Les suspects
Une fois installés dans la remise, Carneski et l'inspecteur s'approchèrent de la vieille femme, première suspecte. L'inspecteur souhaitait ne pas la brusquer :
- Madame... Félicia est...
- Morte. rajouta Carneski, le plus naturellement du monde.
- Carneski ! Vous êtes rude !
- Quoi ? Si on y va doucement, elle peut faire croire qu'elle est innocente plus facilement.
- Carneski... gronda Sarmado.
- Non, intervint la vieille dame. Je préfère faire passer la pilule rapidement. Je vais vous dire tout ce que je sais.
Carneski lança un regard supérieur à Sarmado. Elle reprit :
- Je m'appelle Hélène Diarf... Je suis esthéticienne...
- Elle n'est pas la meilleure pub pour le métier... murmura le détective.
- Carneski, grinça l'inspecteur. Reprenez, madame Diarf.
- J'ai quatre-vingt ans...
- Ah bon, pas cent vingt cinq ? grogna Carneski en prenant des notes.
- Carneski.
- Et j'adore les fleurs. J'en ai même sur mes vêtements, comme vous le constatez...
- Et vous êtes aveugle ? demanda Carneski.
- Non, pourquoi ?
- Non, pour rien. Mauvais goût vestimentaire naturel...
- Carneski !
- J'en achète souvent, pour décorer mon salon. La première fois que je suis allée chez Félicia, elle m'a tellement bien accueillie que je suis toujours revenue vers elle. Elle était comme ma petite-fille...
- Vous en avez une ?
- Non, inspecteur... J'avais une petite-fille... Elle est morte dans un accident de voiture à dix ans.
- Elle conduisait déjà ?
- Carneski !
- Quoi ? Je demande...
- Ses parents ont survécu mais pas elle... Le plus ironique dans l'histoire, c'est que le camion qui leur à foncer dessus était celui d'un fleuriste...
Sarmado se tendit un peu.
- Je vois. C'est tout ?
- Hormis le fait que j'aime beaucoup Félicia.
- Mais, que veniez-vous faire ici, si tôt ?
- Tôt ? Vous avez vu l'heure, détective ?
- Je parle de votre rendez-vous avec elle à 7h45.
- Oh, ce rendez-vous là ? Juste passer lui déposer une tarte pour elle et son copain ce week-end. Elle est sans doute dans le frigo.
- Elle et son copain ?
- ... Détective !
- Oui, ça va. On le vérifiera, n'est-ce pas inspecteur ?
- Oui, oui...
Finalement, Sarmado la laissa partir. Avant de laisser entrer le deuxième suspect, Carneski et Sarmado discutèrent de la situation et des informations récupérées :
- Alors, inspecteur ? On la croit suspecte et coupable ?
- Suspecte, oui. Coupable, pas sûr.
- Pourquoi donc ?
- Sa petite fille, morte, accident de fleuriste...
- Vous suggérez qu'il s'agit de Félicia ?
- Oui.
- Mais pas du tout.
- Et pourquoi donc ?
- J'ai mené mes recherches et il s'agit d'un camion d'une entreprise de gros, "Le Paradis Végétal".
- Comment diable menez-vous vos investigations en restant dans cette pièce ?
Carneski brandit son portable :
- Connexion vieille branche.
Sarmado se renfrogna :
- Tss... Dans ce cas, faisons entrer le prochain.
Un policier quitta la pièce et revint avec le prochain suspect, le jeune homme. Il semblait toujours aussi mal à l'aise et sa peau foncée avait beaucoup blanchi. Il s'installa en face de nous, un peu tremblant. Sarmado soupira :
- Bien... Nom, prénom, âge, lien avec la victime, métier.
- Je m'appelle Jean-Jacque-Julien-Ethan-Martin-Omar-Pierre-Slimane-Edward-Michel-Michelin-Javelin-Harry-Henry-Hurry-Quentin-Blaise-Arnold-Avery-Auguste-Augury-Kama-Ken-Barrack-Milo-Nicolas Du Fermoir-Demonçak-Amin. Ma famille est connu pour posséder la marque de Luxe Louison Vuitt, célèbre pour ses sacs à main.
- Sans blague... murmura Carneski.
- Et donc, Jean-Jacque-Julien-Ethan-Martin-Omar-Pierre-Slimane-Edward-Michel-Michelin-Javelin-Harry-Henry-Hurry-Quentin-Blaise-Arnold-Avery-Auguste-Augury-Kama-Ken-Barrack-Milo-Nicolas Du Fermoir-Demonçak-Amin...
- Mais vous pouvez m'appeler Jean voyons !
- Encore heureux...
- Comment ça se fait que vous possédez autant de prénoms ? demanda Sarmado.
- En général, les nobles possédent beaucoups de prénoms. Je n'ai malheureusement pas échapper à la règle. Souvent, je m'appelle juste Jean.
- Pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt ?!
- Vous avez dit "prénoms". J'ai dit mes prénoms.
- Mais enfin ! Prénom au singulier !
- Comment je pouvais le deviener ?
- Ça s'entend !
- Un "S" muet ?
- Oui !
Carneski décida de reprendre l'interrogatoire en main :
- Alors... Âge ?
- J'ai vingt-quatre ans.
- Profession ?
- Riche.
- Je parle de votre métier.
- Chômeur. Mais riche. J'attends de reprendre l'affaire de mon père.
- Je vois. Vous êtes, aux yeux de la victime ?
- Comment ça, aux yeux ? Bah, elle avait une bonne vue...
- Non, votre relation avec elle...
- Ma copine.
- Quelle chance elle a de vous avoir. Pour l'argent ou la gloire ?
- Carneski.
- L'amour, détective. Elle est sortit avec moi avant de savoir qui j'étais en réalité.
- C'est beau.
- En effet.
- Par contre, vous semblez bien calme. Votre copine vient de mourir, tout de même.
- J'ai toujours eu les chocs froids.
- Pardon ?
- L'information de quelque chose de grave met du temps à me monter au cerveau, tant je ne veux pas y croire.
- Vous êtes sûr que le problème ne vient pas du cerveau... ?
- Carneski, encore une fois et je vous jette dehors !
- C'est bon, calmos ! Pourquoi deviez-vous voir Félicia si tôt ce matin ?
- C'est simple, pour...
Soudain, il éclata en sanglot. Son corps entier tremblait et il renifla :
- Elle est morte... Ma Félicia...
Carneski lui tendit un mouchoir :
- C'est un choc, je comprends...
- Je... devais la voir pour... un redez-vous... la demander en mariage...
Il sortit une petite boîte de sa poche. Elle contenait une bague en or surmontée d'un diamant.
- C'est terrible...
Dans un geste maladroit, l'inspecteur tapota l'épaule de Jean. Voyant qu'il ne pourrait plus rien tirer de lui, Carneski et Sarmado firent entrer le dernière suspect. La jeune fille entra et s'assit, toujours aussi pâle. Avant qu'ils puissent parler, elle commença :
- Je m'appelle Ameline Azerty, j'ai vingt-cinq ans et je suis la secrétaire de Félicia. Honnêtement, nous ne nous entendions pas très bien. Elle me surchargeait de travail pour être avec son copain et moi, je refusais de faire trop d'heures sup'. Je suis donc la plus suspecte de tous. Mais sachez que, peu importe combien je la détestais, sans Félicia pour patronne, je n'ai plus de travail et plus rien pour payer mon loyer.
- Waouh, c'était rapide ! s'exclama Carneski. Mais ne pouvez-vous pas recevoir des aides financières ?
- Mes parents sont toxiques et j'ai fuit pour cette raison. Jamais il ne passeront de l'argent. Je n'ai pas d'autre famille. Je n'ai pas vraiment de papier, car mes parents m'ont tout pris et que les procédures sont toujours arrêtés par eux.
- Oh, ma pauvre...
Sarmado fronça les sourcils :
- Ce n'est pas légal...
- Je sais mais que voulez-vous que j'y fasse ?
Sarmado réfléchit un instant, puis se tourna vers Carneski :
- Jules, pouvez-vous continuer l'enquête le temps que je gère ce problème. De toute façon, je vous connais, vous aurez résolu ça en moins de deux.
- Pas de soucis ! Je sais que ce genre de choses vous tiennent à cœur. Au revoir, Inspecteur.
- Au revoir.
Jules quitta donc la pièce et se rendit à nouveau sur la scène du crime. Sortant sa loupe de son sac, il commença à observer chacun des bouquet. Une tâche ardue, puisqu'il y en avait une centaine, répendues un peu partout dans la pièce. Les policiers avec leurs outils à la pointe le regardèrent avec incompréhension, persuadés de la puissance de leurs radars.
Il se pencha vers un bouquet de rose et récupéra quelque chose avant de s'approcher du mur, et de la climatisation. Il gratta la fine couche de poussière qui se trouvait sur les pales, avant de les emmagasiner dans une petite boîte. Puis il retourna voir l'inspecteur rapidement.
- Je m'en vais, mais rien de grave, Steven ! Je suis même sur la bonne voie !
- Bien. Revenez me voir quand vous avez fini votre enquête.
Il repit sa prise de notes et sa discussion avec Ameline. Jules quitta la boutique pour se perdre dans les ruelles d'Hiropolis avec un objectif bien précis en tête.
Il arriva au find fond de la ville, devant la devanture de "Bérangère pas dérangée". Il entra et fit tinter la sonnette. Aussitôt, une femme vient à sa rencontre. Elle avait la cinquantaine, bien que les traits tirés de son visage la rajeunissaient considérablement. Elle fumait une longue et fine pipe en bois avec un embout doré. Ses yeux dorés brillaient d'une lueur qui sondait votre âme. Elle tira une bouffée de sa pipe et sourit :
- Jules, mon petit Jules... On a besoin de sa maman... ?
- Bérangère... J'ai besoin de tes services en tant que Bérengère...
- Mais je te rends ces services en tant que mère.
- Si tu veux. J'ai besoin de l'adresse de ce fleuriste.
Il lui tendit le morceau de ruban prélevé sur le fameux bouquet. On y lisait pas grand-chose, hormis "Carl". La femme l'analysa avant de recracher une bouffée de fumée gris bleuté.
- Mouais, je te tiens au courant.
- Merci mère.
- De rien, Jules.
Jules n'avait pas vraiment de parents. Laissé à la rue, il avait été recueilli par Bérengère, qui lui apprenait le métier de détective, en dehors des ventes de son épiceries. On y trouvait tout, des épices aux pentacles démoniques. En plus, elle avait bien plus de contacts que n'importe qui dans Hiropolis.
Jules s'en alla et, sept minutes et quarante-cinq secondes après, il reçut un appel de sa mère.
- Jules. 19, rue des Aiguillons.
- Merci. Tu as été longue aujourd'hui.
- La ligne était occupée.
- Dommage. Au revoir.
- Passe me voir à l'occasion, je ferai du ragoût au miel.
- Ouh, je ne manquerai ça pour rien au monde !
Il raccrocha et tira sa montre à gousset de sa poche. Elle faisait également office de boussole.
- Bon, direction rue Aiguillons !
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