(1000-1010)

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(AVERTISSEMENT : Ce texte comporte une grande part de fiction mêlée de faits historiques. Veuillez ne pas croire en tout ce que j'ai pu raconter, il n'y a aucune trace de cheval nourri aux carottes à Paris au début du second millénaire.)

Le peuplement parisien se concentre dans l'île de la Cité et la rive droite de la Seine.

Pas grand monde sur la rive gauche, hormis un vagabond dolichocéphale qui tire la langue sur le toit de l'abbaye Saint-Geneviève, détruite par les vikings. Plusieurs éléments architecturaux sont néanmoins fonctionnels depuis un certain laps de temps. Le premier rempart médiéval, achevé depuis plusieurs décennies, englobe les terres de la rive gauche nouvellement défrichées. Sur ces terres: des chèvres, beaucoup de chèvres; l'Eglise Saint-Merri, fondée au siècle précédent par un dénommé Falko, tailleur de platanes (on ne savait jamais où il se cachait) ; et quelques cabanes. Seule, de l'autre versant de la Seine, Sainte-Geneviève paraît figée dans le temps.

Mais, à plusieurs endroits, le mouvement incertain de l'histoire s'est remis en marche. Le tronçon (1000-1010), ou plus précisément, (1000-1014), voit la fortification par l'abbé Morard du clocher porche de l'abbaye Sant-Germin des Prés. Demandez-lui l'auteur de cet ouvrage, il se pointera du doigt toute la journée. Le fragment (1005-1008), c'est Odilon abbé de Cluny qui intercède auprès des moines de Saint-Denis pour faire pénétrer dans le lieu de culte la réforme clunisienne, qui portera ses fruits tout au long de ce siècle. En (1008), c'est le roi Robert le Pieux qui accordera un diplôme légitimant l'existence de la seigneurie ecclésiastique de Saint-Denis.

  Les quelques seigneuries environnantes d'Ile de France, pour la bénédiction du second roi capétien Robert Le Pieux, ne prendront la fougue des Hugues III du Puiset et Montmorency qu'un siècle et des crottes de chèvres plus tard. Pour le moment... Oeudon, Foulkin, Ablon, ces féodaux que l'on peut voir par delà les remparts, quand ils ne s'amusent pas à tourner autour de leurs champs comme des rapaces, prennent des bains de boue sous les soleils couchants enveloppant ce qu'on appellera plus tard le Zénith, ou le Monoprix de Ménilmontant. 

  Invoquons certes les ressources matérielles plus que défaillantes en Ile de France durant cette décennie, mais 14 ans pour construire un clocher porche, me diriez-vous ? Morard devait être encore un de ces ecclésiastiques franciliens paresseux, au crâne froidement rasé, dormant trois fois par semaine sur les bords de la Seine. Voici comment cette affaire s'est sans doute déroulée :

- (1000) : Il a évoqué ce projet avec ses confrères, qui ont évoqué l'existence, plus loin sur la rive droite, d'un certain Famous, ou Femious, tailleur de pierre réputé auprès de ses voisins et ses animaux. Ils se sont rapidement rendu compte que ce mystérieux personnage habitait Baniolo, actuelle Bagneux, et donc ont ajouté, en Février : "Trop loin". Ils ont laissé tomber.

- (1001) : Un moine de Saint-Denis tout rouge s'est rendu à Baniolo : a mentionné qu'il souhaitait parler en qualité d'abbé à Femious, pour soi-disant lui apporter une pénitence : les habitants ont abaissé leurs bâtons. Hélas, Femious est mort de dysenterie voilà six mois; mais heureusement, son fils prouve rapidement auprès de l'abbé ses qualités de tailleur. Voici ce qu'ils ont alors échangé : "La viande, le blé, la viande, ce que tu trouves chez toi, je veux la moitié" "Quand ?" "Jusqu'à la neige. Après je trouve les pierres et je te les ramène". Et cette affaire fut conclue.

- (1002) : Femious fils de Femious est venu à dos d'âne avec une réserve de pierres pour commencer l'ouvrage. Trois rustauds, aux cheveux hérissés jusqu'aux bras, l'accompagne, ce sont, a-t-il évoqué, "ceux qui tiennent à moi plus que je tiens à mon souffle". Ils ont disposé les premières pierres devant le moine tout rouge.

- (1003) : Un pêcheur s'est joint à eux pour les fournir en truite et en gardons. Le clocher est maintenant élevé à plusieurs mètres au-dessus du sol, mais les difficultés apparaissent lorsqu'il s'agit d'échafauder l'arc voûté de l'ouvrage; Morard en revenant d'une controverse théologique leur donne toutes ses instructions: rien y fait, il faut aller rechercher des pierres à Baniolo, plusieurs fois de suite.


- (1004) : Entraînement oblige, Femious maîtrise de mieux en mieux le taillage d'un arc brisé. L'on peut voir un des bâtisseurs debout sur un cheval prêté par le roi pour disposer les premières pierres de l'arc (le cheval est apaisé une carotte à la bouche par le moine rouge).


- (1005) : Travaux fortement ralentis : en se baignant dans la Seine, Femious a attrapé une infection gastrique, et ne fut donc pas disponible pour donner ses instructions à ses hommes. Par ailleurs, un de ces derniers s'est disputé avec un seigneur local, Uf, pour une histoire de chèvre (on ne sait plus trop de quoi il s'agit). 


- (1006) : Famine à Baniolo, ils sont resté veiller, donc, rien.


- (1007) : Afin de remédier aux dégâts de la famine, Morard propose à Femious de représenter diverses scènes bibliques sur le tympan du clocher porche de Saint-Denis. Femious a passé plusieurs mois a sculpter, avec plus ou moins de minuties, des scènes sur pierre.


- (1008) : Et voilà ! Le résultat n'est pas extraordinaire : le clocher porche représente maintenant de curieux dessins de pêcheurs difformes, grosses têtes, unijambistes, brutalement creusés, et semblant échapper à des picots éparpillés qui rappellent, selon les dires de Femious, "le mal de le feu". L'enfer.. 


- (1009) : Le clocher porche est consacré par le roi en personne. Robert le Pieux propose à Euphémious une charge d'écuyer au Palais de la Cité, mais celui-ci refuse. Les bâtisseurs rejoignent leurs familles sans même un au revoir. (Une grille de fer sera ajoutée les années suivantes à l'ouvrage, mais les sources liées à cet ajout se sont perdues dans le temps)


Sinon, à cette époque, le palais de la Cité faisait encore la taille d'un pâté de maison.




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