Nostalgie.

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Max prenait de grandes respirations pour tenter de calmer son coeur battant la chamade. Sentant la panique et l'excitation former un mauvais mélange dans tout son corps et nuisant à sa concentration, il s'était garé sur le bord de la route, à l'entrée de sa ville natale.

Il ne comprenait pas pourquoi il se sentait si paniqué à l'idée de retourner dans la ville où il avait grandi, puis quitté, vingt années auparavant pour son travail. Il savait que plus personne de son enfance et adolescence n'habitait cette petite campagne, mais il espérait peut-être par une coïncidence retrouver d'anciens amis sur les places qu'ils avaient fréquentées, durant les années de lycée.

— Allez Max, calme-toi, il n'y a aucune raison de paniquer, c'est toujours chez toi.

Après une dizaine de minutes à se parler et à respirer grandement, il redémarra la voiture avant de se remettre sur la route et d'officiellement entrer dans son ancienne petite ville.

Ce qu'il y vit à l'instant même où il empreinta ses anciens passages, lui cloua le bec. Plus rien n'était comme avant, c'était comme s'il se trouvait dans un autre univers, plus coloré, totalement à l'opposé de ce qu'il avait connu.

Le vieux port d'antan, si riche en amour, en bienveillance et en dynamisme, si joyeux malgré l'apparence défraîchie et rouillée, avec les enfants qui couraient dans tous les sens, heureux de jouer avec leurs amis; plus rien ne semblait montrer l'existence de cette période où les gens s'entraidaient et se contentaient de peu. Cette ancienne et si belle image dans sa tête, laissa place à ce port sous ses yeux, qui empestait la richesse, les excès en tous genres et le snobisme. Les gros bateaux brillants et étalant le luxe, les bars et restaurants branchés, hors de prix et les boutiques de vêtements de créateurs ainsi que la foule insupportable qui grouillait sur les pavés, ne laissaient aucun doute sur les valeurs perdues et le changement de société qui entouraient maintenant le monde humain.

Max soupira d'exaspération, le luxe ne faisait pas partie de son mode de vie. Il marcha dans la ville, à la recherche des endroits où il avait passé les meilleurs moments de sa vie et fut pris de nostalgie en voyant qu'une fois encore, tout avait changé. Les vieux trains qui symbolisaient l'histoire de sa petite ville, ne servaient dorénavant plus qu'aux adolescents qui y laissaient des graffitis, plus ou moins artistiques, les rails semblaient servir de jeu pour les jeunes et la nature qui entourait la petite gare était brûlée par le soleil et souillée par les déchets.

Il ne put s'empêcher de verser une larme en voyant que même le parc dans lequel il avait déclaré sa flamme à son premier amour et passé tant de bons moments avec ses amis, avait été détruit, pour la création d'un hôtel.

Ce qui l'acheva fut de voir que la maison et le quartier où il avait passé tant de temps, où il avait vécu de mauvais comme de bons souvenirs avait été transformé en un quartier privé, très certainement pour de riches personnes. Il n'avait même pas la possibilité d'entrer et d'avancer jusqu'à son ancienne demeure, tant tout était sécurisé, et il avait l'impression que sa vie s'effaçait au fur et à mesure qu'il découvrait tous les changements accomplis en vingt années. Comment une si petite ville, assimilée à une campagne, avait pu être prise d'assaut par les riches ?

Mais à quoi pensait-il en revenant dans son ancienne ville ? Pensait-il vraiment, naïvement, que rien n'aurait bougé après tant d'années passées ? Sa ville aurait pu inspirer un décor de film d'horreur, si l'ambiance n'y avait pas été agréable et chaleureuse, cela paraissait évident que se faufilât peu à peu de la nouveauté, et de la modernité.

Max regrettait de ne pas être venu plus tôt, le choc aurait été moins brutal, s'il avait fait l'effort de venir quelques fois durant ses temps libres. Il n'avait même pas eu le courage de se déplacer pour faire ses derniers adieux à ses parents, ni même pour leur enterrement, et il se sentait comme un imposteur dans ces lieux, un fils ingrat dans cette ville.

Il se décida d'aller faire un tour au cimetière, pour y voir la tombe de ses parents, avant de partir. Il s'exclama de surprise en voyant à quel point cet endroit était devenu agréable à voir et apaisant. Des fleurs colorées et magnifiques, de la verdure harmonisaient tout le cimetière, les tombes étaient tellement propres et soignées que ça lui donna le tournis. Seule l'église adjacente au cimetière était restée telle quelle ; elle avait juste l'air un peu plus propre, mais elle n'avait pas changé et bizarrement, ça le rassura.

Il se posa au pied de la tombe de ses parents et réfléchit à tout ce chamboulement. Il avait la nostalgie de la gaieté ressentie et vécue dans l'ancienne ville et ça le perturbait de voir que tout avait changé, mais il eut du baume au coeur de voir que le cimetière avait été respecté, et embelli à un tel point que le lieu en était reposant. Il sourit à la pensée que toutes les personnes présentes devaient reposer en paix et en harmonie dans ce magnifique lieu.

C'était un peu un paradoxe pour Max. Avant, sa ville paraissait morte en apparence ou bien fatiguée mais l'ambiance qui y régnait la faisait vivre et rajeunir. À ce jour, la ville était pimpante, respirait la modernité et le luxe mais l'ambiance ressentie se faisait lourde et quelque peu désagréable pour le quadragénaire. Hormis le cimetière, qui auparavant était triste, autant d'apparence que dans le ressenti et qui était devenu si beau qu'il inspirait enfin la quiétude et le respect que les défunts méritaient.

Max embrassa la tombe de ses parents, en s'excusant de ne pas avoir eu la force d'être là pour eux avant la fin de leur vie. Puis, il refit le chemin inverse pour rejoindre sa voiture, dans laquelle il s'écroula en pleurs.

Cette visite lui avait fait prendre conscience de tout ce qu'il avait loupé dans sa vie, bien trop occupé à se noyer dans le travail, pour fuir ses problèmes, et ce fut comme une punition de revenir à la réalité. Il devait lever le pied sur le travail, et penser un peu plus à profiter de sa vie, de son entourage avant de finir dans le néant le plus total, et de gâcher le temps qu'il lui restait à vivre.

Il prit quelques minutes pour se calmer et reprendre ses esprits avant de démarrer la voiture, quittant peu à peu cet endroit méconnaissable, qui lui avait malgré tout, fait prendre conscience qu'il devait penser à lui, au moins une fois dans sa vie.

Il roula vers son avenir, prêt à vivre, enfin.

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