Prisonnier
Quand un rideau de pluie coule sur la vitre,
Barreaux translucides en sous-titres
D’une peine de vie née de son mal,
C’est avec douleur qu’il retient ses larmes.
Les corridors sombres de sa mémoire
Égrainent des souvenirs, un reste d’histoire
Encré sur les pages jaunies d’un vieux journal.
Et le silence qui soudain retombe, le désarme.
Ni le temps ni la guerre n’a eu de prise sur lui,
Il errait à sa guise comme un adolescent rebelle.
À présent, ses démons veillent en sentinelles,
Le retenant captif de sa propre folie.
Il voudrait parfois hurler
À ce monstre qui l’a coffré
Qu’il se battait pour la paix,
Mais déjà il a oublié !
Alors, aux premières lueurs de ce passé qui s’égare,
Il respire à pleins poumons l’odeur âcre du cigare,
Celui que soufflait son grand-père avant lui,
Empreinte familière qui embrume son esprit.
Et le voilà qui plonge dans un ciel sans nuages
Où les oiseaux volent bien au-delà de leur âge,
Fugitifs bravant les assauts de la pluie et du vent
Pour atteindre un petit bout de firmament.
Un sourire fugace alors se dessine
À l’ombre de ses lèvres mutines.
Il se revoit courir au milieu des blés,
Et embrasser sa belle sur le nez.
Alors il sait qu’il n’est plus prisonnier
Du mal qui grignote ses pensées ,
Que derrière chaque porte, chaque verrou,
Subsiste le pouvoir le plus doux,
Celui de rêver sans faire de bruit.
Celui d’aimer malgré la pluie.

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