Chapitre 16

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Mes larmes ne cessent de couler en regardant les photos contenues dans l'enveloppe. On y aperçoit très clairement Jonathan et moi lors de nos trajets retour de toute la semaine. On nous y voit rire, discuter, plaisanter, et même nous prendre dans les bras. Sur certains clichés, on pourrait même penser que l'on flirte. Finalement, je n’étais pas parano, nous avons bien été suivis toute la semaine.

Le mot qui accompagne ces photos tourne en boucle dans mon esprit.

"C'est soit lui, soit tes frères. Choisis bien ! Tu sais quoi faire".

Avec le cri que j’ai poussé, c’est en quatrième vitesse que Mathieu me rejoint dans ma chambre. Lorsqu’il arrive à ma porte, il semble interloqué. Il se demande sûrement si je ne l’ai pas encore dérangé pour rien, comme lorsque je ne savais pas quoi me mettre. Les larmes qui inondent mes joues lui indiquent visiblement que cette fois-ci, le problème est tout autre car il s’approche de moi inquiet, en posant tout un tas de questions que je n’entends pas. Je ne lui laisse pas le temps de s'agenouiller près de moi, que je me lève brusquement, faisant tomber l'enveloppe, et tout son contenu, sur le sol. C’est en courant que je sors de l'appartement et que je traverse le palier vers celui de Jonathan, laissant Mathieu en plan chez nous.

Je suis déjà en train de tambouriner à la porte de chez Jonathan, quand j’entends mon colocataire s'exprimer violemment :

"Et merde ! Ce n'est pas possible ".

Il a surement dû ramasser tout ce que j’ai laissé tomber.

Je tape du plus fort que je peux sur la porte de notre voisin, tout en pleurant. Tout un tas de scénarios se bousculent dans mon esprit, surtout quand je repense à son absence pour notre rendez-vous habituel du trajet retour. J'attends désespérément une réponse et le temps me paraît être une éternité. Plus les minutes passent plus je me rends à l'évidence que Jonathan n'est pas chez lui et je commence à penser au pire.

- Cara, calmes toi, me raisonne Mathieu qui a fini par me rejoindre.

Je fais comme si je ne l'entendais pas, et continue de plus belle.

- Jonathan ouvre la porte ! S'il te plaît, dis-moi que tu vas bien, imploré-je en pleurant à chaudes larmes.

Mathieu finit par me contraindre à me retourner pour me prendre dans ses bras. Je n'ai pas la force de lui rendre son étreinte et je laisse mes bras couler le long de mon corps.

- Il doit y avoir une autre explication à son absence, Cara, chuchote-t-il doucement à mon oreille. Ne fais pas de conclusion hâtive.

- Et s'il lui était vraiment arrivé quelque chose, dis-je à Mathieu dans un sanglot, les yeux pleins de larmes.

- Ne pense pas au pire, me raisonne-t-il en passant sa main dans mes cheveux.

Ce petit geste, aussi affectueux soit-il, ne me rassure que très peu. En effet, j’ai beau connaître Mathieu depuis des années, il ne m’a passé la main dans les cheveux qu’à trois reprises : au décès de son grand-père, lors de sa première rupture après avoir appris qu’il était cocu et maintenant. C’est qu’il ne doit pas être aussi serein qu’il le prétend.

- Rentrons et essayons de l'appeler, poursuit-il. Si on continue à tambouriner de la sorte à sa porte, on va s'attirer les foudres des voisins.

Je roule des yeux et lui répond.

- L’avis et le bien-être des voisins sont le cadet de mes soucis, actuellement !

Mathieu esquisse un sourire, comme si c’était le moment opportun, et, sans dire un mot, il me prend par les épaules et me dirige, contrainte et forcée, vers notre appartement.

- Sois raisonnable, Cara, demande-t-il gentiment, face à ma réticence évidente. Commençons par envisager le meilleur avant de penser au pire.

Je capitule et finis par rentrer de moi-même. À peine arrivée dans l'appartement, je me jette sur mon téléphone pour appeler Jonathan. Je ne mets pas longtemps à trouver son numéro puisqu’il est la dernière personne de j'ai essayé de joindre. Cette fois, son téléphone sonne.

- Réponds, réponds, réponds, murmuré-je dans le combiné pendant toute la tonalité de l'appel.

- Alors ? Me questionne Mathieu qui me fixe attentivement.

- Pas de réponse, annoncé-je tristement.

Les larmes me remontent une nouvelle fois aux yeux en prononçant cette phrase. L’inquiétude a définitivement pris possession de moi et tous les mots rassurants de Mathieu n’y changent rien. Pourtant il en fait des efforts pour me distraire. Il me parle de Nate, de ses camarades de promo, d’une fille avec laquelle il parle beaucoup et qui semble lui plaire mais, à l’instant T je suis la pire des amies car je ne l’écoute même pas. Tous mes sens sont en éveil et je me surprends à guetter le moindre bruit sur le palier qui pourrait annoncer le retour de notre voisin.

La nuit finit par tomber et nous sommes toujours sans nouvelles. Cela fait maintenant plusieurs heures que je guette mon téléphone comme s'il était là huitième merveille au monde.

Tous les instants que j'ai passés avec Jonathan me reviennent à l'esprit et la culpabilité me submerge. Je regrette de l'avoir laissé entrer dans ma vie et s'attacher à moi. Par ma faute, il est sûrement en danger, car, même si ce n'est pas aujourd'hui, je sais que mon père finira par lui tomber dessus. J’ai été idiote de penser que je pouvais rivaliser face à cet homme sans foi ni loi. Si seulement j’avais la moindre idée de ce que j’ai bien pu lui faire pour qu’il déteste autant sa propre fille. Mais, malheureusement, je n’ai jamais réussi à le savoir et, si mes grands-parents sont au courant de quelque chose, ils l’ont toujours bien gardé. Je ne suis pas certaine d’avoir, un jour, les réponses à mes questions.

Mathieu est un ange. Il prend soin de moi et reste à mes côtés tout au long de la soirée. Il s’est même mis en tête de cuisiner. Au fond, je suis sûre que même s'il ne me le dit pas, il s'inquiète tout autant que moi et il cherche simplement un moyen d’occuper son esprit.

- On regarde un film ? Lance-t-il, en m’apportant un bol de nouilles sautées.

Je le prends et le pose directement sur la table basse qui me fait face. Je ne suis pas certaine de réussir à avaler quoi que ce soit.

- Je ne sais pas, je n'ai pas trop la tête à suivre une intrigue.

- Cara ! Ce n'est pas en restant immobile sur ce canapé que ça va changer quoi que ce soit.

Ses mots résonnent plus qu’ils ne devraient et un éclair de lucidité me parvient.

- Tu as raison ! Je pars à sa recherche ! Dis-je déterminée en me relevant d'un coup d’un bond.

J'ai à peine le temps de finir mon mouvement, que Mathieu m’attrape par les hanches et me rassoit.

- Non mais tu t'entends ? Me sermonne-t-il fermement. Par où tu vas commencer ? Tu connais ses amis ? Ses habitudes ? Ses adresses ? Sois raisonnable un peu !

Il marque un point. On a beau avoir beaucoup discuté avec Jonathan, il ne m'a pas franchement parlé de ses amis, que ce soit à la fac ou à l’extérieur. Je me fais même la réflexion que je n'en ai jamais croisé aucun alors que lui a rencontré Élodie, Simon et Mathieu. Ironie du sort ? Difficile à dire, mais il est clair que partir à sa recherche est insensée.

- D'accord. Tu as raison, admetté-je en ramenant mes genoux sur le canapé. Mais si je n'ai pas de nouvelles de lui avant la fin du week-end, je vais signaler sa disparition au commissariat.

Mathieu rigole et me prend dans ses bras.

- Si tu veux ma petite furie et tu n'oublieras pas de dire que j'ai perdu une chaussette de foot, ironise-t-il.

Je lui donne une tape sur l'épaule, en guise de réprimande, et il entreprend de me chatouiller. Entre ses yeux malicieux qui cherchent le moindre centimètre carré d’attaque et mon rire incontrôlé qui sort à chacun de ses contacts, l’ambiance, jusque-là pesante, se fait plus légère. Evidemment, bien que ce soit un moment agréable et hors du temps, cela ne me fait pas totalement oublier que je suis toujours sans nouvelles de notre voisin.

Après moulte supplications, Mathieu me fait la grâce d’arrêter son attaque et propose, de nouveau, que l’on regarde la télé. Alors que je fais défiler toutes les propositions de films et séries de notre plateforme préférée, rien ne trouve attrait à mes yeux. Mathieu a bien des tas d’idées mais elles ont toutes un scénario du style : un enlèvement, une enquête et plein de meurtres…Bizarrement, je n’ai pas à cœur de regarder ce genre de films. Après un temps incalculable à rester indécis, avec Mathieu nous optons pour la série FRIENDS. C’est une valeur sûre avec beaucoup d’humour et peu de réflexion donc exactement ce qu’il me faut.

Mathieu lance le premier épisode et, d’un geste très naturel, je me blottis contre lui et pose ma tête sur son épaule. Il passe son bras autour de moi et sa main vient caresser mon bras d’un mouvement circulaire si doux et réconfortant qu’il ne me faut que quelques minutes pour me laisser emporter dans les bras de Morphée.

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