovidius, il n’a pas peur qu’il le trahisse à force ?

— Non ça ne serait pas dans son intérêt, Sa Majesté a d’autres loisirs et le conseiller permet à Ovidius de ne pas se frotter au monde réel qui l'entoure. L’Empereur est l’individu le plus important de la ville, Klüg le sait également. Il se voit déléguer la véritable gestion d'Aldius comme l'ont toujours fait ses prédécesseurs. Les choses ne changent que rarement dans la cité nation. Notre cher Klüg est juste le plus retors de ses homologues, cela n’est pas si courant dans l’histoire.

— Et l’Empereur le plus inutile qu’on ait connu, pourquoi le défends-tu à l'assemblée si son conseiller est si puissant ? demanda Vilius. C'est lui que tu devrais brosser dans le sens du poil.

— Car c’est notre rôle comme je te l’ai déjà dit. Le devoir des Devràn. Le conseiller joue le sien et chacun a une place à tenir. C'est ainsi que la cité nation peut fonctionner, qu’elle l'a toujours fait d'ailleurs. Et si je défends Sa Majesté, c'est que son père a par le passé été bon avec notre famille, je ne fais que rendre ce qui a été donné même si cela reste inaperçu. Le conseiller impérial est en plus quelqu’un de particulièrement désagréable.

— C’est ce Klüg qui doit dissimuler ton travail.

— Peut-être mon fils, peut-être. Mais nous avons d'autres adversaires tout aussi dangereux, il n’est pas très intelligent de se fatiguer en étant sur tous les fronts.

— Il faut savoir choisir ses combats… conclut Paul.

— Tout à fait et ton frère doit l’apprendre bien vite.

— Avec autant de personnes néfastes pour notre famille, pourquoi ne pas s'en débarrasser tout simplement ? questionna Vilius.

— Mais oui, commença Lèvius en finissant d’avaler sa nouvelle bouchée. Les tuer résoudrait bien le problème. Mais tu perdrais le seul garde-fou que nous ayons contre Sa Majesté.

Vilius semblait confus quant aux propos de son père qui paraissait attendre une sorte de réponse concernant sa phrase.

— Le peuple, dit Louise d’un air peu assuré.

— Au moins il y en a une qui comprend le monde qui l’entoure…

— Vous accordez trop d’importance aux citoyens de l'Empire, répliqua Vilius.

— Et toi pas assez mon frère.

— Écoute Paul, fit le Baron en regardant Vilius. Notre vraie force vient de notre lien avec le peuple. Nos gens ont une haute opinion de nous et de ce fait, nous pouvons compter sur leur soutien. Non pas juste sur nos miliciens, mais bien sur la totalité des personnes habitant dans les quartiers que nous possédons. Aucune autre famille n’a cela, cela vaut bien l’or ou la malice de nos adversaires.

— Je ne sais pas si cela est encore d’actualité, vous n’avez pas parcouru les rues de la ville depuis longtemps, je crois…

— Peut-être Vilius, mais prie pour que cela ne soit jamais le cas. Que jamais nos gens ne nous tournent le dos.

— Et le conseiller ou les Kardoffs ne sont pas près d’avoir ce genre de soutien, ajouta Alina pour appuyer les dires de son mari. Bon assez de politiques non !?

— Tout ça à cause de la simple évocation du bal, dit Louise avant que sa mère ne reprenne.

— Tu sais bien qu’il leur suffit d’un rien, répondit Alina en regardant ses fils et son époux. Pour les hommes, les sujets de discussion tournent uniquement autour du pouvoir ou de la guéguerre.

— Tu as raison, assez de politique. Nous verrons bien ce que le bal impérial réserve cette année, ainsi que la course, conclut le Baron.

— Tu as déjà choisi le représentant de la maison, questionna Louise.

— Non pas encore, mais j’ai quelques idées…

La course des spires était un événement important. Une épreuve aussi reconnue que périlleuse. Lèvius savait que Paul s'entraînait en catimini avec des amis. S’il faisait tout pour garder son activité secrète, son père avait rapidement compris la chose. Mais il ne souhaitait pas en parler maintenant.

Son fils était décidé, mais sa mère n’était pas prête à accepter. Cette épreuve avait de quoi faire peur et les aéronefs étaient réputés dangereux. Surtout ceux qui allaient à une vitesse de course offrant seulement une protection de bois, tôle et toile. Il allait en temps voulu convaincre sa femme. Un enfant qui partait à la guerre était déjà suffisant, bien assez pour cette soirée.

Tandis que la discussion avait pris une pause, les servants avaient recommencé leur ballet. Les assiettes étaient emportées avec leurs couverts sales alors que de nouveaux plats étaient apportés. Mais ces plats n’étaient pas les seuls arrivants. Malden dans son uniforme bleu sombre de l’armée apparaissait à travers la foule d'employés. Les regards des occupants de la table s’étaient posés sur lui, il avait fière allure dans sa tenus militaIre. Il avait défait ses gants et enlevé sa casquette qu’il gardait maintenant tous deux dans ses mains. Il rendait leur sourire à ses parents. Il tendit ses affaires aux servants avant de prendre place.

— Mère, père, fit-il en s’asseyant.

— Ça nous fait plaisir de te voir, commença Alina. As-tu ramené ce que je t’avais demandé ?

— Bien sûr mère, d’où mon retard. J’ai donné la bougie à Agathon, il la portera à votre chambre.

L’intendant en question qui dirigeait les employés encore présents accompagna les dires de Malden en hochant la tête face à Alina avant d'annoncer la suite du repas.

— Un peu plus et tu allais rater le plat de résistance fils, tu sais ça ne sera pas de sitôt que tu mangeras une nourriture comme ça.

— Ho j’en ai une bonne idée père c'est pour ça que j’évite le mess de la brigade.

Louise et Paul rigolèrent avec Malden avant que le Baron ne reprenne en souriant.

— Il y a une chose qu'il faudra que je te montre après le repas, tu me le rappelleras ?

— Bien sûr père.

— Voilà qu’ils se mettent à faire des cachotteries, fit Vilius.

Rabroué par un coup de coude de son jumeau, ce dernier réagit.

— Si tu étais plus avenant, ça serait ton cas.

La famille rigola à nouveau alors que Vilius serrait les dents.

— Allons mon frère un peu d’humour…

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