[3] La lionne en moi (7/7)

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[7.]

— Hello ! J’espère que ça ne te dérange pas si je ramène une invitée ?

Maude pousse un soupir de soulagement en retirant sa paire de bottines à petits talons. Ses doigts massent brièvement sa voûte plantaire meurtrie par les nombreux allers-retours. Retrouver l’appartement des deux jeunes femmes me replonge dans les souvenirs de notre dernière soirée au bar et de la proximité d’Ethan. Ethan… Ma déesse intérieure jubile. Il t’a embrassé la main ! Je n’en reviens toujours pas. Ne t’emballe pas trop, me sermonne ma conscience, beaucoup plus terre à terre, il doit très certainement faire ça avec toutes les filles qu’il cherche à mettre dans son lit… Je fais la moue.

— Ah oui, une invitée ? Qui ça ?

Claire apparait dans l’encadrement de la porte de la cuisine, ses longs cheveux blonds réunis en un chignon lâche laissant échapper de folles mèches sur ses épaules arrondies. Lorsque son regard se pose sur moi, je crains un instant qu’elle ne se renfrogne. Ses yeux m’observent attentivement, comme Ethan une heure plus tôt. Ethan… Bon Dieu, il faut que j’arrête de penser à ce gars ! Ça en devient vraiment nocif à la fin ! Un sourire illumine le visage de Claire.

— Je savais bien que tu reviendrais un jour ! Allez viens, entre donc, il parait que je fais les meilleures bolognaises de toute la coloc !

Je dois me retenir de toutes mes forces de ne pas rire tandis qu’elle passe un bras autour de mes épaules pour me guider jusqu’à la cuisine.

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Claire n’est certes pas la meilleure cuisinière que je ne connaisse mais je dois reconnaître que ses pâtes bolognaises sont un véritable délice et elles ont le don de mettre tout le monde d’accord, contrairement au film

— Tu sais, dans le fond, Ethan n’est pas un « mauvais garçon ».

Je fais la moue, consciente d’avoir déjà assisté à ce genre de discours. Et il t’a valu une bonne dose de déception ensuite, me rappelé-je.

— Qu’est-ce qui vous a donné envie d’entrer dans la médecine ? demandé-je, posant la tête sur le dos de mes mains.

Claire et Maude échangent un regard, semblant réfléchir à leur réponse.

— Pas le salaire en tout cas ! plaisante Claire.

— Ou la reconnaissance !

— Je pense que pour être médecin aujourd’hui, il faut quand même une sacrée vocation.

Dimanche,

— Tout va bien ma chérie ? Tu as bien dormi ?

Je grommelle un vague « oui, oui, maman » tout en frottant mes yeux embués.

— Tu es rentrée tard non ? insiste-t-elle tout en m’embrassant sur la joue.

Il émane d’elle une odeur agréable et entêtante de café. Je souris en laissant mes sens s’imprégner de cette senteur forte et épicée.

— Hm, hm.

Je quitte les bras de ma mère pour aller me préparer une tasse de thé dans laquelle je verse une bonne dose de miel afin de calmer ma voix enrouée par nos rires de la veille. Je reviens prendre place autour de la table du salon, songeuse.

— Tu as l’air perdue… A quoi penses-tu ?

Les sourcils de ma mère se froncent d’inquiétude.

— Tu es bien distante en ce moment ma chérie, est-ce que quelque chose ne va pas ? Tu sais que tu peux nous en parler hein ?

Je secoue la tête, piquée au vif.

— Non, non, maman, tout va bien ! Je suis juste encore un peu endormie, mens-je.

Bien entendu, il y a des dizaines de choses dont j’aurais bien aimé lui parler. Des dizaines de choses qui – non – ne vont décidément pas bien en ce moment mais j’en connais déjà les réponses et je ne veux pas perdre de temps inutile à délibérer avec mes parents sur le bien-fondé de tous mes faits et gestes.

Je porte ma tasse à mes lèvres afin de boire une longue gorgée de thé.

— Dis-moi maman…

— Hum ?

La jeune quadragénaire lève la tête, intriguée. Ses cheveux bruns retombent, impeccablement bouclés, sur le pull rouge posé sur ses épaules. Je ne peux m’empêcher de lui envier sa beauté si jeune et naturelle. Si seulement je pouvais avoir hérité de cela…

— As-tu gardé les albums photos ?

Elle fronce les sourcils, inquisitrice.

— Les albums photos ?

Je hoche la tête tout en avalant une nouvelle gorgée de thé, l’air de rien.

— Oui, j’aimerais beaucoup les revoir.

Le froncement de sourcils de ma mère s’accentue encore un peu, creusant imperceptiblement les quelques ridules de son visage. J’ai besoin d’en avoir le cœur net…

— Oui, bien sûr. Ils doivent être quelque part dans l’armoire du bureau. Je peux aller te les chercher si tu veux ?

Je hoche à nouveau la tête dans un « s’il te plaît » silencieux. Elle acquiesce et se lève, abandonnant provisoirement sa tasse de café fumante. Je replonge dans mes pensées. Si c’est ce que je crois…

Une demi-heure plus tard, je suis assise sur mon lit encore défait, une dizaine d’albums photos ouverts sur le matelas moelleux d’un beige raffiné. J’observe en souriant bêtement les quelques photos de la naissance de ma petite sœur. Cela me semble si loin déjà…

Mon regard parcourt une à une chacune des petites pochettes colorées. C’est là. C’est là et j’en suis sûre…

Mon doigt s’arrête soudainement dans l’air lourd de la pièce. Ça y est ! J’y suis ! Je détaille longuement l’image face à moi. Je le savais. Je savais au fond de moi que j’avais raison…

***

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