4 - Le Réveil sous la Lueur d'Argent

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Dans l'écrin de l'ombre, la nuit s'effilochait lentement, dévoilant une lumière vacillante, douce et timide, telle une promesse murmurée par l'aube. Jorn, émergeant d'un sommeil pénible, sentit la chaleur d'un feu de camp, une étreinte crépitante et vivante qui le tirait des profondeurs de l'inconscience. Ses yeux, lourds de rêves, s'ouvrirent lentement, s'adaptant à la lueur naissante, qui peignait le monde en nuances de rose et d'or, un tableau éphémère sur le manteau de neige des montagnes.

Une silhouette élancée se dessinait près du feu, une forme familière qui fit bondir son cœur dans un élan d'espoir fugace. Un instant, il crut y voir Lyrielle, mais les ombres de son esprit se dissipèrent, révélant une vérité plus froide. L'étrangère devant lui, plus petite, se parait de la blancheur environnante, ses cheveux et ses yeux partageant cette pâleur spectrale. Seules ses oreilles, longues et pointues, étaient un signe indéniable de son héritage elfique, un rappel subtil de sa vraie nature au sein de cette apparence si différente.

Son visage, un paysage de cicatrices et de tatouages, racontait des histoires de guerres, des motifs complexes tissant une épopée de survie sur sa peau. Jorn ne put s'empêcher de froncer les sourcils, trouvant cette apparence loin de la grâce et de la beauté de ces êtres à laquelle il était habitué.

Il porta son attention sur ses propres cuisses, sentant une douleur lancinante qui le ramena brusquement à la réalité. En observant de plus près, il remarqua une substance étrange appliquée sur ses blessures. C'était un onguent de couleur sombre, à l'odeur forte et pénétrante, qui semblait former une couche protectrice sur ses plaies, d'où s'échapper un filet de sang. Il grogna, un mélange de confusion et d'irritation dans son intonation. "Qu'est-ce que c'est que ce purin ?" grommela-t-il.

L'elfe des neiges, qui avait observé Jorn avec une tranquillité imperturbable, répondit calmement, dénuée d'émotion. "C'est un baume de guérison. Sans mon intervention, tu serais mort."

Elle fit un geste discret vers la droite, et Jorn aperçut alors un loup à la fourrure d'un blanc éclatant. Allongée, la créature semblait un fragment du paysage hivernal.

"C'est mon compagnon, il t'a senti sous la neige," ajouta-t-elle, son regard se posant brièvement sur l'animal avant de revenir à Jorn. "Mon nom est Aurilin, je suis druide."

Jorn, bien que sur ses gardes, perçut en elle une sorte de sécurité réconfortante. Après tout, il était seul et blessé, et elle lui avait porté secours. Son timbre était faible, mais portait une note de gratitude. "Jorn," se présenta-t-il brièvement.

Son attention se détourna rapidement, ses doigts frôlèrent son torse dans une recherche frénétique, la morsure aiguë de ses blessures temporairement oubliée. "Mon pendentif... où est-il ?" murmura-t-il, la voix rauque, éraillée par le froid.

Aurilin sortit l'objet avec une grâce fluide, le tenant entre ses doigts fins. "Est-ce ceci que tu cherches ?" demanda-t-elle.

Le médaillon se balançait dans l'air, oscillant légèrement comme pris dans une brise silencieuse. C'était un chef-d'œuvre de finesse artisanale, le symbole de Luminael gravé sur sa surface. L'emblème, un œil complexe entouré de rayons de lumière dont la pupille représentait un croissant de Lune, tenait en son centre une pierre précieuse d'un bleu sombre, un minuscule abysse encadré par la promesse de l'illumination.

Jorn s'attarda dessus, un mélange de soulagement et de tristesse traversant son regard. "Oui, c'est cela..."

"Et cette Lyrielle, dont tu murmurais le nom durant ton sommeil, est-ce elle qui te l'a donné ?" demanda-t-elle d'une neutralité curieuse, tandis que ses yeux pâles et scrutateurs fixaient Jorn.

Un sourire fugace toucha les commissures des lèvres de Jorn, teinté de souvenirs. "Non, " répondit-il. "C'est une vieille amie, d'un lointain passé, qui l'a fait pour moi."

"Est-ce là l'artefact qui te confère le pouvoir d'user de ta magie divine ?", questionna-t-elle.

Jorn oscillait entre défiance et réticence. Un silence s'installa, lourd et significatif.

Finalement, Aurilin acquiesça légèrement, comme si elle venait de recevoir la réponse qu'elle attendait, malgré le mutisme de son interlocuteur. "Je vois... C'est bien ce que je pensais."

Jorn tendit la main vers sa précieuse relique, mais Aurilin le retira d'un geste vif. "Un marché d'abord," dit-elle, d'un ton tranchant.

Elle défit les attaches de son vêtement avec une simplicité dépouillée. Son geste n'avait rien de charnel, c'était plutôt le déploiement d'une fleur de givre sous l'étreinte de l'aurore. Un instant de flottement enveloppa la scène, le monde semblant retenir son souffle alors qu'elle révélait son corps à l'éclat du soleil levant. Les flocons, dans leur chute paresseuse, venaient se reposer avec une délicatesse sacrée sur sa peau, ne laissant aucune marque de leur froidure sur ses seins nus. Elle ne semblait pas connaître le frisson de la chair.

"Je porte le fardeau d'être la dernière de mon peuple," confessa-t-elle. "Il ne me reste rien... Les démons m'ont tout pris. Je dois assurer la survie des miens, et pour cela, je requiers... ta lignée."

Un éclair de mémoire traversa l'esprit de Jorn, interrompant ses pensées. Une phrase ancienne, entendue jadis, resurgit : "Un œil d'argent pour les dieux et un d'émeraude pour la magie, incarnés dans un regard innocent."

Mais avant qu'il ne puisse y réfléchir davantage, elle s'approcha de lui, la neige foulée sous ses pas ne portant aucune trace de son passage. "En échange de ton médaillon et de tes pouvoirs, donne-moi un espoir de renaissance pour mon peuple," proposa-t-elle, son ton dépourvu de passion, ses mots teintés d'une fatalité inébranlable.

Mais, à son grand étonnement, Jorn se redressa. Ignorant la douleur qui hurlait dans ses muscles, il puisa dans une force intérieure insoupçonnée. D'un mouvement rapide, il saisit le pendentif des mains d'Aurilin. Son action n'était pas celle d'un homme séduit par une proposition impromptue, mais celle d'un guerrier récupérant ce qui lui appartenait de droit.

"Est-ce ainsi que tu remercies celle qui t'a sauvé la vie ?" reprocha Aurilin, pleine de déception.

Ils furent brusquement interrompue par le grognement sourd du loup blanc. Sa fourrure semblait se hérisser, les narines frémissantes alors qu'il reniflait l'air. Jorn suivit le regard de la créature, son attention se détournant pour remarquer une trainée sombre sur la neige immaculée - son propre sang, un sillage involontaire qu'il avait laissé derrière lui lorsqu'Aurilin l'avait traîné, alors qu'il était inconscient.

"Tu ne sais donc pas que le sang attire les démons ?" lança Jorn d'un ton pressant, se tournant vers Aurilin.

Les mots pendaient dans l'air, lourds de signification, et alors que la compréhension éclairait le visage de la jeune elfe, Jorn scrutait la pénombre environnante avec une appréhension croissante. "C'est un Eisendrath," dit-il chargé d'effroi. "La créature qui m'a transpercé de ses pics mortels est sur nos traces pour finir ce qu'elle a commencé."

Jorn, le front perlé de sueur, concentra ses maigres réserves de mana dans un effort désespéré pour guérir ses plaies sous le baume. Il murmura ses incantations divines, ses mains tremblantes tracèrent des symboles sur ses jambes, mais il ressentit vite la limite de ses capacités. Son énergie magique, déjà épuisée avant son évanouissement, était loin d'être suffisante. Il ne pouvait qu'atténuer légèrement la douleur, loin de ce qu'il aurait souhaité.

Pendant ce temps, Aurilin, avec un calme résolu, remettait ses vêtements, ses gestes précis et rapides. Une fois habillée, elle se tourna vers Jorn. Ils commencèrent à élaborer un plan, leurs voix basses se mêlant au crépitement du feu mourant.

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