Chapitre 6

9 minutes de lecture

Ma première journée de fac se termine et le moins que l'on puisse dire c'est que je suis totalement déboussolée.

Entre la rencontre avec Simon, le torrent d'informations que l'on a eu tout au long de la journée et le repérage des lieux, il est clair qu’en cette fin de journée mon cerveau s'est mis en veille pour éviter la surchauffe.

Alors qu’Elodie et moi nous arrivons enfin à nous glisser hors du bâtiment des sciences, après avoir été bousculés par tout un tas d’étudiants pressé de rentrer chez eux, j’entends quelqu’un m’interpeller.

- Cara attend !

Je me retourne et constate que Jonathan se dirige rapidement dans notre direction. Rien que de le voir, je sens un grand sourire se dessiner sur mon visage. Sans m’en rendre compte, je le toise de la tête aux pieds pour finir complètement obnubilé par son torse moulé à la perfection sous son t-shirt blanc moulant. C’est alors que mes pensées divaguent et que j’en arrive à l’imaginer vêtu uniquement d’une blouse blanche à demi ouverte et de ses lunettes carrées qui me font tellement craquer.

- La terre appelle Cara !

Je reprends rapidement mes esprits, essayant de masquer au mieux le trouble qui vient d’envahir mes pensées mais en réalité je suis déboussolée. Je n’ai jamais fantasmé sur quelqu’un auparavant, enfin pas en étant éveillée et au milieu d’une université.

- Hey Jonathan, comment tu vas ? questionné-je en m’approchant prudemment pour lui faire la bise. Tu as fini ta journée toi aussi ?

- Absolument, me répond-il joyeusement. Heureusement que tous les premiers jours ont une fin, parce que je suis vidé. Crois-moi, si tu penses que la première rentrée est dure, attends un peu l’année prochaine.

Je suis tellement perdue dans son regard, que je n’écoute que la moitié de ce qu’il me dit et j'oublie complètement la présence d'Elodie, qui se rappelle rapidement à moi en toussotant légèrement. Ni une ni deux, je me rattrape et fais les présentations.

- Jonathan, je te présente Elodie une amie de promo. Elodie voici Jonathan mon voisin de palier et qui est également en deuxième année de médecine.

Elodie est toute guillerette. C'est vraiment le genre de fille hyper-joyeuse et optimiste même lorsqu’on a commencé à crouler sous la paperasse et le flux d’informations. Il est certain que sans elle, ma journée aurait été bien plus sombre.

- Enchantée Jonathan, salut-elle gaiement. Ce n'est pas mal d'être en contact avec un ancien élève de première année, tu vas pouvoir nous donner des petits coups de pouce.

Elle lui fait un clin d’œil maladroit, ce qui nous fait tout bien rire.

- Avec plaisir, d’ailleurs Cara c’est très bien où me trouver.

Son regard sur moi me fait rougir instantanément. Mais comment un homme que l’on connait à peine, peut-il nous faire autant d’effet ? Rapidement, je change de sujet pour focaliser mon attention ailleurs. C’est ainsi que nous passons un temps incalculable à rigoler tout en faisant connaissance. J'apprends qu'Elodie est de la banlieue parisienne et qu'elle a choisi cette Fac en accord avec Simon car elle leur permettait d'avoir cours au même endroit. Ils ont tous deux loué un appartement qui se trouve être à quelques rues du mien. Jonathan, quant à lui, est un Landais venu à Paris pour ses études. Bien qu'il regrette de ne pas être plus proche de chez lui, il estime qu'il n'aurait pas trouvé une meilleure école là-bas. Côté cœur, il sort d'une relation amoureuse compliquée et préfère privilégier ses études depuis sa rupture. Cela tombe très bien, car moi aussi j’ai d’autres priorités que de succomber à un béguin de trois jours.

Au bout d'un certain temps, nous sommes rejoints par Simon. À sa tête déconfite, on devine aisément que lui non plus il n’a pas passé la meilleure journée de sa vie. À peine est-il arrivé qu’il attrape Elodie et l'embrasse fougueusement, ce qui nous met quelque peu dans l'embarras avec Jonathan. Gênée par la scène qui se déroule devant moi je me mets à regarder en l’air, comme pour chercher un oiseau invisible dans un arbre imaginaire. Presque immédiatement, ma nouvelle amie semble se rendre compte de la situation.

- Doucement mon cœur, dit-elle en le repoussant légèrement. Je ne voudrais pas mettre mes nouveaux amis dans l’embarras après seulement quelques heures.

Il regarde dans notre direction et se ressaisit, comme semblant revenir à la réalité.

- Pardonnez-moi, nous lance-t-il à Jonathan et moi. Mais cette première journée a été si intense que j’ai complètement perdu les pédales. Sérieusement ! On est hypercontent de quitter le lycée mais on ne nous dit pas tout sur l’après… Si j’écoutais le prof qui s’est chargé de notre accueil aujourd’hui, la nouvelle discothèque du coin c’est la bibliothèque universitaire. Vive notre vie sociale…

Nous rigolons alors que sa tête se défait un peu plus. Il est clair que nous ne sommes pas suffisamment préparés à ce qui nous attend après le bac, mais maintenant que j’y suis, je compte bien donner le meilleur de moi. D’un geste tendre, Elodie passe son bras autour de sa taille et lui répond :

- On va rentrer et discuter de nos journées respectives en espérant que cela permettra de passer le contrecoup de la rentrée.

Sur ces belles paroles, ils nous saluent et nous quittent, nous laissant seuls, Jonathan et moi. En un coup de vent, un sentiment étrange me parcourt de la tête aux pieds. Je ne suis absolument pas le genre de fille à l’aise en toute situation. Et cela va surement vous faire rire, mais, de façon générale, la présence de garçons a le don de me faire perdre tous mes moyens. Vous l’aurez compris, je n’ai pas beaucoup de relations amoureuses à mon actif.

- Tu es à pied ?

Ses yeux sombres se posent sur moi et me sondent comme si la question est cruciale.

- Oui, réponds-je fébrilement.

Un sourire radieux vient illuminer son visage.

- Parfait ! On n'a qu’à rentrer ensemble si cela te va.

J’avoue que j’hésite un instant à lui dire que je reste à la bibliothèque, afin d’éviter ce tête-à-tête jusqu’à la maison. Rien que d’y penser, j’ai les jambes en coton et le palpitant qui s’accélère. C’est alors qu’une phrase que m’a dite Mathieu un jour me revient en mémoire « Ce n’est pas parce-que tu as eu une mauvaise expérience une fois que tous les hommes te veulent du mal ».

Mouais, pas terrible, mais je m’en contente et j’accepte la proposition de mon voisin d’un hochement de tête en évitant soigneusement son regard. Après tout, c’est plus sympa de rentrer à deux.

Alors que nous marchons, je lutte intérieurement pour ne pas vomir mon déjeuner de midi tant mon estomac est contracté. Pourtant, il n’y a pas à dire, la présence de Jonathan est vraiment plaisante. Il a de la conversation, il s’intéresse à ce que je dis et, même après une journée aussi chaude, les embruns de son parfum viennent chatouiller mes narines ce qui a le don de me faire perdre le fil de la discussion à chaque fois.

- Pourquoi tu as choisi Paris ? Toi qui es de Bretagne, cela doit sacrément te dépayser, s'intéresse-t-il, me sortant ainsi de ma rêverie.

- Pas plus que toi, un landais pure souche, à mon avis, répliqués-je en rigolant.

- Bien essayée, demoiselle, mais tu détournes la conversation pour ne pas répondre à ma question.

Je ne sais pas trop quoi dire. Me confier à cet inconnu ou jouer la carte de la sûreté

avec une réponse bateau style "à Paris il y a les meilleures écoles". Je décide finalement de répondre brièvement :

- Je ne suis pas vraiment Bretonne. Je suis née à Paris et j'ai été envoyé chez mes grands-parents à l'âge de six ans. Je suis revenue pour retrouver mes frères que je n'ai pas vus depuis cet âge-là.

-Tu as des frères que tu ne connais pas ! Mais, comment est-ce possible ? S'étonne-t-il.

Je me lance alors dans un résumé rapide de mon histoire. Moins je veux donner de détails, plus il me questionne et, bien que je trouve sa curiosité un peu poussée, me confier à lui est si facile que je déballe tout sans même m’en rendre compte. Je fais tomber toutes les barrières que je peux me mettre habituellement. Je ne sais pas si c'est son charisme ou sa bienveillance, mais quelque chose en lui m'incite à en dire plus que je ne le devrais. C'est comme si me confier à quelqu'un qui ignore tout de ma situation, me permettait de voir les choses autrement, ou du moins, d’un œil nouveau.

- Mais comment... Comment peut-on faire ça ? Bégaye-t-il, visiblement surpris par mon récit.

- Je ne sais pas, lui réponds-je simplement en haussant les épaules.

- Mais tu sais à quoi ressemblent tes frères ? Tu sais où les trouver ?

- Je sais qu'ils ont commencé à étudier dans la même fac que nous aujourd'hui et, comme j’ai eu l’occasion d’avoir de nombreuses photos d’eux, je peux te dire que j’en ai déjà rencontré un.

Son regard interrogateur me fait comprendre que j’ai piqué sa curiosité et qu’il attend impatiemment la fin du suspense.

- C'est Simon, le petit ami d'Elodie. Je l'ai rencontré ce matin en attendant l'ouverture du bâtiment et tu l'as croisé ce soir.

- NON ! Me fait-il choquer. Alors tu as copiné avec Elodie pour retrouver ton frère ? Mais quel génie.

- Non ! réfutai-je déçue par de telles accusations. Je ne savais pas qu'elle avait un lien avec Simon. Elle s'est simplement présentée à moi alors que je lisais. Je n’ai rien prémédité du tout.

- Enfin, on peut dire que ça arrange tes petites affaires quand même !

Il me fait un clin d’œil entendu.

- Je ne sais pas trop ! Le plus dur quand on commence avec un mensonge, c'est de s'en sortir après. C’est comme une spirale infernale dans laquelle on s’enferme toujours plus à chaque explication que l’on donne. À la fin, le retour à la réalité est tellement brutal, que tout s’effrite. Sincèrement, j’aimerais bien ne pas en arriver là.

- Alors comment tu vas faire ?

- Laisser faire le temps, je suppose, réponds-je en faisant la moue. Et prier pour que cela ne fasse pas trop de dégâts.

Il hausse les épaules comme pour dire « on verra bien » et je réalise que nous sommes déjà à l’entrée de notre immeuble. C’est incroyable comme le trajet passe vite quand on est occupé. Alors que l’on attend l’ascenseur, un silence s’installe et je prends conscience de tout ce que je viens de dévoiler. Ce n’est vraiment pas dans mes habitudes d’en dire autant sur moi. D’ailleurs, depuis toujours, seul Mathieu connait aussi bien mon passé car j’ai toujours pris soin de me protéger et de ne laisser à personne la possibilité de le retourner contre moi. Alors comment cela se fait-il qu’il m’ait été si facile de tout raconter à cet inconnu ?

Pas le temps de me questionner davantage que nous voici sur le palier.

- Bon et bien j'ai hâte de voir comment tu vas pouvoir te sortir de tout ça. Si tu as besoin de conseils, tu n'as qu'à franchir le couloir, me dit-il en souriant.

- C'est gentil. Mais là, je n'ai qu’une hâte c’est de retrouver mon canapé et d’écouter Mathieu se lamenter sur sa première journée.

Je rigole alors qu’il s'approche pour me faire la bise. Une décharge électrique me parcourt de tout mon être alors que ma peau frissonne à son contact. Comment est-ce possible ? Moi qui ai toujours fait en sorte de laisser les garçons à bonne distance de mon petit cœur fragile, me voilà pantelante devant ce quasi-inconnu qui me délit la langue.

Stressée et perturbée, j’entre rapidement chez moi et me laisse couler le long de la porte d’entrée. Ma vie est déjà bien compliquée en ce moment, je n’avais pas prévu d’y ajouter une romance pour ados

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Amandineq ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0