Chapitre 2 - Oswald

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C'est pas trop tôt !

Mon rendez-vous a plus de trente minutes de retard. Je déteste qu'on me fasse attendre. Autant dire que je ne suis pas dans de bonnes dispositions. Heureusement pour lui que j'ai besoin de ses services !

Il me fait signe de le suivre, sans un mot. J'obtempère de mauvaise grâce mais les coups d'œil inquiets qu'il jette à tout bout de champs me font comprendre que tenter de le raisonner ne servirait à rien. De plus, je n'ai pas envie de perdre mon temps à le détendre, chacun sa merde.

Il me fait entrer dans une boutique, puis dans une cabine à Purikura* et, pendant que nous prenons la pause, mon informateur me tend un petit billet. Enfin, c'est plutôt lui qui prend la pause, j'ai clairement ma gueule des mauvais jours. Mieux vaut m'abstenir de parler sinon je vais lui en balancer une ou deux de bien senties. Pas même une excuse pour m'avoir faire poireauter aussi longtemps. Quel con !

Je déroule le papier et y découvre une adresse suivie de quatre chiffres. Je le regarde. Je le vois reculer devant mon expression glaciale, hésiter puis lever un doigt en l'air devant lui. Il tapote dans le vide. Ah, il doit s'agir d'un digicode ! Je le sens toujours sur le qui-vive, il commence à me gonfler. Je m'efforce à la politesse en prononçant dans un japonais parfait, avec une légère note occidentale :

— Domo arigato gozaimasu.**

J'en ai sûrement fait des caisses mais il relâchera peut-être la pression, il commencerait presque à me rendre nerveux si je possédais assez de neurones miroirs. Là, j'ai qu'une envie : qu'il se taille pour me rendre au plus vite dans ce qui semble être un appartement de centre-ville. D'un autre côté, je ne veux pas qu'il parle de notre entrevue à qui que ce soit alors je ne dois pas faire d'impair. Je vois qu'il hésite mais finit par lâcher en japonais aux accents de Kyoto :

— Je le fais pas pour toi, mais en mémoire de Kaede.

— Je vengerai son honneur comme promis, dès que j'aurais retrouvé ce salopard !

Je le vois tiraillé entre une joie malsaine et une souffrance infinie. Ses mains tremblent, ils tricotent dans l'air avec ses doigts. Ce qu'il m'agace ! Je lui en foutrais bien une mais Cyrielle ne serait pas contente. Et je n'ai aucune envie de la blesser. Je sais bien qu'elle ne me voit pas en ce moment mais on n'est jamais trop prudent. Elle est la plus précieuse à mes yeux, à la fois ma boussole et ma protégée. Si je fais tout ça, c'est avant tout pour elle.

Ne pas penser à Cyrielle, je vais virer dans le sentimentalisme et l'autre cruche risque de mal interpréter. Focus sur le présent.

Histoire de pas péter un câble en public, j'opte pour un compromis qui me semble convenable : je pète la gueule à mon interlocuteur dans ma tête. Ca me défoule ! Je sens mes épaules descendre d'un coup. Je pose ma main sur son épaule, il est temps de conclure tant que mon humeur est à peu près tranquille :

— Je lui ferai payer à cet enculé !

Une larme roule sur la joue de mon interlocuteur.

Domo arigato gozaimasu.**

Je sens le soulagement et le besoin de vengeance dans ces quelques mots. Maintenant, j'en suis sûr il ne dira rien à personne sur mon compte. Il veut la même chose que moi dans le fond, faire justice. Juste qu'il a pas les couilles de le faire lui-même. Ça m'arrange bien faut dire, je peux amplement répandre ma rage pour plusieurs simultanément. Mon palpitant s'accélère et une poussée d'adrénaline m'envahit à cette pensée. Il est temps de partir.

Je tire le rideau, attrape la bandelette de photos, la déchiquette en minuscules petits bouts qui atterrissent aussitôt dans la poubelle la plus proche. Mieux vaut ne laisser aucune trace.

Je me suis juré de les faire payer. En route pour tenir ma promesse !

* Photomaton japonais, véritable institution nippone.

** Traduction approximative car il existe des nuances de remerciement en japonais inexistantes en français : "Merci infiniment beaucoup".

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