Sam

Je finis de ranger mon matériel de musique avant de sortir du garage. J'enfonce mon bonnet noir sur ma tête avant de reprendre ma marche vers le centre-ville. L'automne vient de commencer, et des feuilles orangées balayent les rues.

Je marche jusqu'à chez moi et ouvre la porte.

- Salut, je suis rentré !

- Samuel, je t'ai déjà dit de ne pas traîner dehors après dix-huit heures ! Tu sais très bien que les gens sont tarés, ici, ronchonne ma mère.

- Ah, laisse le profiter de sa jeunesse. Quand il aura eu un problème, il comprendra, répond mon père.

Maman sort du four un plat de pâtes à la courge et je grimace. Je déteste l'automne à cause de la nourriture.

- Ah non, tu vas pas recommencer à nous faire tes plats dégueus !

- C'est la saison, j'y suis pour rien moi, s'offusque-t'elle.

- T'y es pour rien si tu les achètes ?

- Non, j'y suis pour rien si je ne trouve que ça en magasin. Vous n'êtes jamais contents.

- J'ai rien dit ! s'exclame Papa.

- J'arrêterai de me plaindre si t'arrêtais de faire des repas que j'aime pas, rétorqué-je.

Je regarde avec dégoût le légume orange. Ma mère soupire.

- Ne mange pas si t'es pas content.

- Bah si, il faut bien que je me nourrisse. Ou pas, en fait. Parce que si c'est pour que ça se transforme en vomi, ça sert à rien.

Elle claque les couverts sur la table.

- Samuel, ça suffit maintenant. Tes petits caprices passaient quand tu avais six ans, mais tu en as dix-sept désormais. Tu n'avais qu'à cuisiner au lieu de traîner dehors.

- Comment veux-tu que je cuisine alors que dès qu'il est dix-huit heures, tu commences à préparer le repas ? Et puis, que ce soit toi ou moi qui cuisine, dans tous les cas, on aurait fini par la manger ta courge.

- Alors vas-y, lève-toi aux aurores le samedi pour aller faire les courses, comme ça il n'y aura pas de courge.

- Ou alors tu n'en achètes pas, surtout que tu es la seule à aimer. Il y a pleins d'autres légumes, comme des poivrons, des broccolis, des carottes... mais toi, faut que tu prennes de la courge ou du potimarron.

J'exaspère peut-être ma mère, mais j'ai toujours été comme ça. J'aime bien taquiner, même si dès fois je vais un peu trop loin.

- Et encore, ça va, pour l'instant, t'as pas fait de soupe alors qu'on est déjà mi-septembre.

- C'est quoi le problème avec la soupe ? s'insurge Maman.

- Le problème, c'est que tu te mets à faire de la soupe en août parce que t'as froid alors qu'il fait trente degrés dehors. T'as pas intêret à nous faire la même chose quand on sera en Californie.

Pour le moment, nous habitons en France, mais nous allons très bientôt déménager en Californie parce que mon père a reçu une offre de travail très bien payé. Personnellement, j'ai hâte de déménager. Pour moi, la Californie se résume à Hollywood, le soleil, la plage et, comme dirait Hugo, mon meilleur ami, "les belles filles".

- Y a des courges qui poussent en Californie ? finis-je par demander.

- Aaah, mais tu me saoules ! s'exclame ma mère.

Je finis mon assiette en me plaignant encore un peu, avant de regagner ma chambre pour faire quelques cartons.

J'espère que je vais me plaire à San Diego. J'ai toujours rêvé de découvrir l'Amérique, mais je ne pensais pas que j'y vivrais un jour. Ça va être un grand changement.

Je m'allonge dans mon lit et ferme les yeux, espérant que des courges butternut ne vont pas venir hanter mes rêves.