L’éternité

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    Valentin décida de déménager en Californie où Julian travaillait la majorité du temps. Il serait ainsi plus proche de son petit ami. 


    Là, après quelques succès cinématographiques éphémères, constatant l’homophobie qui gangrénait toujours autant le milieu hollywoodien, Julian décida de se tourner vers la rédaction de scénarios et la création de séries pour de grandes firmes internet. Il devint rapidement l’un des créateurs les plus inventifs et les plus recherchés de ce milieu. Mais, voulant absolument protéger sa créativité, encouragé en cela par Valentin, Julian se faisait rare. De ce fait, chacune de ses créations était très attendue et bénéficiait avant même sa sortie d’un buzz énorme sur internet.


    Ce choix professionnel permettait au créateur de profiter au maximum de sa relation avec Valentin. Ce dernier se réjouissait de l’épanouissement professionnel et personnel de son petit ami. 


    Pour l’écrivain, le retour en Californie sur les pas de ses jeunes années ne fut pas trop délicat. Il était plus proches des milieux intellectuels que sa pensée avait alimentée et il était maintenant considéré comme l’un des pères fondateurs d’une nouvelle philosophie accompagnant le nouvel âge technologique. Le gourou restait néanmoins de plus en plus discret. 


    Il avait revu son père peu de temps avant son décès. L’éminent intellectuel s’était éteint quelques mois après l’emménagement de son fils dans l’ouest.  Les deux hommes avaient fait la paix. Le vieil homme avait reconnu toute l’admiration qu’il avait porté en secret pour son fils. 


    Il voyait aussi fréquemment son meilleur ami Zach qui partageait maintenant sa vie avec l’un de ses anciens élèves devenu journaliste.


    Les deux hommes étaient plus proches que jamais. Cependant, même s’ils ressentaient une grande tendresse l’un envers l’autre, ils n’avaient partagé que de rares moments intimes depuis leurs retrouvailles.


    Val invita son ami et son jeune compagnon dans la belle propriété qu’il avait acheté près de San Francisco. 


    Après avoir passé la matinée à cheval, Julian s’était occupé des grillades avec l’aide de Carlos l’ami de Zach. Le jeune homme était un très sexy latino à la peau cuivrée et au corps de rêve. Sous la chaleur du soleil, il avait retiré sa chemise de lin et laissait admirer son torse parfait. Valentin constata l’émotion de Julian et murmura à l’oreille de son meilleur ami : 


    - Je crois que nos beaux gitons sont brûlants de désir l’un envers l’autre.

    - Oui j’ai bien vu. Et , je ne sais pas qui est le plus chaud : le barbecue ou eux ?


Les deux hommes éclatèrent de rire puis, s’éloignèrent en direction de la cuisine. Lorsqu’ils revinrent Julian avait sa langue dans la boucle du bel hidalgo.


    - On vous y prend les coquins ! lança Val


    Julian était confus mais, Carlos souriait de sa bonne blague. 


    - Attendez au moins la fin du repas avant d’attaquer le dessert ! avait conclus Zach. Il avait échangé avec Val un regard complice.  


    Le repas qui s’en suivit fut très détendu et entrecoupé d’allusions coquines. Après le repas bien arrosé de très grand crus, les deux couples se retrouvèrent dans le salon pour une sieste crapuleuse et cocaïnée. Val constata que l’amant de son meilleur ami était aussi un sacré numéro. 


    Après le départ de leurs invités, Julian osait à peine regarder son compagnon. C’était la première fois que les deux hommes partageaient leur intimité avec d’autres.

 

    - N’appartiens jamais à personne comme ça tu peux appartenir à tout le monde… C’est bien ça, Val ?

    - Oui. 

    - Tu avais tout prévu. N’est-ce pas ?

    - Oui.

    - Tu savais que son mec était une bombe qui me ferait bander à mort ? 

    - Oui.

    - Et Zach était dans le coup je suppose ?

    - Oui.


    Valentin avait répondu à chaque question les yeux dans le vague et d’une voix lasse. 


    Julian était furieux de la manipulation mais, il savait que son compagnon était un maître machiavel et qu’il arrivait toujours à ses fins. Valentin ne s’encombrait jamais de considérations morales pas plus hier qu’aujourd’hui. Julian devait l’accepter pour vivre avec lui, même si l’écrivain lui avait été plutôt fidèle depuis qu’ils vivaient ensemble.


    De son côté, Julian avait eu de nombreuses opportunités de par  son activité. Il côtoyait les plus beaux garçons de la planète qui étaient tous prêts à s’agenouiller pour un petit rôle dans l’une de ses séries à succès. Cependant, il refusait de tomber dans la facilité et les rapports de domination. En dehors de quelques collègues de tournage, il n’avait eu que peu de partenaires en dehors Val. 


    Il pensait que l’amour qu’ils ressentaient l’un pour l’autre suffirait à étancher la soif d’absolu de son compagnon. Mais, c’était sans connaître Valentin. Lorsque les choses tournaient un peu trop bien, il s’arrangeait toujours pour qu’un grain de sable ne vienne gripper la belle machine.


     Julian pensait avoir compris où son compagnon voulait en venir mais, il avait décidé qu’il n’aurait pas cette fois-ci le dernier mot. S’il voulait rompre avec lui, il devrait le faire carte sur table. En lui annonçant haut et fort. Une vraie rupture. Une qui fait bien mal. Une où il n’aurait pas le beau rôle, où il ne jouerait pas l’éternelle victime.


    Alors qu’il n’attendait que le moment de se lancer Julian ne trouva pas son compagnon. Ce dernier avait filé. Il pensa qu’il avait fui l’affrontement. 


    Cependant, alors qu’il n’était toujours pas de retour le lendemain, il essaya de le joindre sur son portable. Mais, cela ne répondait pas. Il tenta d’appeler Zach mais, celui-ci était aussi injoignable. Il commença à s’inquiéter.


    Ce ne fut qu’un appel de la police peu avant midi qui vint répondre ses interrogations. 


    On avait retrouvé le corps de son compagnon dans une suite d’un hôtel de luxe. Il avait mis fin à ses jours en avalant une grande quantité de barbituriques. 


    Julian était effondré. Il demanda si Valentin avait laissé une lettre expliquant son geste. Les policiers lui indiquèrent qu’ils n’avaient rien trouvé dans la chambre.


    Les analyses pratiquées avaient confirmées la mort par overdose mais, elles mirent aussi à jour la tumeur cancéreuse qui avaient pris place dans le cerveau brillant de Valentin. En fouillant dans les papiers de son compagnon, Julian avait mis la main sur les résultats médicaux. Valentin se savait condamné. Il avait tiré sa révérence. Seul maître de son destin et de sa fin.   


    La nouvelle de la mort de l’écrivain avait provoqué un véritable emballement médiatique. Valentin était une personnalité de premier plan et ses obsèques quoique que tenues dans la plus stricte intimité avaient drainé une large foule d’admirateurs près de son ranch. 


    Zach avait su. Bien avant la fin, il avait su. Il n’avait pu empêcher son ami d’en finir. Il avait seulement pu l’aider pour ses dernières volontés.


    Le jour de l’enterrement, totalement dévasté lui-même, Zach n’avait pu consoler Julian. Thomas s’était chargé de cette tâche, enveloppant son fils de ses longs bras. Il était venu seul de New-York. Ni sa mère, ni les vieux amis de l’écrivain n’avaient voulu faire le voyage.  La raison officielle était leur profond chagrin mais, Zach pensa qu’ils lui en voulaient toujours même vingt après.


    Hollywood lui consacra un biopic comme il l’avait fait pour Steve Jobs. L’un des jeunes acteurs les plus en vue avait endossé le costume de l’écrivain pour conter une histoire bien différente de la réalité mais, proche de sa légende. Une légende qu’il avait lui-même construite comme un ultime pied de nez au temps et à l’histoire.


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