Scène 8-9

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Scène 8

Poursuivant leur progression vers le sud-est de la ville, Caevanne faisait bien attention de ne pas trop s'éloigner de Thilas. La foule était si dense qu'il n'aurait pas fallu grand chose pour le perdre de vue.
La jeune elfe observait Albar avec intérêt. Dans le village où elle avait grandi, il n’y avait que de petites habitations. Autour d'elle, les maisons à colombage étaient construites sur deux ou trois étages. Le torchis des murs, à l’origine beige, se trouvait noirci d’une fine couche de suie accumulée au fil du temps. Sur ces façades, Caevanne remarqua de nombreuses enseignes qui indiquaient les différents magasins de la rue. La possibilité de trouver ses repères de cette façon dans cette immense ville la rassura.
L’expression d’émerveillement qu'elle arborait n’échappa pas à son guide qui guettait silencieusement chacune de ses réactions.

— Quand on est dans cet endroit où tout semble aller pour le mieux, je comprends pourquoi certains problèmes ne sont plus évoqués et certaines personnes oubliées.

Devant l’air interrogateur de Caevanne, il expliqua :

— Dans la ville basse, après le pont, la situation est critique et personne à la citadelle ne fait rien pour arranger les choses.

La ville basse ? La citadelle ? Caevanne ne voyait pas de quoi il parlait. Il remarqua son incompréhension et la mit sur la voie.

— La ville basse, c’est la vieille ville, c’est là que se trouve le marché où l’on va. Ici, c’est comme ça que tout le monde appelle ce quartier.

Il reprit.

— Je pense que c’est une bonne chose que le marché soit resté là-bas. C’est le seul endroit où la citadelle et ses gardes ne contrôlent pas tout. Le lien qu’ils ont actuellement avec Glen, le Baron de la ville, est de plus en plus faible et distant.

Les gens se retournaient sur leur passage en les entendant parler elfique. Thilas baissa encore le ton de sa voix avant de poursuivre.

— Tu sais, je crois par exemple que pour ton arrivée et celle des autres elfes, personne n’a été mis au courant. La citadelle agit de plus en plus discrètement ces temps-ci.

Caevanne ne comprenait toujours pas exactement ce que représentait "la citadelle". Thilas n’avait de toute évidence pas l’air de l'apprécier.

— Il y a quelque chose que je ne comprends pas, reprit-t-elle finalement.

Elle faisait attention à ne pas paraître trop curieuse. Caevanne avait appris, suite aux révélations qu’il lui avait fait la veille quant à ses origines, qu’il fallait qu’elle soit prudente lorsqu’elle le questionnait, pour ne pas tomber sans le savoir sur un sujet à éviter.

— Qu’est ce que c’est exactement la citadelle ?

— On la verra au retour, je t’en parlerai à ce moment-là.

Elle n’insista pas et contempla la ville qui s’étendait en contrebas. Loin devant eux, au-delà du fleuve, elle aperçut une tour qui dominait la vieille ville. Son guide lui expliqua que c’était la tour de Glen, surnomée la Tour de fer pour son armature en acier très particulière. C'était à cet endroit que siégeaient le baron et les autres personnalités importantes de la vieille ville.

Scène 9

La grande rue continuait de descendre en pente douce quand, enfin, Caevanne distingua devant eux les premiers étalages du marché. S’arrêtant à une des échoppes, la jeune elfe observa de petites cages dans lesquelles étaient enfermés des oiseaux exotiques aux couleurs et aux pépiements les plus étranges. L’un était bleu turquoise avec un bec arqué, un autre avait de longues plumes violettes et la fixait de ces yeux verts. Celui qu’elle préférait, était tout petit, de la taille d’un poing, il avait un plumage orange, une forme rondouillarde et poussait un petit cri joyeux. Attendrie, Caevanne ne put s’empêcher de sourire, elle le trouvait vraiment adorable.

— C’est un Rondoglun à col nacré, l'informa Thilas. Pour les superstitieux cet oiseau porte chance, ils sont très difficiles à capturer.

Le marchand de l'étalage d'à côté vendait de curieux tissus d’un vert sombre qu’il disait ininflammable. Le drôle de personnage, avec un air malicieux et de grands gestes théâtraux, usait de toute son adresse pour captiver l’attention des passants.
Peu après, Caevanne put admirer la muraille qui délimitait le sud de la ville ainsi que la grande porte donnant sur les champs en contrebas dans la vallée.

Une fois sur l'autre rive, les marchandises exotiques se firent de plus en plus rares et Caevanne retrouva peu à peu le petit marché de son village. Elle reconnaissait autour d’elle tous ces articles et victuailles essentielles à ses yeux : de la farine, du pain et du poisson en abondance. Il y avait également de la viande de porc et Caevanne remarqua - dissimulé entre deux étalages - un cordonnier qui présentait une grande variétés d’étoffes teintées, de vêtements en laine ainsi que différentes peaux de bêtes. Thilas s'approcha du boulanger et demanda quelques miches de pain. Piochant dans l'étalage, l'homme dévisagea un court instant la jeune elfe, ses longues oreilles, sa peau d’albâtre et reporta finalement son attention sur les pièces qu'on lui tendait. Caevanne constata que la même scène se répétait presque à chaque fois qu’ils s’arrêtaient.

— Il nous faut aussi de la viande de volaille, se rappela Thilas. On en trouve dans la rue suivante.

Lorsque le boucher la vit, la jeune elfe nota avec irritation qu’il manifestait à son égard ce même regard plein de curiosité, accompagné cette fois-là d'un sourire narquois. Il apostropha son accompagnateur dans la langue locale en la désignant de l'index.
La jeune elfe reporta machinalement son attention sur la viande disposée à même l'étalage. Elle sentit sa gorge se serrer. Thilas lui prit le bras et l'entraina un peu plus loin.

— Ne fais pas attention à lui, il n'en vaut pas la peine, lâcha-t-il, consterné.

Elle ne comprenait décidément pas la réaction de ces humains. N’avaient-ils vraiment jamais vu d’elfes ? Plus loin encore, elle remarqua de nouveau des regards portés sur elle et ses oreilles, si différentes des leurs. Thilas parut remarquer son agacement.

— Le dernier contact que les hommes ont eu avec les elfes remonte à la première invasion, il y a une quinzaine d'année. Aujourd’hui, votre arrivée sur le continent inquiète. Les gens ont compris que quelque part dans le monde, il y a de nouveau la guerre. Jusqu’à présent, personne ne croyait vraiment les rumeurs concernant des attaques sur certaines régions de l’ouest.

Ce que disait Thilas n'était pas très rassurant mais tout deux repartaient déjà, empruntant une ruelle moins fréquentée. Comme il le lui avait proposé, ils remontèrent vers le port.

En traversant ces étroites ruelles, Caevanne se remémora le parcours fait la veille en compagnie des gardes. L’espace d’un instant, un frissonnement la traversa. L’inquiétante apparition qu’elle avait surprit dans une allée semblable à celle-ci venait de ressurgir dans son esprit. Plus elle y repensait, moins cette sombre silhouette lui semblait réelle. Admettant que la fatigue du voyage lui avait joué un tour, elle décida de ne pas en faire part à Thilas.

Ils arrivèrent sur les quais, face à la mer qui s'étendait jusqu'à l'embouchure de la baie. La jeune elfe retrouva l'odeur du sel et le vent marin qui lui caressa le visage. Elle était fascinée par les grands navires amarés là dont elle n'avait pu qu'aperçevoir les formes la veille. La hauteur des mâts était vertigineuse, comparable à celle des grands arbres de la forêt qui entourait son village. Thilas s’arrêta.

— Regarde. On peut la voir d'ici.

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