Chapitre 13 : Duel amical, Partie 3

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J’ai bondit sur Élisabelle, laquelle m’attendait avec un petit sourire amusé. Dès que je fus suffisamment proche, sa seconde poupée bondit sur moi avec un ricanement démoniaque, son corps commençant à s’illuminer à son tour. Mais je m’y attendais, et je l’ai attrapé au vol juste avant qu’elle n’explose pour la renvoyer vers sa maîtresse. La détonation survint à mi-chemin, provoquant un nuage de fumée qui me masqua temporairement mon adversaire. Pas de problème. Grâce à mon sixième sens, je ressentais l’aura d’Élisabelle et je savais où elle se trouvait sans même la voir. C’est donc en toute confiance que j’ai traversé la fumée pour fuser sur mon adversaire à l’aveugle, le poing brandi en avant…

…Qui se heurta à un mur.

Enfin, ce n’était pas vraiment un mur, sinon je l’aurais aisément brisé. C’était plutôt le poing d’une gigantesque poupée mesurant sept mètres de haut. Ses yeux brillaient d’une lumière verte, son ricanement était bien plus grave… mais elle était aussi hideuse que ses deux petites sœurs. La gigantesque marionnette brandit son autre poing pour tenter de m’écraser. J’ai levé le bras droit pour encaisser l’attaque. Le sol se fissura sous la pression que m'imposait mon adversaire… mais je suis resté de marbre.

Nous sommes demeurés ainsi pendant quelques secondes, poings contre poings, bloqués dans une épreuve de force où aucun d’entre nous ne semblait déterminé à céder. J’avais beau ne pas forcer pour rivaliser avec cette pitoyable marionnette, sa puissance m’étonnait tout de même. Dans mes souvenirs, les poupées d’Élisabelle n'avaient jamais été aussi solides…

Élisabelle, perchée sur l’épaule de sa création, me lança d’un ton moqueur :

  • Alors, mon garçon… Tu veux abandonner ?
  • Ha ! ai-je ricané à mon tour. Tu me connais mieux que ça, Élisabelle. Si le mur que je veux briser ne s'effondre pas… je frappe plus fort !

En bandant mes muscles, j’ai repoussé la gigantesque marionnette en arrière, puis j’ai bondit pour atteindre Élisabelle, laquelle s’évanouit soudain en nuée de chauve-souris pour me filer entre les doigts alors que j’arrivais sur l’épaule de la poupée géante qui peinait à retrouver son équilibre. Pas grave. Il me suffisait de supprimer d’abord cette immonde mastodonte, et ensuite je donnerais la chasse à sa créatrice. D’un bond, je me suis retrouvé sur la tête de la marionnette qui, aussi immense que lente et maladroite, ne pouvait que pousser des ricanements indignés en essayant tant bien que mal de m’attrapper.

Avec un sourire triomphant, j’ai levé mon poing avec l’intention d’en transpercer le crâne de mon adversaire, quand soudain mon sixième sens m’avertit d’un danger imminent qui fusait droit sur moi. J’ai relevé les bras juste à temps pour parer l’attaque, mais le choc m’éjecta tout de même de mon promontoire, m’envoyant faire un vol plané sur plusieurs mètres. Je me suis instantanément transformé en essaim de chauve-souris pour atterrir sans dommage avant de reprendre forme humaine à l’autre bout de l’arène… puis je me suis lentement redressé pour envisager la poupée géante et ce nouvel adversaire qui venait d'apparaître, perché sur le crâne de la première.

C’était encore une de ces satanées poupées…

Contrairement à ses sœurs, celle-ci n’était ni gigantesque, ni naine, et c’était la seule à posséder une crinière de tresses faites de paille blonde en guise de chevelure. Elle avait une taille résolument humanoïde, un corps mieux dessiné et des traits bien plus fins que les autres poupées d’Élisabelle... mais elle ne semblait pas moins agaçante pour autant. La cruauté qui brillait dans ses iris brillants d’un feu azuré n’avait en effet rien à envier à ses sœurs.

Des applaudissements sarcastiques me firent baisser les yeux sur Élisabelle qui m’observait avec amusement, plantée juste devant ses deux marionnettes :

  • Mesdames et Messieurs, le Comte Sanglant d’Abyssombre ! ironisa-t-elle. Dis-moi Forlwey… que penserait Némésis, si elle voyait son plus puissant serviteur s’esquinter ainsi à combattre des poupées ?

J’ai esquissé un petit sourire. C’était une manœuvre classique pour déstabiliser l’esprit de son adversaire… mais Élisabelle avait raison. Je n’avais pas pris ce combat au sérieux, alors que mon adversaire cherchait manifestement à me pousser dans mes derniers retranchements. La baronne de Véresbaba avait beau ne pas apprécier le combat comme moi, c’était tout de même une puissante nosferatu qui, en trois mille ans d’existence, n’avait rien perdu de sa force. Si elle m’affrontait sérieusement, je ne pourrais la vaincre sans au moins me mettre à son niveau.

  • Tu as raison, Élisabelle, ai-je reconnus en faisant apparaître deux ronces qui s’enroulèrent autour de mes avants bras à la manière de serpents affamés. Jouer à la poupée, ça ne me plait pas trop. Moi, je préfère jouer à la guerre… pour de vrai.

La baronne de Véresbaba ouvrit les mains, faisant apparaître des dizaines de graines brillantes dans ses paumes, avant de les jeter devant elle. Dès qu’elles touchèrent le sol, les graines se transformèrent en poupées gigantesques, naines ou à taille humaine. En quelques secondes, c’est une armée entière qui me faisait face.

  • Si tu veux jouer à la guerre, mon garçon… tu vas être servi, me prévient Élisabelle, avant de claquer des doigts.

Dans un concert de ricanements diaboliques, l’armée de poupée se jeta sur moi. Avec un rugissement ravi, je me suis élancé à leur rencontre, seul contre tous.

Elles n’avaient aucune chance.

Une demi-douzaine de mini-poupées kamikazes se jetèrent sur moi. D’un ample revers du bras gauche, j’ai fait claquer la ronce noire qui y était accrochée comme un fouet, fauchant net ces satanées bestioles qui explosèrent aussitôt en endommageant leurs sœurs les plus proches. Puis j’ai foncé sur la poupée humanoïde la plus proche, et je lui ai transpercé le ventre avec mon poing. Manifestement cela n’empêcha pas ma proie d’essayer de me mordre le cou… alors je lui ai arraché la tête en prime, avant de faire volte face pour décapiter d’un coup de fouet une autre poupée qui venait de bondir dans mon dos.

D’autres poupées se jetèrent immédiatement sur moi, prêtes à me déchiqueter. J’ai aussitôt plaqué ma main au sol, qui se mit à trembler. Des ronces noires surgirent alors tout autour de moi pour empaler mes ennemis les plus proches.

  • A qui le tour ? ai-je hurlé, avant de foncer dans la mêlée.

Je n’avais pas imaginé à quel point réduire en charpie des poupées diaboliques pouvait être satisfaisant… ni à quel point sentir l’excitation du combat m’avait manqué. J’avais beau adorer profiter des plaisirs de mon palais sous-marin ou d’Adamas… au bout d’un moment, ces frivolités finissaient par me lasser. Le frisson du champ de bataille, la jubilation d’écraser ses adversaires et de dominer les autres… c’était ça, ma raison d’être ! Je n’étais pas un mari, un danseur, ou un gentilhomme… j’étais un guerrier, né pour tuer et dominer.

Au fur et à mesure que je les massacrait, Élisabelle continuait de créer des poupées pour m’empêcher d’arriver jusqu’à elle… mais je progressais sans relâche, remontant l’arène centimètre par centimètre en laissant derrière moi une montagne de corps déchirés qui finissaient par tomber en poussière.

Il ne resta bientôt plus une seule poupée debout, et je me suis de nouveau retrouvée face à Élisabelle. Nous nous sommes observés pendant une demi-seconde sans bouger. Puis j’ai fait claquer l’un de mes fouets en direction d’Élisabelle, laquelle se jeta immédiatement sur le côté pour éviter mon attaque. Cette dernière ne fendit que le sol de pierre. Mon adversaire me lança prestement une graine orangée qui se changea en poupée kamikaze à mi-chemin. Je l’ai immédiatement coupé en deux avec mon second fouet avant de foncer vers Élisabelle en traversant l’explosion ainsi créée.

Une nouvelle graine, brillante de mille feux, apparut soudain dans sa main, et elle s’empressa de la jeter au sol, invoquant une immense poupée qui devait tutoyer les dix mètres de haut, bien plus grande que toutes ses sœurs. C’était un véritable mastodonte hideux, avec six yeux et quatre paires de bras qu’elle abattit sur moi dans un ricanement de colère.

J’ai esquissé un sourire d’excitation en sautant pour esquiver sa première attaque, qui fracassa le sol sans même m’effleurer.

  • Tu fuis l’affrontement ? me provoqua Élisabelle, perchée sur l’épaule de son monstre.
  • Pas du tout, répliquai-je. Je termine ce duel !

La poupée monstrueuse leva à nouveau ses quatre poings, mais cette fois-ci j’étais prêt. Des ronces noires se mirent à apparaître sur mon bras droit, le recouvrant d’un épais gantelet végétal qui ne cessait de grandir tandis que les lianes le composant s’étendaient et s’entremêlaient toujours plus. En quelques secondes, la main végétale que je venais de créer avait presque atteint la même taille que la marionnette d’Élisabelle. Avant même que cette dernière abatte de nouveau ses quatre poings sur moi, j’ai utilisé ma main végétale pour la plaquer contre la barrière écarlate qui délimitait l’arène. L’impact fut si fort que des fissures apparurent sur l’enchantement de protection, tandis que la marionnette poussait un rugissement de douleur étranglé.

« Alors tu ricanes beaucoup moins, hein ? » ai-je ironisé en accentuant ma pression.

Les ronces de ma main végétale s’étendirent alors, recouvrant les bras de mon adversaire. Elle transpercèrent la toile qui lui servait de peau pour se déployer à l’intérieur de son corps afin de dépecer ma proie de l’intérieur.

La marionnette géante avait beau essayé de se dégager avec l’énergie du désespoir, elle était en train de perdre la bataille… Et quand finalement ses bras cédèrent, c’est avec un « SCRRRRATCH ! » retentissant que ma main végétale acheva de déchirer complètement mon adversaire, qui s’écroula en morceaux.

Élisabelle sauta de son promontoire défaillant… J’ai immédiatement rétracté ma main végétale pour lui foncer dessus avant qu’elle n’invoque de nouvelles poupées, avalant les mètres qui nous séparaient d’un bond. Élisabelle leva sa jambe pour m’écraser à nouveau le ventre… mais cette fois-ci, j’étais vigilant. En bondissant sur le côté, j’ai esquivé son attaque tout en lui attrapant la cheville. Puis, j’ai tourné rapidement sur moi-même avant de la projeter avec force au sol. Élisabelle grimaça sous la douleur mais roula aussitôt sur elle-même pour se réceptionner sur ses genoux. Elle n’avait pas même pas relevé la tête que je fondais déjà sur elle, le poing brandit à quelques centimètres de son visage.

Vive comme l’éclair, la baronne de Véresbaba réagit d’instinct et arrêta mon poing d’une main. Le choc retentit dans toute l’arène, avant que cette dernière ne retombe dans le silence.

Nous sommes restés pendant quelques secondes à nous observer ainsi, sans battre d’un cil. Puis l’ombre du sourire apparut sur le visage de mon adversaire.

  • Je m’incline, mon garçon, admit-elle. Tu remportes ce duel.

Étendant la main pour l’aider à se redresser, j’ai hoché la tête avec reconnaissance.

  • C’était un beau combat, l’ai-je félicité en la relevant sur ses pieds. Un bon échauffement, en tout cas.

Un éclat d’irritation passa dans les yeux de mon amie.

  • Manifestement je n’ai pas frappé assez fort tout à l’heure… grommela-t-elle, avant d’ajouter d’un ton suspicieux. Dis-moi… tu n’aurais tout de même pas osé frapper mon visage pour de vrai ?
  • Bien sûr que si, ai-je rétorqué. Ne pas le faire aurait été te manquer de respect.

Élisabelle éclata de rire et me gratifia d’une tape sur l’épaule.

  • Accompagne-moi, Forlwey, me demanda-t-elle en se dirigeant d’un pas tranquille vers la bulle d’air entourant l’arène. J’ai quelque chose à te montrer.

D’un geste, j’ai désactivé la barrière d’énergie écarlate, tandis que le sol de l’arène se réparait de lui-même sous l’impulsion des runes magiques tracées à sa surface. A peine l’enchantement de protection fut abaissé qu’Élisabelle traversa la bulle d’air d’un bond pour se jeter dans l’océan. Elle se mit alors à nager en direction du domaine, gagnant rapidement de la distance sous mes yeux ébahis. Pourquoi diable s’enfuyait-elle aussi vite ?

Il m’a fallu quelques secondes pour la suivre dans l’océan. En cinq minutes de nage, nous sommes arrivés devant Abyssombre. Mais à ma surprise, Élisabelle ne se dirigea pas en direction du château. Nageant vigoureusement, elle continua de contourner la bulle d’air entourant le domaine. Je l’ai suivi, intrigué par son comportement.

Où allait-elle ?

A suivre...

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