Intérieur nuit
Intérieur nuit. Un couple.
— Tu as chaud ?
— Non, ça va.
Il augmente le chauffage et retourne à son ordinateur. Dix minutes passent. Il lui demande :
— Ça va mieux ? Tu as chaud maintenant ?
— Ça va ! Mais je n’avais pas froid.
— Pourquoi tu m’as dit que tu avais froid alors ? J’ai mis plus fort. Exprès pour toi, maintenant j’ai trop chaud.
— J’ai jamais dit que j’avais froid.
— Ça c’est la meilleure. Tu veux me faire passer pour un fou, c’est ça ? Tu as froid, je mets le chauffage plus fort. Puis tu prétends que tu n’as jamais dit que tu avais froid. Ou c’est juste pour me faire chier ? Tu peux pas t’empêcher d’être chiante. Alors que moi je veille sur toi. Tu as décidé de me rendre fou, hein, c’est ça, oui, c’est ça. Tu veux m’énerver. Tu veux me rendre dingue ? Tu veux que je m’emporte. Ainsi c’est moi qui passe pour le mauvais, c’est moi le méchant. Et puis tu pourras aller te plaindre. Tu iras faire ta petite malheureuse auprès de tes collègues et de tes amis. Ah mais non, tu n’as plus d’amis. Ils ont compris eux, ils sont partis à temps, comme j’aurais dû le faire. Mais moi je suis honnête, moi je suis gentil, moi je pense à toi. Je sais que si je te laisse, tu seras dans la merde. T’as sûrement pas envie de retourner dans ta merde ? Si ? Tu te souviens d’où je t’ai tirée ? De ce que tu étais avant que je te sorte de là ? Tu n’étais pas dans la merde, tu étais une merde. Tu penses à ce que tu serais aujourd’hui si je t’avais laissée dans ton trou ? Tu serais une pute comme ta mère. Une pute à deux balles. Une pute à alcoolo comme ton père? Ton boulot, tu l'as grâce à moi. Ah oui, t’as pris des cours mais si j’avais pas été là, t’aurais été te présenter habillée comment ? T’avais rien quand je t’ai sortie de ta famille. Tu me dois tout et tu vois comment tu me remercies. Mais je vais pas en rester là, je vais reprendre ce qui m’appartient. De toutes façons, y a rien à toi ici. C’est moi qui ai tout acheté. C’est pas avec ton salaire de misère qu’on aurait pu avoir quelque chose. Si tu pars, tu pars sans rien. Tu m’entends ? Tout reste ici. Toi tu peux dégager, j’en n’ai rien à foutre. Y a assez longtemps que je vois ta sale gueule, ton sourire à l’envers. Tout le monde le dit que tu souris jamais, que t’as jamais l’air heureuse. Mais toi, tu penses pas aux autres qui doivent supporter ta tronche. T’en n’a rien à faire, tu penses qu’à ton petit cul. Enfin petit, vu comme tu bouffes depuis que j’te connais, t’auras bientôt du mal à passer les portes. T’empiffrer tu sais faire mais penser à moi, ça non, hein ? Comment tu veux que je bande devant un cul comme le tien ? Qui pourrait avoir envie de toi ? Pourquoi tu crois que je dois aller voir ailleurs ? Tu penses que ça me fait plaisir ? Que ça m’amuse de devoir sortir de chez moi pour avoir un peu d’amour? Parce que toi l’amour, tu donnes pas. Tout pour tes collègues, là tu fais la petite gentille, tu lèches les culs, tu suces des queues… mais avec moi, que dalle ! Pourquoi tu crois que je reste tard au boulot ou que je sors avec mes potes ? Pour avoir un peu de chaleur humaine. Avec eux je me sens exister. Ici je suis mort. T’as transformé ma maison en tombeau. Depuis que je suis avec toi, je dépéris. Je me demande si t’es pas en train de m’empoisonner. Je devrais me méfier quand je mange. Mais si je dois me faire à bouffer, tu feras quoi dans cette baraque ? Déjà que le ménage c’est pas ton fort, le repassage, c’est quand t’as envie. Tu fous quoi de tes soirées quand je suis pas à la maison ? Rien. Tu te vautres dans mon divan. Tu regardes ma télé. Si ça tombe, tu fais venir des mecs ici, salope. Je te préviens, si je trouve quelqu’un ici, je le tue et toi avec. De toutes façons, je ferai pas de prison : crime passionnel. Quand les jurés verront ce que tu m’as fait subir, ils m’acquitteront. J’aurai peut-être même une médaille. Tu dis rien ? Ah j’ai mis dans le mille. T’as quelqu’un. Je sais pas comment t’as fait mais il doit pas être fort malin le gars. Mais tu crois quoi ? Il t’aime pas. Il peut pas t’aimer. Il est là que pour baiser à l’œil. Il va pas te défendre, il va pas risquer sa petite gueule pour toi. Quoi ? Il te défendrait ? Mais qu’est-ce que t’as bien pu lui raconter sur mon compte ? Encore un qui va se faire avoir. Enfin, s’il est assez con, tant pis pour lui. C’est qui ? Je le connais ? Tu dis rien ? Oui je le connais alors… Allez dis-moi son nom que je le prévienne de ce qui l’attend. Tu veux pas ? Tu l’aimes oui ou non ? Non ! Tu l’aimes même pas. T’es vraiment une merde, t’as pas changé en fait. Tu prends des airs mais t’as pas changé. T’as pas envie d’arrêter tes conneries, t’as pas envie de laisser les gens tranquilles. T’as pas envie de nous foutre la paix à tous, de disparaître, une bonne fois pour toutes ? T’as jamais pensé au suicide ?
Il sort de la pièce. Revient. Sort un mouchoir de sa poche. S’en sert pour essuyer une balle. La pose sur la table.
— Regarde, elle brille comme un bijou. Je ne t’en n’ai jamais offert. C’est l’occasion. Elle t’ira bien.
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