Chapitre 36 - Bastien

3 minutes de lecture

Lorsque je reviens à moi, je suis de nouveau à l'hôtel.

Quelques souvenirs viennent voler autour de moi. Je tente de les repousser mais les images finissent par s'animer et les nausées à me conduire directement aux toilettes. Après mon troisième passage, il ne reste que de la bile.

Je ne vois plus qu'une solution, je descends et sonne chez l'hypnotiseur. Le cliquetis d'ouverture de porte retentit. Je pousse le battant du hall d'entrée pour arriver jusqu'à l'appartement qui lui sert de bureau, et j'entre.

Il apparaît aussitôt, surpris. Pourtant, le conditionnement japonais reprend vite le dessus pour plaquer un visage amical sur ses traits fins.

— Excusez-moi, je ne vous attendais pas.

— Je...

— Je vous écoute.

— Je dérange sûrement.

— Non, mon patient a vingt minutes de retard, je croyais que c'était lui. Il ne viendra pas. Venez dans mon bureau.

J'hésite. Une part de moi espère tout oublier. L'amnésie était plus douce que ces visions d'horreur qui surgissent à l'improviste. En même temps, soit je les subis, soit je tente de leur donner du sens pour trouver une façon de vivre avec.

Je le suis.

Il me montre un canapé moelleux, lui s'installe dans un fauteuil, face à moi.

— Un souci avec un alter ?

Je secoue la tête. Il attend patiemment. Au lieu de me mettre mal à l'aise, cette disponibilité d'écoute me détend légèrement. Assez pour parvenir à articuler.

— Ma mémoire revient. Je... Je ne sais pas si toutes mes visions sont des souvenirs mais...

Je dois faire une pause. Une violente envie de vomir provoque une remontée acide.

— C'est d'une extrême violence, propose-t-il.

— Oui. Et je... J'ai lu qu'il existait deux types de TDI : celui provoqué et... celui... programmé.

Nouvelle nausée.

Je vois de l'étonnement et de l'incompréhension dans son regard.

— Vous me l'apprenez, je vous écoute.

— Je crois... Enfin, plutôt je sens que j'ai été programmé... Pour vriller.

Très léger froncement de sourcils.

— On a cherché à ce que je... Comment dire... À ce que je me fragmente.

— Je vais me renseigner. Voir si l'on peut arriver à l'évaluer. En attendant, pouvez-vous me parler de vos... visions ?

— Je suis attaché. Nu. Sur une table. Je reçois une décharge électrique. SI je crie, l'intensité augmente. Si je tiens le coup, j'ai droit à un bonbon. Mon tonton est fier de moi.

— Votre tonton ?

— Celui qui m'a élevé. Il y a aussi cette fillette. Parfois je la vois vivante, parfois je la vois morte. Enfin, je crois, car elle ne bouge plus.

Je mets ma main devant la bouche et l'hypnotiseur m'indique aussitôt les toilettes. Je pars vomir de la bile, reprends mon souffle avant de revenir m'asseoir. Mon oesophage est en feu.

— C'est la plus douloureuse. Je...

Nouveau spasme.

— Y en a-t-il d'autres ?

Je le remercie de m'offrir un dérivatif à cette vision cauchemardesque.

— Des repas avec un pain rassis et du bouillon. Une part de gâteau après... Je n'arrive pas à me souvenir. Je ressens juste une joie immense d'avoir droit à cette part. Et de la fierté, j'ai dû faire vraiment plaisir à mon tonton pour avoir ce morceau de gâteau au chocolat.

Je sens frémir quelqu'un dans le système. Tempérance, je crois. Je n'arrive pas encore à tous les reconnaître mais la légèreté et la bonne humeur de l'adolescente la rendent facilement identifiable. C'est étrange de la sentir frissonner ainsi, elle, la joviale...

Peut-être que je ne suis pas encore prêt à recevoir la raison. Celle qui pousse mon tonton à se montrer si généreux dans ces rares moments.

— Si vous êtes d'accord, je vous propose une courte séance d'hypnose. Elle va vous offrir un lieu sécuritaire où vous pourrez vous réfugier mentalement quand ça ne va pas. Cela devrait vous aider à traverser les crises. Pas complètement, et pas de façon systématique. Mais plus vous pratiquerez l'accès à ce refuge et plus il deviendra facile de vous y mettre à l'abri.

J'articule timidement :

— Merci.

Puis je me laisse porter dans une grotte protectrice qui m'enveloppe de sa douce chaleur.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Valériane San Felice ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0