Chapitre 9 : Aïna la rebelle, Partie 2

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Aussitôt passé à travers la membrane magique qui empêchait les mines d’êtres submergées par l’océan, je me suis transformé en essaim de chauve-souris pour atterrir au sol, plus de cent mètres plus bas.

Décrire ce lieu chaotique, débordant d’activité et dont le vacarme était si assourdissant qu’il fallait constamment crier pour se faire entendre, était pour le moins difficile. Je m’y étais rendu plusieurs fois (surtout dans ma jeunesse, car l’endroit avait alors quelques charmes pour l’adolescent turbulent que j’étais), mais jamais je n’avais pu en explorer la totalité. Cette « caverne », si on pouvait l’appeler ainsi, était une immense ligne droite qui atteignait jusqu’à trois cents mètres de profondeur à son point le plus bas, et qui épousait la longueur de la faille sur des kilomètres entiers. Les deux façades de sa paroi, bardées d’échafaudages compliqués remontant parfois jusqu’au plafond de la caverne, étaient percées de centaines de galeries différentes, lesquelles au bout d’un moment finissaient irrémédiablement par se séparer en deux, trois ou encore plus d’embranchements… selon la qualité et la quantité du filon exploité.

La ligne principale était l’endroit où les wagons qui traversaient les galeries déchargeaient leurs chargements, lesquels étaient ensuite prestement embarqués dans les vaisseaux de livraison. Ces derniers amèneraient enfin les cristaux aux usines de raffinements où ils seraient triés et traités. C’était aussi de la ligne principale que partaient chacune des galeries, ainsi que les équipes de mineurs après avoir pris leurs ordres auprès du contremaître. En conséquence, il y avait toujours une activité débordante, et des centaines d’esclaves partout où le regard pouvait se porter.

Pourtant, mon arrivée au milieu de ce chantier chaotique ne passa pas inaperçue. A peine avais-je atterri que les esclaves les plus proches se jetèrent aussitôt au sol pour se prosterner, les fers de leurs poignets et de leurs chevilles cliquetant tandis qu’ils tombaient à genoux devant moi.

Apercevant un esclave un peu plus habillé que les autres et avec un fouet à la ceinture (ce qui normalement indiquait un statut plus élevé), je l’ai désigné du doigt.

  • Toi ! Où est le contremaître ? lui ai-je lancé d’un ton impérieux.
  • Il est… On l'a fait appeler dans le secteur de la galerie qui s’est effondrée hier, Monseigneur, répondit-il d’un ton apeuré. Une dame est arrivée ici quelques heures plus tôt, et apparemment elle voulait déblayer les décombres pour sauver les vampires enterrés en dessous. Le contremaître était censé la raisonner, parce que la voûte là-bas est encore fragile et risque de s’effondrer, mais…

« Mais cette fichue fée n’en a fait qu’à sa tête ! » ai-je grommelé intérieurement avec irritation en levant la main pour imposer le silence à l’esclave.

  • Dis à l’un des vaisseaux de livraison de rester à quai, lui ai-je ordonné en passant près de lui. Dès que je reviens, il mettra le cap sur Abyssombre.
  • Bien, Monseigneur, répondit-il aussitôt en se prosternant encore plus bas.

Je me suis alors retransformé en essaim de chauve-souris pour traverser plus facilement la mine, jusqu’à la galerie d’où semblait provenir le signal d’Aïna. L’entrée avait été barricadée avec des planches de bois, mais certaines avaient été retirées pour en rouvrir le passage. Je me suis même aperçu que des mineurs étaient en train de sortir des wagons entiers… de gravats !

Reprenant aussitôt forme humaine, j’ai abordé avec colère les esclaves en haillons :

  • Qu’est-ce que vous faites ?

Ces derniers, terrifiés, se jetèrent immédiatement au sol en tremblant, mais personne n’eut le courage de me répondre.

  • Dois-je vous arracher la langue un par un pour obtenir une réponse ? ai-je grondé d’un ton menaçant.
  • C’est la dame, Monseigneur ! répondit soudain une esclave avec une longue cicatrice sur sa joue gauche. Elle nous a demandé de débarrasser les décombres à mesure qu’elle les retirait. Nous n’avons pas osé lui désobéir…

Je l’ai regardé un instant, interdit. Voulait-elle dire que c’était ma femme qui avait creusé les décombres ? Comme une vulgaire esclave ?

Laissant là les esclaves apeurés, je me suis à nouveau transformé en essaim de chauve-souris pour foncer à travers la galerie sous-marine. Je n’avais plus besoin du signal que me renvoyait mon alliance, car je ressentais désormais d’instinct la présence plus si lointaine d’Aïna droit devant moi.

En me rapprochant petit à petit, j’ai alors commencé à entendre un son ténu qui s’amplifiait au loin… une sorte de célébration, chantée en boucle par des centaines de personnes en même temps.

« Aïna ! Aïna ! Aïna ! »

Confus, j’ai failli perdre le contrôle des dizaines de chauve-souris qui composaient mon corps sous sa forme éthérée. Est-ce que les esclaves… étaient vraiment en train de chanter en boucle le nom de mon épouse ? Pourquoi diable l’acclamaient-ils ainsi ?!

Craignant le pire pour ma dignité si cette nouvelle frasque de mon épouse venait à s’ébruiter parmi la noblesse nosferatu, j’ai redoublé d’allure pour remonter toute la galerie, jusqu’à déboucher dans une grande caverne circulaire d’où partaient plusieurs couloirs différents.

Un rapide coup d’œil me permit de remarquer qu’une partie de la voûte ainsi que la moitié de ces tunnels s’étaient effondrés il y a peu. D’immenses fissures zébraient encore les parois de la caverne, signe que la grotte était toujours instable… Cependant j’ai noté la plupart des débris avaient été dégagés en tas sur le côté, de façon à déterrer les couloirs miniers auparavant complètement ensevelis sous les gravats. J’ai ensuite remarqué que la caverne était remplie d’esclaves, armés de pioches et de pelles, debout sur les tas de gravats et les wagons de chargement… ou encore allongés contre les parois de la caverne, couverts de sang. Ils acclamaient tous quelqu’un, perché sur un promontoire rocheux qui dominait le reste de la caverne d’au moins sept mètres.

Il s’agissait bien sûr de mon épouse, vêtue d’une courte robe dorée et déchirée dont elle avait manifestement arraché le bord pour s’attacher les cheveux avec, dévoilant ainsi ses jambes comme la plus basse des servilis. Couverte de poussière et de sang, elle acceptait avec un sourire embarrassé l’hommage que lui rendait l’assemblée d’esclaves réunis devant elle.

  • AÏNA ! AÏNA ! AÏNA !

Je l’ai observé un instant en me tenant dans l’ombre du tunnel d’où je sortais, blanc de fureur. Mais c’est vraiment lorsque j’ai remarqué qu’elle était à nouveau pieds nus que ma colère a explosé.

En un clin d’œil, je m’étais transformé à nouveau en nuée de chauve-souris pour traverser la caverne et réapparaître sur le promontoire rocheux, juste derrière mon épouse. Les acclamations des esclaves s’éteignirent aussitôt, tandis que certains me jetaient des regards terrifiés. Mais c’est à peine si je les remarquais. Mon attention était entièrement tournée vers la nuque d’Aïna, laquelle frémit avant de se tourner lentement vers moi, comme si elle venait de percevoir ma présence.

Peur, incrédulité, et désespoir se succédèrent dans son regard quand elle croisa le mien. Je pouvais même entendre les battements de son cœur s’accélérer sous l’effet de l’émotion… Apeurée, elle recula d’un pas, mais son pied bascula dans le vide. Je l’ai rattrapé avant qu’elle ne tombe.

  • Oh non… ai-je susurré d’une voix blanche de colère en la ramenant doucement vers moi. Je ne vous laisserai pas échapper à ma fureur aussi facilement…
  • Je n’ai rien à me reprocher ! rétorqua bravement la fée en se dégageant d’un geste brusque. J’ai sauvé des vies !
  • En mettant la vôtre en danger ? En vous comportant avec l’élégance d’une moins-que-rien ? En me DÉSOBÉISSANT ?!
  • Je ne suis pas l’une de vos esclaves ! Et je décide quoi faire de ma vie !

Je lui ai attrapé le poignet avec fermeté pour l’empêcher de s’échapper à nouveau.

  • Vous vous oubliez ! ai-je sifflé. Votre vie appartient à…

CRAC !

Je me suis interrompu en levant les yeux vers la voûte de la caverne, l’oreille tendue. Le craquement que je venais d’entendre me semblait assourdissant, et pourtant aucun des esclaves n’avaient réagi… pas plus que mon épouse qui profita de mon silence pour rétorquer d’un ton indigné :

  • MA vie m’appartient… à moi et à moi seule ! Vous n’avez pas à me dire…

J’ai cessé d’entendre le reste de sa tirade incohérente pour me concentrer sur les craquements provenant de la voûte qui se multipliaient de plus en plus. Il me semblait que les fissures dans la paroi étaient en train de s’étendre lentement, laissant même tomber quelques filets de poussière. Je me suis alors rappelé ce que l’esclave que j’avais interrogé avait dit, sur le fait que cette galerie était encore instable après l’effondrement. Sans doute que dans ses efforts inconscients pour sauver des vies, ma très naïve épouse avait mis en péril l’équilibre précaire que cette partie de la caverne avait réussi à trouver… et à présent elle menaçait de s’effondrer à nouveau.

  • … Et certainement pas quelqu'un qui se permet de m’ignorer, en plus !
  • Nous devons partir, ai-je lâché en sentant des vibrations de plus en plus fortes émaner du sol.
  • Quoi ? s’étonna Aïna, stupéfaite.
  • La caverne. Elle…

CRAAAAAAAAAAC !

Une pierre s’échappa brusquement du plafond en chutant droit vers la tête d’Aïna, qui eut à peine le temps de lever les yeux… pour voir ma main s’étendre immédiatement au-dessus d’elle et attrapper en un clin d’œil le projectile avant qu’il ne lui fracasse le crâne. Le sol se mit à trembler violemment.

Une seconde plus tard, c’est toute la voûte qui s’écroula morceaux par morceaux sous les cris terrifiés des esclaves en-dessous, lesquels cherchèrent vainement à s’échapper au déluge au-dessus de nos têtes qui menaçait de tous nous ensevelir.

Avec un grondement irrité, j’ai ramené avec autorité Aïna contre ma poitrine pour la protéger des débris, puis j’ai fait jaillir de mon avant-bras une dizaine de ronces métalliques noires qui fusèrent se planter dans la paroi de la caverne. Elles se multiplièrent aussitôt pour s’étendre telle des racines envahissantes le long de la voûte et s’y accrocher avec vigueur, constituant un immense filet végétal tenant en place les rochers et autres stalactites que la gravité attirait désespérément sur nos têtes.

Mais mes ronces ne progressaient pas assez vite pour consolider toutes les fissures qui apparaissaient… et des morceaux de rocs se mirent tout de même à pleuvoir dans la caverne parmi les esclaves qui tentaient tant bien que mal de survivre à la catastrophe. En plus, certaines de mes ronces ne s’étaient pas implantées suffisamment loin dans la voûte pour tenir ; elles commençaient déjà à décrocher, menaçant tout le filet de sécurité que j’étais en train de créer. Serrant les dents, j’ai compris que j’allais devoir accélérer le mouvement.

Des dizaines de ronces noires supplémentaires jaillirent alors de mon dos (transperçant au passage mon coûteux manteau) pour forer à leur tour la voûte branlante, consolidant mon filet de sécurité et comblant les fissures. En l’espace d’une minute, c’est toute la paroi qui se retrouva ainsi recouverte d’un dôme fait entièrement de mes ronces métalliques, maintenant de force la caverne en place. Au bout d’un moment, les craquements et le tremblement semblèrent s’atténuer… puis enfin disparaître.

La catastrophe avait été évitée de peu…

Les esclaves, ébahis, se redressèrent pour m’envisager avec un mélange de terreur et de reconnaissance. Même ma femme, qui se dégagea doucement de moi, m’observait avec étonnement et une lueur dans les yeux que je n’arrivais pas à identifier… de l’admiration ?

J’ai baissé le regard, un peu gêné. Je me suis alors aperçu qu’elle tremblait. Enlevant mon manteau déchiré, je l’ai drapé avec pour la recouvrir. Manifestement trop stupéfaite pour réagir à mon geste, Aïna se figea.

  • Monseigneur !

Je me suis retourné pour voir s’approcher le contremaître de la mine, entouré d’une dizaine d’esclaves. Il tombait bien, lui… J’étais sur le point d’ouvrir la bouche, quand celui-ci me devança :

  • Vous nous avez sauvés ! Gloire au Seigneur Forlwey ! me remercia-t-il en se jetant à mes pieds.

Ces camarades suivirent aussitôt son exemple. Je les ai regardé me vénérer ainsi, stupéfait par la reconnaissance que je lisais dans leurs yeux, bien loin de la terreur que j’inspirais habituellement. A vrai dire, je m’apprêtais à ordonner au contremaître de distribuer cinquante coups de fouet pour tous ceux qui avaient aidé Aïna dans sa folie… mais curieusement je me suis soudain senti d’humeur généreuse.

  • Remets-les au travail, ai-je donc lancé d’un ton impérieux en me tournant vers mon épouse pour observer son état d’un oeil critique.
  • Je préfère marcher, m’avertit-elle, comme si elle avait deviné ce que j’avais l’intention de faire.
  • Je ne vous demande pas votre avis, lui ai-je dis en la faisant à nouveau tomber dans mes bras.

Ses protestations se muèrent aussitôt en un cri de terreur lorsque j’ai sauté du promontoire rocheux… pour atterrir avec souplesse parmi les esclaves. Sans un mot, j’ai rapidement traversé la foule de servilis qui s'écartent en inclinant la tête avec respect, pour regagner la galerie menant à la caverne principale où nous attendait un vaisseau. Vu l’état de la fée, remonter à Abyssombre en nageant était inenvisageable.

Dès que nous nous sommes enfin retrouvés seuls dans la longue galerie, j’ai senti Aïna se tendre dans mes bras, comme si elle craignait ma réaction. Mais je n’avais pas envie de parler pour l’instant. A vrai dire, malgré la colère que je ressentais toujours, le poids de la fragile petite fée dans mes bras était une sensation des plus… plaisantes.

  • Merci, me dit soudain Aïna d’une voix gênée. Merci pour nous avoir sauvé.

Je me suis presque arrêté, stupéfait. C’était le second remerciement qu’elle m’adressait, et contrairement au premier qui avait été lâché presque inconsciemment, celui-là semblait des plus sincères.

  • Je n’ai fait que mon devoir d’époux, ai-je grommelé en relevant la tête pour regarder droit devant moi, légèrement embarrassé.

Je me suis surpris à ralentir légèrement le pas, pour savourer davantage l’instant présent. Il était bien plus facile d’apprécier cette insolente petite fée, quand elle ne vous lançait pas constamment des répliques acérées…

  • Quand bien même, vous l’avez fait, poursuivit cette dernière. Et vous ne m’avez pas seulement sauvé moi ; vous nous avez tous sauvé. Je n’aurais pas cru que…
  • Quoi donc ? me suis-je enquis avec un bref sourire amusé.

Rougissante, la fée détourna le regard.

  • Rien, marmonna-t-elle.

Il y eut un nouveau moment de silence pesant. Au bout de quelques secondes, je lui ai lancé d’un ton sévère :

  • Cela ne change rien au fait que vous m’avez désobéis.
  • Vous n’avez pas à me…
  • Nous avions un accord, il me semble… Vous aviez promis de ne pas descendre jusqu’ici !
  • Et vous aviez promis d’envoyer des secours ! répliqua la fée.
  • C’est ce que j’étais justement sur le point de faire quand je me suis aperçu de votre disparition ! Je souhaitais que vous assistiez à leur départ afin de vous prouver ma bonne foi… Imaginez ma surprise quand je me suis aperçu que vous aviez disparu !
  • Vous… Vous alliez vraiment envoyer des secours ? s’étonna Aïna.

J’ai croisé brièvement son regard, me rappelant que j’avais en fait l’intention d’envoyer une petite équipe déblayer quelques décombres, et peut-être sauver deux ou trois esclaves… mais certainement pas une armée de mineurs comme celle qu’Aïna avait rassemblé pour sauver les esclaves prisonniers des éboulements. En y repensant maintenant, je pense que mon épouse se serait vite indignée du peu de moyens que j’aurais déployé pour venir au secours des esclaves enterrés…

Tout compte fait, peut-être était-ce une bonne chose que je suis intervenu à temps pour sauver la situation au dernier moment. Car même s’il s’agissait d’une circonstance exceptionnelle (je n’aurais jamais pris la peine de sauver ces esclaves si mon épouse n’avait pas été également en danger), le fait est que j’avais effectivement sauvé la vie de tout le monde, et pour cela Aïna m’était reconnaissante.

  • J’avais l’intention d’envoyer ma garde les secourir, ai-je éludé brièvement (ce qui n’était pas faux), avant de lui lancer d’un ton plus doux, presque admiratif. Comment avez-vous fait, d’ailleurs ? La moitié de la galerie s’était effondrée… Cela n’a pas dû être une mince affaire de trouver et de dégager les survivants.
  • Eh bien… Je dois dire que mes pouvoirs m’ont bien aidé, admit la fée, un peu apaisée. Grâce à ma magie, je peux sentir les gens souffrants autour de moi. Il m’a ensuite suffit de demander aux pierres de bouger…
  • Vous avez demandé aux pierres de bouger ? ai-je répété, incrédule.
  • Nous les fées. . . nous pouvons communiquer avec la nature : pas seulement les animaux, mais aussi les plantes et les éléments. En général, ils nous écoutent. Les pierres se sont écartées pour moi quand je le leur ai demandé, ce qui m’a permis de sauver les survivants, que j’ai soignés avec mes pouvoirs. Le contremaître et les esclaves qui l'accompagnaient voulaient m'empêcher d’entrer dans la galerie, mais je les ai convaincus de m’aider. Leur aide m’a facilité les choses : je pouvais me concentrer sur le forage et soigner les survivants que nous avons récupérés, tandis qu’ils débarrassaient la caverne des décombres. Certains étaient déjà morts, je n’ai rien pu faire. . . mais je pense que nous en avons au moins sauvé une bonne centaine ainsi.

Je l’ai écouté en continuant d’avancer sans mot dire, très intéressé. C’était la première fois qu’Aïna se laissait aller à des confidences sur sa magie, dont Némésis attendait tant. Et je devais reconnaître qu’il s’agissait d’un exploit de taille : déplacer ainsi des centaines de tonnes de gravats puis guérir plusieurs dizaines de survivants à l’article de la mort, ce n’était pas à la portée de tous les magiciens. Je commençais à me rendre compte qu’effectivement, mon épouse était peut-être bien plus puissante que je ne l’avais cru…

  • Certains étaient faibles, décharnés… et d’après le contremaître ils n’avaient pas assez de rations de sang pour s’alimenter correctement, continua Aïna avec un sourire apaisé. Mais ils ont très vite retrouvé leurs forces quand je leur ai donné un peu du mien !

Je me suis figé d’un seul coup.

  • Vous leur avez donné votre sang ? ai-je lâché d’une voix blanche.
  • Euh… oui. Ils avaient faim, et j’étais la seule suffisamment en bonne santé pour leur en offrir. Je ne leur ai pas donné plus de quelques gouttes par personnes, bien sûr, sinon c’est moi qui…
  • Vous avez donné votre sang à DES ESCLAVES ?!

Le rugissement de colère m’avait échappé tandis que je fusillais du regard la fée, qui semblait à présent minuscule ainsi recroquevillée dans mes bras. Mon éclat soudain semblait l’avoir autant étonné qu’effrayé.

Mais peu m’importait sa réaction, à vrai dire. Je me sentais furieux, jaloux… et trahi. Le fait qu’elle ait partagé volontairement son sang avec ces misérables esclaves alors que moi, son époux, j’avais à peine pu y goûter… m’étais tellement insupportable que j’étais à deux doigts de faire marche arrière afin d’enterrer pour de bon toute cette vermine que je venais de « sauver ».

  • Et j’ai bien l’intention de recommencer ! répliqua soudain Aïna d’une voix empreinte de défi, augmentant encore plus ma fureur. Vos esclaves sont dans un état lamentable parce que leurs rations de sang sont coupées avec de l’eau salé. Ce n’est pas étonnant qu’ils meurent par centaine ! La prochaine fois que je descendrai…
  • Il n’y aura pas de prochaine fois, ai-je sifflé. Vous ne remettrez plus jamais les pieds ici. Vous ne quitterez même plus le château sans ma permission.
  • Je me passe de votre autorisa…
  • Et si jamais vous me désobéissez encore une fois, je punirai votre insolence… en faisant exécuter une centaine d’esclaves. Je commencerai par les femmes de chambres auxquelles vous semblez tant tenir !

Aïna m’envisagea un instant bouche bée, choquée et horrifiée par ma menace. Mais au moins, elle n’osa plus dire un mot… sûrement de peur que je ne mette ma menace à exécution ici et maintenant. Je me suis alors remis à marcher en direction de la caverne principale, maîtrisant à grand peine ma colère. Némésis voulait que j’arrive à apprivoiser la fée pour l’amener à servir volontairement notre cause. Toutefois ce que la reine ne comprenait pas, c’est que certaines créatures restaient toujours sauvages, quoi qu’il arrive. Pour ces dernières, la gentillesse était une faiblesse dont elles n’hésiteraient pas à tirer parti. Il n’y avait qu’une seule solution pour mater de telles rébellions : instiller la peur et le respect, par la force et la démonstration.

Si la fée ne se laissait pas apprivoiser… Très bien.

J’allais devoir la dresser.

A suivre...

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