La vie au bout des lèvres
Dehors tout est sombre. Les étoiles et la lune se sont enfuies briller ailleurs. C’est la grande nocturne étouffée qui se répand, aveugle, gonflée de touffeur. Sous l’effet de la chaleur, je m’enfonce dans le lit, imbibant les draps de la moiteur de mon corps en surchauffe, en ébullition.
La sueur me traverse le front, humidifie ma nuque, des gouttes descendent le long de mon dos. Des insectes, orphelins de lumière, errent en quête d’un astre autour duquel poursuivre leur folle farandole.
La nuit s’est disloquée dans ma tête, mon esprit est désarticulé. A l' intérieur je me sens comme un pantin incandescent ..
Un souffle de vent a forcé la fenêtre — immense, béante, comme si le dehors s’arrachait au dedans. Les rideaux se détachaient de leur tringle, ondulaient, se tordaient, accrochés aux voix mortes qui s’agrippent encore à nous, traînant dans leurs plis les mémoires gémissantes, poids encombrants du passé.
Dans cette pièce gazeuse où l’ombre s’épaississait dans un éther d’ébène, une bouche apparut. Vaste, ourlée de velours rose et d’épines. De ses bords jaillissaient mille autres petites bouches, voraces, aspirantes, dévoreuses : l’appétit des épouvantes, menaçant au bout de mon regard humide. Elles se nourrissaient de nos secrets, de nos peurs, de nos faiblesses, jusqu’à m’arracher le souffle — et le tissu fragile qui préserve encore les âmes.
Alors je me suis levé, dans un drôle d’état, comme une masse liquide avant évaporation, avant dissolution et absorption dans les ténèbres — ne laissant derrière moi qu’une trace de soufre sur les draps.
J’ai titubé à l’aveugle, à tâtons, dans un espace qui se rétractait, ramollissant les murs et les morts. J’ai porté mes mains gouttelantes à ma bouche… et j’ai bu une grande gorgée de ton nom.
Alors, l’odeur de ta peau a coulé dans mes veines, gonflé mon désir comme une voile. Je me suis enfui, ivre, sur la mer — au bout de laquelle ton sexe se dressait, comme une écume de lys embrassant un nouveau monde....
Un nouveau monde et un nouveau ciel dans lequel une lune sèche et des étoiles impatientes se languissaient , elles aussi, de boire une gorgée de ton nom.....une gorgée de ton nom...
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