Chapitre 6 : Gwenn

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Gwenn :

Le conseil était toujours en cours, mais Gwenn et Draiss durent prendre congés, sur ordre du comte. La suite étant pour les adultes, avait-il mentionné.

Gwenn était soulagée, mais aurait secrètement bien voulu savoir ce qui allait être débattu.

Dehors, la pluie avait disparu, laissant place à des nuages blancs qui filtraient doucement les rayons du soleil.

Ils étaient raccompagnés par Calir.

— Ce temps a vraiment un problème, avait dit d’un ton très sérieux Calir.

Ils avaient repassé la porte de la forteresse et marchaient à présent en direction du village.

— Ça s’est plutôt bien passé, non ? lança Draiss avec un sourire timide.

Gwenn grogna.

— On s’en sort bien…

— Il y a pire que d’aider le palefrenier à ramasser la merde… Oh pardon, je voulais dire le crottin, rit Calir.

Les deux amis échangèrent un regard et éclatèrent de rire à leur tour.

Les premières maisons du village apparaissaient à l’horizon.

— Je vais vous accompagner jusqu’à vos parents, dit Calir.

— Je dois d’abord passer voir Tan.

— Tu y es déjà allée hier, Gwenn. Et avant de partir à notre nouvelle corvée, rit Draiss, on doit aller aider nos parents.

— Mais… et s’il…

— Alors ce sera génial et je suis sûr qu’on nous le dira plus vite qu’aux autres.

— Draiss a raison. Il vaut mieux laisser sa famille s’occuper de lui aujourd’hui. Vous avez eu une grosse journée, et elle n’est pas finie, sourit Calir.

Gwenn détourna un peu le regard. Elle n’avait pas envie de faire ce qu’ils proposaient.

Mais ils n’ont pas tort…

— D’accord… souffla-t-elle longuement, exaspérée.

Calir mit une main sur son épaule et hocha la tête en un sourire protecteur. Gwenn répondit par un petit sourire et le remercia d’un murmure.

Ils continuèrent leur chemin sur les pavés noirs. Les rues, en ce milieu de journée, grouillaient d’activité. Plusieurs odeurs vinrent lui chatouiller les narines : des épices, des fleurs, du parfum… mais une en particulier la fit saliver.

La boulangerie et ses merveilles… se dit-elle, les yeux brillants.

Sans s’en rendre compte, elle s’était arrêtée juste devant la boutique.

— Je crois que Gwenn a faim, Calir, lança Draiss en riant.

— Hein ? Euh… non, non, c’est juste que ça sent bon, bredouilla-t-elle en rougissant.

— J’ai entendu ton ventre gargouiller au moins cinq fois depuis qu’on a quitté la forteresse, sourit Calir.

Comme pour confirmer ses propos, le ventre de Gwenn émit un grondement sonore, la faisant virer à l’écarlate.

— Ça fait six ! La railla Draiss

Elle leva les yeux au ciel.

— Eh bien allons voir ce qu’ils proposent de bon, dit Calir.

— Non, non, ce n’est rien. Vraiment. Et je n’ai pas de Talens sur moi…

— Bah, ne t’inquiète pas pour ça. Allez, venez donc jeter un coup d’œil.

Gwenn suivit le messager, un peu gênée, mais la tentation de goûter quelque chose de sucré était plus forte. Ils entrèrent dans la boulangerie et l’odeur de pain frais et de pâtisseries les enveloppa instantanément, bien plus enivrante que ce qu'elle imaginait.

Ses yeux s’illuminèrent en regardant le boulanger fourrer des pâtisseries et des baguettes de pain.

Elle vit Draiss pointer du doigt une tartelette aux fruits rouges.

— Et toi Gwenn ?

— Vous êtes sûr de…

— Oui-da, choisis ce qui te fait plaisir.

Il est si gentil pour un adulte, pensa-t-elle avec un léger sourire.

Elle scruta les étals : des tartes aux fruits rouges, des crêpes au miel, et tout un tas de douceurs alléchantes. Ses yeux, et son estomac, s’arrêtèrent sur la Galette de l’aube. C’est sûrement la meilleure pâtisserie de toute la Terre de Talharr, pensa-t-elle avec enthousiasme, une nostalgie douce l’envahissant. La galette, si légère et sucrée, avec cette confiture de fruits à l’intérieur, c’était un délice dont elle raffolait depuis toujours.

Elle se tourna vers la femme qui servait derrière le comptoir.

— Je vais prendre une Galette de l’aube, s’il vous plaît.

La serveuse lui sourit, puis se tourna vers Calir.

— Et vous, monsieur ?

— Rien, merci. Ce sera tout.

— Ça fera deux Talens.

Il sortit deux pièces dorées et les échangea contre la galette et la tarte.

— Merci, bonne journée, dirent-ils en chœur en sortant de la boutique.

Dehors, Calir tendit la galette à Gwenn et la tarte à Draiss. Gwenn n’attendit même pas pour goûter. La pâte était parfaitement croustillante, et la confiture de fruits fondait dans la bouche avec une douceur exquise.

— Eh bien pour quelqu’un qui n’en voulait pas, rit Calir.

— Merchi, dit-elle, la bouche pleine. Parchon, j’ai parlé la bouche pleine !

Draiss et Calir éclatèrent de rire. Gwenn, les joues rouges de gêne, se contenta de sourire.

Ils se remirent en route. Les rues étaient animées, les marchands criaient pour vendre leurs produits, des femmes avec des enfants faisaient leurs emplettes, et des hommes discutaient avec le tanneur ou le forgeron.

Le tanneur, si tout allait bien j’aurais vu Tan ici, à vendre je ne sais quelle peau d’animal, pensa-t-elle avec un mélange de joie et de tristesse.

En continuant leur chemin, ils arrivèrent devant la maison du charpentier.

— Merci ! Remercia Draiss en franchissant le portail. Et à tout à l’heure, Gwenn ! ajouta-t-il avec un sourire.

Gwenn et Calir lui firent un signe de la main, puis se dirigèrent en direction du port.
L’odeur de sel et de poisson se faisait de plus en plus présente à mesure qu’ils s’approchaient.

Ces odeurs… c’est tellement apaisant, se dit-elle

Quelques minutes plus tard, ils s’arrêtèrent devant une grande maison aux murs légèrement bleutés.

— Je crois que ma mission est terminée, dit Calir en ayant un sourire doux.

Gwenn sentit son cœur se serrer. Une étrange tristesse la submergea, accompagnée d’une peur diffuse. Depuis qu’elle marchait aux côtés de Calir, le souvenir de cette nuit d’horreur s’était comme estompé, relégué au second plan. Mais maintenant qu’il allait partir… elle redoutait son retour.
Un long frisson la parcourut.

— Gwenn ? Tout va bien ?

Elle garda les yeux baissés, la gorge nouée.

— Je… J’ai peur, avoua-t-elle.

Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi elle s’ouvrait ainsi à lui. Peut-être parce qu’il dégageait quelque chose de rassurant. Une présence douce.
Même s’ils ne se connaissaient que depuis quelques heures, elle avait confiance en lui.

— Je suis sûr que ton ami s’en sortira, répondit-il avec douceur. Et ensuite, tout redeviendra normal. Enfin… presque.

— Merci… dit-elle dans un souffle.

— C’est normal, répondit-il en souriant.

Elle se tourna vers sa maison, prête à rentrer… puis se ravisa.
Sans réfléchir, elle fit volte-face et se jeta dans les bras du messager.
Il parut surpris, mais il lui rendit son étreinte après une légère hésitation.

— Ne t’en fais pas, on se reverra, rit-il. Je descends souvent au village.

Gwenn hocha la tête, timidement, puis s’éloigna pour rentrer chez elle.

À l’intérieur de la maison, décorée de coquillages, de filets et d’objets en bois flotté, tout était silencieux.

Ils doivent être sur le navire pour les réparations, pensa-t-elle.

Elle monta à l’étage et entra dans la petite chambre qu’elle partageait avec sa sœur.
Elle s’allongea, le regard perdu vers le plafond.

Quelle journée…

Avoir été conviée dans la forteresse était un événement rare. En dehors des épreuves des guerriers, c’était presque inédit.

Elle se souvenait encore de ses larmes pendant qu’elle racontait l’attaque. Du regard compatissant de Gabrielle. De la réaction des conseillers. Même le comte semblait touché.

Puis, sans prévenir, une autre image refit surface.
Le sauveur d’Arnitan.
Et l’air de la pièce sembla s’alourdir.

Des frissons lui remontèrent l’échine.
Je ne comprends pas… Pourquoi cette sensation, même maintenant, en pensant à lui ?
Il a sauvé Tan, je devrais être reconnaissante… se sermonna-t-elle.

Mais elle revoyait ses yeux. Vides. Froids. Presque inhumains.
Sa carrure, massive, menaçante.
Seule sa voix semblait éclairer cet être mystérieux.
Calme. Rassurante. Mais… dérangeante aussi.

Un autre souvenir surgit.

Erzic, silencieux, tandis que le comte débattait avec ses conseillers de la punition qu’allaient recevoir Gwenn et Draiss.

Il fixait la mosaïque du plafond. Un sourire en coin sur les lèvres.
Puis il avait tourné la tête vers elle.
Son sourire avait disparu.
Dans ses yeux, il y avait… de la tristesse.

Elle n’eut pas le temps d’y réfléchir davantage.
Ses paupières s’alourdissaient.

Le sommeil l’emporta.
Et avec lui, les cauchemars.

La forêt, une ombre et … :

— TANNNN !!! hurla-t-elle dans son sommeil.

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