Le plan - 2° partie

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La princesse détailla son plan. Allie simulerait une seconde fois l’évasion, sans son manteau, afin d’apparaître la plus attirante et vulnérable possible aux yeux du brigand. Cassy lui attacherait, réellement cette fois, les mains derrière le dos. Elle se sauverait en laissant la porte ouverte. Toutes lumières éteintes, Sara attendrait l’homme dans la pénombre, un arc à la main. Elle l’atteindrait, puis elles quitteraient la demeure sans tarder.

Sara dévisagea sa servante.

— Tout va bien se passer, Allie, tu verras. Je ne le raterai pas.

Allie, qui s’était portée volontaire, hocha nerveusement la tête. Emma lui ouvrit, un mot d’encouragement à la bouche.

Rien ne se passa comme prévu. Allie sortit, cria, puis rentra immédiatement.

— Ils arrivent !

Pour la seconde fois, la stupeur marqua les visages. Elles n’eurent pas le temps de s’appesantir sur ce surcroit de malchance. Comme à son habitude, Sara réagit rapidement.

— Combien ?

— Trois.

— Ils t’ont vue ?

— Oui.

— Trois, c’est jouable, estima la princesse. Armez-vous. Restons dans la pénombre. Ils vont chercher à comprendre ce qui se passe. On les laisse avancer et on attaque. Attendez mon tir avant.

Les armes avaient été rassemblées et chacune, sans plus se poser de questions, se munit soit d’une épée, soit d’un poignard. Elles se placèrent de manière à demeurer dans l’ombre dès l’ouverture de la porte.

Peu après, Sara interrogea Allie du regard. D’un haussement d’épaules, sa servante suggéra qu’ils devraient déjà être là.

Soudain, la porte s’ouvrit avec force.

— Qu’est-ce qui se passe ici ? dit une voix. Il fait un noir d’encre.

— Tu parles. Neuf filles pour cinq, il y a de quoi s’occuper.

— Ça m’en a tout l’air.

— Et la fille, elle est où ? Ces idiots ne se rendent compte de r…

Sara avait attendu que le dernier brigand apparaisse pour l’abattre. L’effarement déforma les traits des deux autres. Déjà bien engagés, les prisonnières fondirent sur eux toutes lames devant. Maladroites, elles n’atteignirent que des parties non vitales. Le mouvement des épais vêtements de cuir en fit glisser plus d’une. Deux hommes reculaient en tentant de saisir leur arme. Dépassé, blessé, l’un d’eux s’effondra. De reculade en reculade, le troisième parvint à s’échapper.

— Laissez-le moi !

Sautillant sur une jambe, Sara prit appui contre l’embrasure de la porte. Bien qu’il boitait, l’homme parvenait à maintenir un bon rythme. La princesse lui intima l’ordre d’arrêter. Sans réponse de sa part, la flèche se planta dans son dos.

Elle contempla les environs. La tempête persistait dans ses assauts. Le bruissement des feuilles provoquait un fond sonore permanent. Elle souffla. Elles étaient à nouveau maîtresses d’elles-mêmes.

La fille de roi se retourna. À terre, un blessé avait été achevé. Lucette et Julia avaient les mains rouges de sang.

— Qui veut bien ramener le troisième larron ? S’il vit encore, nous l’interrogerons.

Elles se retournèrent, mécontentes.

— Nous devons partir au plus tôt, lança Julia.

Étrangères à ce royaume avec Cassy, rien ne leur imposait d’obéir à la princesse. Décidée, Sara fit un geste pour s’affirmer. Elles obtempérèrent. Cassy les rejoignit. Elle prit l’homme par les pieds mais les relâcha immédiatement.

— Là !

Lucette et Julia jurèrent. Elles transportèrent le blessé jusqu’au milieu de la pièce.

— Qu’avez-vous vu ? demanda Sara.

— Un homme attend au loin. Au même endroit que tout à l’heure.

Allie se demanda quand la malchance les quitterait. Elle vint se poster à l’entrée.

— On dirait que c’est le même.

— Il est là pour guider les autres. Ça veut dire que d’autres étrangers au premier groupe vont arriver. Il vous a vues ?

— Oui, reconnut Cassy.

— Alors, il faut rester. Il les guiderait immanquablement sur nous.

— On le bute ! clama Lucette.

— Cette fois, ça ne marchera pas. Il court certainement plus vite que nous.

Le blessé geignit, attirant leur attention. Les servantes de Sara, formées aux premiers soins, s’avouèrent démunies face à sa blessure. Sara demanda au souffrant s’il désirait qu’on extraie la flèche, au risque de le tuer. Désespéré, il ne répondit pas.

— Combien êtes-vous ? demanda-t-elle, doucement. Combien êtes-vous encore ? » La seule réaction qu’elle obtint fut un visage déformé par la douleur. « Tes compagnons sont-ils loin d’ici ?

Il la regarda. Tout air supérieur l’avait quitté. Il n’était que souffrance.

— Ils arrivent, finit-il par avouer d’une voix torturée et hachée. » Il geignit. « Je sens… la mort approcher. » Il se reprit. « Ils sont encore… nombreux. Vous ne tiendrez… pas. » Il regarda autour de lui. « Pas plus… pas plus d’une minute.

— Il ment, estima Julia.

Sara se releva. Le brigand n’était plus en état de répondre.

— Non, je le crois.

— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

— Je ne sais pas. Il a dit : ils sont encore nombreux. Il pense mourir bientôt. Cette fois, il est avec nous.

Elle jeta un œil en direction d’Allie, qui surveillait. Aucun danger pour le moment.

— Écoutez toutes, s’il vous plait. On ne peut pas prendre le risque de se faire rattraper. À l’extérieur nous ne serions pas capables de résister à plus de trois ou quatre d’entre eux. Ici, nous le pouvons, nous venons de le prouver.

— Uniquement parce que nous les avons pris par surprise, objecta Lucette.

— Nous pouvons nous barricader et leur tendre un nouveau piège. Nous allons nous préparer à un assaut. On va leur en faire baver, même s’ils arrivent en nombre. Les préparatifs terminés, s’ils ne sont pas encore là et si le relais a disparu, nous partirons. S’ils arrivent entretemps, nous serons prêtes.

Cassy et Allie hochèrent la tête. La princesse en profita pour expliquer son plan.

— Laissons la porte entrouverte, juste assez pour surveiller les alentours. Allumons quelques bougies et rapprochons de la porte tout ce que nous pouvons pour la bloquer.

Sara réagissait trop rapidement pour ses compagnes dont les hauteurs de vue, mêlées à la peur, divergeaient. Plusieurs étaient tétanisées, partagées entre un départ rapide et la préparation à un siège. Elles étaient restées pour la sauver et, cette fois, c’était trop tard. Pour elles, tout risquait de recommencer. Les quelques batailles remportées se retourneraient bientôt inexorablement contre elles.

Heureusement, Cassy et Allie ne s’en laissèrent pas conter, elles répondirent immédiatement. Alors qu’Alina surveillait les alentours, les autres se mirent rapidement à l’ouvrage. Julia et Lucette continrent leur déception. Cassy, Allie et Emma transportèrent le blessé dans la petite pièce afin de faire place aux meubles.

Pendant que le mobilier entamait sa migration en direction de l’entrée, la princesse réfléchissait.

— Pour le moment, on peut se contenter de leur servir le même plat que tout à l’heure. Rappelons-nous qu’ils n’ont aucune idée de ce qui a bien pu se passer ici. Ils nous imaginent mortes de peur. Ils devraient foncer tête baissée, sans trop de précautions. Réunissez tout ce qui peut se transformer en projectile ou en arme : poteries, boîtes, bâtons, bibelots, vaisselles et couverts. Tout !

Pendant qu’elle parlait, comme si le destin s’acharnait sur elles, soudain, des cris fusèrent de la petite salle. Tous sens en éveil, Sara se précipita à cloche-pied, un poignard à la main. José maintenait solidement la cheville d’Allie et tentait de la faire choir. Tous genoux devant, la princesse se laissa tomber sur lui pour appliquer son arme contre sa gorge. Il hurla et lâcha prise.

— Il n’est pas mort ? s’étonna-t-elle.

— On le croyait, répondit Cassy.

Un attroupement se forma autour de José. Allie expliqua :

— Le blessé est mort pendant que nous le transportions. Nous nous apprêtions à le poser contre celui-ci quand il s’est mis à gémir. » Sa main passa des lèvres à la poitrine. « Quelle frayeur !

À la surprise de toutes, José était toujours vivant. Que faire de lui maintenant ?

— Attachez-le et placez-le dans la grand-pièce, décida la princesse. On l’interrogera. En attendant, transformons cette cabane en forteresse.

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