Prologue

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C'était un samedi, une nuit luneuse. Il faisait froid et la neige dansait dans le ciel de Thamva. Eleanor était restée à sa fenêtre un long moment, contemplant le firmament se mêler au remuement des flocons dans le sillon de clarté que la lune faisait émerger de l'obscurité.
Comme elle aussi aurait aimé être un flocon, elle qui n'avait jamais rencontré la liberté qu'en songe.
Et combien elle aurait aimé se sentir légère ce soir là, pouvoir valser avec le frimas hivernal comme le faisaient ses amis de neige devant elle.
Hélas ! Le roi allait promptement arriver. Le temps était venu de lui annoncer la mirifique nouvelle. Son ventre s'arrondissait, devenait protubérant. Elle ne pouvait plus s'en cacher : elle était enceinte, oui. Son époux ne pourrait que s'en réjouir.
C'est alors qu'un flocon vint s'éteindre sur son front, la chassant de son évasion. Elle admira quelque derniers instants le ballet des poussières de glace puis, d'un geste leste, clôtura les vitraux de la chambre.
Elle inhala les dernières bribes d'air frais que le vent lui eût amené avant que son conjoint ne pénètre la demeure.
Un rictus d'étonnement peignit sa face : il était arrivé bien tôt. Elle n'avait guère envisagé la manière dont elle allait lui annoncer sa grossesse. Mais il se faisait tard et elle n'avait plus le cœur à cogiter. Alors, elle ôta son châle d'hermine et, dans un geste veule , fit rouler les bretelles de sa robe sur ses hanches, dévoilant ainsi les protubérances de son corps.
Le roi n'en crut point ses yeux en apercevant les courbes de sa compagne. Son ventre était rond. Une vie y germait. Après quinze ans d'attente, il allait enfin être père. Le charme était rompu, il n'était plus maudit. Il aurait bel et bien un successeur.
Ébaubi, il esquissa quelques pas réservés vers sa femme. La nouvelle l'étourdissait tant. Tout n'était que tartufferies et fabulations depuis le début ! Il avait tant escompté cet instant. La prophétie était fausse. Il avait vaincu sa funeste destinée et allait avoir un descendant. L'avenir s'annonçait radieux. Comme pour la remercier, il enserra ses bras autour des épaules de sa femme avant de poser sa main sur l'enfant. Attendri.

Dix mois plus tard, elle était là, la progéniture. Allongée dans son berceau, l'air amusé, les mains remuant dans l'air. C'était une fille. D'un cheveu au blond étincelant. Elle était aux traits de sa mère, avait hérité de ses yeux céruléens ainsi que de ses pulpeuses badigoinces. La lividité de sa peau n'était pas sans rappeler la neige que sa génitrice affectionnait tant. Le royaume entier jubilait de sa naissance. Elle ne le savait pas encore, mais elle avait fait germer une graine d'espoir dans le cœur naguère aride des villageois. Aussi, sa mère la prénomma Dorothée : le cadeau des dieux.

Plus elle grandissait et plus la princesse irradiait la peuplade de sa vénusté en plus de l'éblouir de par sa sapience. De fait, les progrès intellectuels de la princesse étaient dithyrambiques. Âgée de trois ans seulement, celle-ci savait lire et écrire. À l'âge de six ans, elle arpentait les escarpées vallées du royaume à dos de cheval, toujours convoyée par son père. Elle jouait avec virtuosité la harpe, le piano, le violon et moult autres instruments à corde à l'âge de onze ans. À treize ans déjà, elle s'intéressait aux conflits politiques qui touchaient le royaume. Et c'est à l'orée de ses dix-huit printemps que le roi fit d'elle sa première conseillère royale.

En plus de de faire la fierté de sa parentèle, Dorothée était très appréciée des villageois puisqu'elle se rendait chaque semaine au village supputer leur satisfaction, accordant à chacun le droit à la parole. Et lorsqu'un sujet n'était point satisfait, elle partait d'emblée en faire part au roi pour qu'encore il parachève la vie de la bourgade. Nul ne pouvait nier que Dorothée maintenait l'équilibre dans un monde qui jadis, était sur le point de s'écrouler. Elle était parfaite.

Alors, pourquoi diable fut-elle retrouvée feue ensevelie sous la neige, aux étrennes de l'hiver ?

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