Quelque chose de très important

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Inspiration

– Hé petit ! Qu’est-ce que tu fais, là ? Faut aller à la queue, comme tout le monde !

– Mais j’ai perdu le nom de ma maman, monsieur.

– Et alors, qu’est-ce que tu crois ? On a tous perdu quelque chose ici, c’est pas une raison. Il faut attendre ton tour, comme les autres. Allez, à la file !

– Bon d’accord… Mais… C’est super loin, monsieur !

– Hé oui, malheureux… Ah… Quand je pense qu’il n’y a pas si longtemps encore, personne n’avait besoin de passer par ce satané bureau pour réclamer quoi que ce soit… Et maintenant, regarde-moi tous ces messagers…

– On dirait un mille-pattes tellement il y a de jambes qui attendent !

– Un mille-pattes, oui. Un sacré mille-pattes !

– Mais moi, je dois retrouver le nom de ma maman. Vous pouvez m’aider, monsieur ? Je dois lui dire quelque chose de très important.

– Écoute, petit, comme je te l’ai dit, il faut faire la queue. Ce n’est pas que je ne veux pas t’aider, mais…

– S’il vous plaît…

– Et même si je te faisais passer avant moi, ça sera très long, tu vois ?

– Mais c’est juste le nom de ma maman que j’ai perdu, rien d’autre !

– Et moi, c’est le jour et l’heure d’un rendez-vous chez le coiffeur que j’ai perdus… Mais j’y pense : ici, c’est le bureau des temps perdus, pas celui des mots perdus. Tu n’es pas au bon endroit pour le nom de ta maman, petit !

– Hein ? Mais comment je vais faire, alors ? On m’a pourtant dit de venir ici…

– Qui t’a dit ça ?

– Ben, c’est… Je ne sais plus. Je crois que j’ai oublié son nom, aussi.

– Te voilà bien, alors… On dirait que tu es vraiment perdu, hein ? Tu te souviens de ton nom, au moins ?

– Ça oui, je m’appelle Stéphane !

– Ah, comme notre vieux roi… C’est un beau prénom, ça.

– Celui-là, je ne peux pas l’oublier parce que ma maman me l’a cousu à mon pantalon, sur une étiquette. Regardez !

– Ah oui, c’est drôlement pratique, dis donc.

– Je m’en souviens, c’était pour les colonies de vacances que j’ai passées à… Bon, j’ai oublié le nom, mais en tout cas, c’était super ! Et vous, monsieur, comment vous vous appelez ?

– Moi, je m’appelle Étienne. Enfin, je crois. Tu sais, on en oublie des choses en vieillissant…

– Moi, j’ai perdu le nom de ma maman.

– Ah oui, le nom de ta maman.

– Bon, alors, vous avancez avec votre gamin ou quoi ? On n’a pas que ça à faire ici ! Nous aussi on a perdu quelque chose !

– Ohé, ne poussez pas ! Voilà, voilà… Allez, Stéphane, avance un peu avec moi… Tu vois cet homme avec son brassard rouge derrière nous ? C’est un des messagers prioritaires. Un de ceux qui courent très vite auprès du roi pour lui apporter des messages. C’est peut-être un rendez-vous médical ou quelque chose d’important comme ça.

– Mais si c’est important, pourquoi est-ce qu’il ne va pas directement voir le roi ? Et pourquoi les autres ne le laissent pas passer ? Et pourquoi…

– Oh, doucement, veux-tu ! Ça en fait des questions, Stéphane… Bon, tout ça, c’est la faute du cardinal Zheimer. Tu en as entendu parler ?

– … Je ne sais pas, j’oublie souvent les noms… Le cardinal, c’est celui qui conseille le roi, c’est ça ?

– Oui, si tu veux… Sauf que celui-là est un très méchant personnage qui…

– Tu parles, le vieux, le cardinal est un sacré fils de p…

– Oh ! Pas de gros mots devant les enfants, voyons !

– Pourquoi est-ce qu’il est méchant le cardinal ?

– Pourquoi ? Ça, je n’en sais rien… Au début, il paraît que personne ne faisait attention à lui, tu vois. Le roi a beaucoup de conseillers, alors un de plus ou un de moins… Mais au fil des années, va savoir comment, il est devenu de plus en plus puissant. Et maintenant que notre roi est très vieux, le cardinal intercepte et vole tous les messages et en profite pour lui souffler plein de mauvaises choses.

– Et c’est pour ça que tout le monde oublie et doit faire la queue pour se souvenir ?

– Heu… Oui, Stéphane, on peut le dire comme ça, si tu veux. Et en obligeant les messagers à passer par ses bureaux pour retrouver leurs messages perdus, le cardinal contrôle tout ce qui part et tout ce qui arrive au roi…

– Mais si on fait la queue très longtemps, on peut quand même retrouver ce qu’on a oublié, non ?

– Ce n’est pas si simple, tu sais… Ce sont les agents du cardinal qui décident de te redonner ou pas ce que tu as perdu.

– Hé bien moi, je l’aime pas le cardinal Zheimer !

– Je crois que personne ne l’aime vraiment beaucoup ici…

– Et pour le nom de ma maman, alors ?

– Bon. On va voir ce qu’on peut faire. Mais pour l’instant, il faut que nous sortions d’ici. Le bureau des mots perdus se trouve ailleurs. Ça au moins, j’en suis sûr.

– Et votre rendez-vous chez le coiffeur ?

– Bah tant pis, ça pourra bien attendre encore un peu. Et puis ça fera de la place pour le messager prioritaire. Allez, viens…

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