[5] A la croisée des serments (6/7)

16 minutes de lecture

[6.]

— Encore merci !

— Merci beaucoup !

— C’était super !

A mes côtés, Ethan a bien du mal à contenir le large sourire qui menace à chaque instant de fleurir au coin de ses lèvres alors qu’il prend petit à petit congé de son groupe d’externes du jour, leur intimant avec autorité de rapidement regagner leurs cours s’ils ne veulent pas écoper d’une mauvaise impression sur leurs rapports de stage. Le voir crouler sous les remerciements réchauffe mon cœur, en partie meurtri par l’absence totale d’intérêt du jeune homme depuis notre conversation dans la chambre de la quatre. Même si je me suis efforcée de paraître moi aussi intriguée et impatiente pendant toutes les visites qui ont suivi le départ du docteur Linois, le comportement à nouveau froid et distant d’Ethan a suffi à fissurer le peu d’assurance et de joie qui galvanisaient ma poitrine. Je devrais être fière de lui, fière de nous, pourtant, je n’y arrive pas. Alors je me contente du faux sourire plaqué sur mon visage tandis que je regarde les externes disparaître dans les couloirs de l’hôpital en riant, le cœur triste.

Même lorsque Marine finit par s’approcher d’Ethan, au comble de la surprise, je ne parviens à laisser tomber ce stupide masque de triste gaieté.

— Bordel, mais qu’est-ce que tu leur as fait aujourd’hui ?! s’étonne la jeune femme en rajustant ses lunettes sur son nez. Ils ont l’air aussi surexcités que des gosses venant de voir le Père Noël en personne !

Ethan hausse les épaules, un stupide sourire étirant ses lèvres. Marine fronce les sourcils.

— Au fait, on a entendu de drôles de rumeurs circuler dans les couloirs ce matin avec Tim. Des rumeurs qui parlaient de toi, Linois et Mercier apparemment.

— Hum ? Ah oui ? Et que disaient-elles au juste ?

Le sourire en coin d’Ethan en dit visiblement assez long sur la véracité des propos colportés. Marine roule ostensiblement des yeux.

— Ouais. J’aurais dû me douter qu’il y aurait une partie de vérité dans tout ça. Bref, je peux espérer une explication maintenant ou on attend le déjeuner ?

Ethan secoue la tête en souriant. Je sens à nouveau mon cœur se serrer au fond de ma poitrine. Je ressens tout à coup le terrible besoin de m’éclipser. Il faut que je parte loin d’eux, que je disparaisse. Mieux vaut les laisser seuls tous les deux, je ne suis de toute façon pas à ma place au milieu de cette conversation dont je ne fais de toute façon pas partie.

Je m’apprête donc à me faufiler habilement et silencieusement hors de vue lorsque des doigts se referment brusquement autour de mon poignet, avant même que je n’ai pu m’éloigner ne serait-ce que d’un tout petit millimètre.

— Où vas-tu au juste ?

Je me retourne pour croiser le regard sévère et les sourcils froncés d’Ethan. Et voilà que ça recommence… Alors qu’il ne paraissait plus faire attention à moi depuis une bonne heure maintenant, je redeviens subitement son centre d’intérêt numéro un et je me sens tout à coup terriblement épuisée par ce petit jeu. Epuisée et excédée.

J’adresse néanmoins un sourire timide à mon interlocuteur, qui ne semble pas décidé à me laisser filer aussi facilement.

— Je comptais aller terminer mes dossiers avant de déjeuner, je mens.

C’est la meilleure excuse qui m’est venue à l’esprit. En réalité, même si Alex ne semble plus vraiment fâchée à mon encontre, je sais aussi que je ne peux pas encore me permettre de me relâcher. Il est trop tôt pour considérer l’incident définitivement clos et je préfère me tenir à carreaux le temps que tout ceci finisse de se tasser.

La pression autour de mon poignet se relâche légèrement.

— Tu comptes réellement déjeuner au moins ?

La voix d’Ethan se fait tout à coup suspicieuse, lourde de reproches, et ses paupières se plissent en me dévisageant longuement, sans doute à la recherche du moindre indicateur révélateur de ma véritable réponse. Consciente que je ne pourrais définitivement pas lui mentir sans qu’il ne s’en rende compte – Ethan lisant en moi comme dans un livre ouvert depuis notre première rencontre -, je me contente de hausser les épaules avec un sourire contrit. Le visage du jeune homme s’affaisse et il pousse un long soupir.

— Si on m’avait dit ce matin au réveil que j’allais devoir traîner de force une externe jusqu’au self, je ne me serais probablement pas levé…

Avec douceur, j’écarte les doigts du jeune homme de mon poignet, l’obligeant à relâcher la pression autour ma peau malgré la surprise due à mon geste.

— Tu n’y es pas obligé tu sais, fais-je remarquer.

Il ricane et je comprends rapidement que notre petite joute verbale est perdue d’avance : Ethan obtiendra ce qu’il attend de moi, qu’il doive agir avec ou contre ma personne. Un frisson terrifié me parcourt de part en part à cette idée, me replongeant dans des souvenirs que je préfèrerais oublier. Les sourcils du jeune homme se froncent soudain d’inquiétude.

— Tu sais que je plaisante n’est-ce pas ? Tu te souviens que je t’ai dit que je ne te forcerais en rien hein ?

Sa voix semble tout à coup… inquiète. Inconsciemment, je masse mon poignet endolori par la férocité de sa poigne en hochant la tête.

— Oui, je sais.

Ethan penche la tête sur le côté comme s’il réfléchissait à la meilleure façon d’amener la suite de la conversation.

— Tu es une grande fille et je sais que tu es capable de t’occuper de toi mais… je pense sincèrement qu’il serait préférable que tu manges un morceau ce midi. Sauf si… Sauf si tu tiens à réitérer l’expérience de la chambre de l’autre jour…

Un sourire railleur illumine son visage et je sens mes joues perdre instantanément toutes leurs couleurs. Bordel de merde ! Oui ! Enfin… bien sûr que non ! Les sentiments qui inondent mon corps tout entier à l’évocation de ce souvenir contredisent totalement mes pensées. Je rougis et cela suffit à agrandir le sourire de l’interne. Il a gagné et il le sait. Il gagnera toujours car l’aura qu’il exerce sur ma pauvre personne est bien trop puissante pour que je puisse la maîtriser. Je lève les bras au ciel en poussant un long soupir.

— Bien ! Tu as gagné c’est bon, je me rends ! Laisse-moi juste quelques instants pour me débarrasser de mes affaires et j’arrive, ok ?

Le jeune homme hoche la tête en silence. Je profite de son autorisation pour pivoter sur mes talons afin de gagner la salle des internes que j’espère de tout cœur être vide pour que je puisse me libérer de toutes les émotions contradictoires qui se battent au fond de ma poitrine. Mais, pour mon plus grand désarroi, la porte est à peine ouverte que mon regard se pose immédiatement sur la silhouette de ma supérieure, occupée à contrôler les dernières ordonnances rentrées sur l’ordinateur après les visites de la matinée.

La jeune femme lève à peine un regard dans ma direction tandis que je quitte ma blouse et mon matériel sur la table à ses côtés. Elle est bien trop plongée dans ses vérifications pour prendre conscience du monde autour d’elle. Je m’apprête à quitter la pièce sans un mot lorsqu’une partie de mon cerveau s’illumine brusquement, comme une ampoule que l’on aurait allumée à distance sous le coup d’une révélation inattendue.

Rebroussant chemin, je m’approche timidement de la jeune femme.

— Au fait, merci, soufflé-je à son intention.

Surprise, la pharmacienne du secteur sursaute brièvement avant de se tourner dans ma direction, nerveuse.

— Pour quoi au juste ?

— Je crois que tu le sais bien, dis-je en faisant jouer nerveusement mes doigts sur le comptoir de bois. Pour n’avoir rien dit au sujet de l’ordonnance de pneumologie de la trois. Et parce que je sais que c’est toi qui a parlé du comportement du docteur Linois au chef du secteur et que ce n’est pas une idée de la direction mais une des tiennes ou une de celles du docteur Courbel de venir vérifier le bon déroulement de l’apprentissage des internes, alors… Je tenais… Je tenais à te remercier pour ça.

Un sourire tranquille apparait sur le visage de la pharmacienne tandis qu’elle reporte son attention sur l’écran devant elle.

— Le docteur Courbel appréciera en effet grandement ces remerciements. Et… Pour ma part, j’avoue ne pas trop supporter que l’on s’attaque à la raison de ma présence dans ce service. J’ai toute ma place ici, je me suis battue pour l’obtenir et je compte bien la conserver encore un moment alors si cet imbécile de Linois pensait pouvoir tout se permettre, c’est qu’il s’est fourré le doigt dans l’œil jusqu’au plus profond de son orbite…

Je souris devant cet étrange réflexion mais ma gaieté n’est que de courte durée lorsque le visage d’Alexandra redevient brusquement grave.

— Mais cela ne veut pas dire que je cautionne ce qu’il s’est passé. Vous avez agi avec bien trop d’impulsion avec Hugo et Ethan et il s’avère que vous avez pris la mauvaise décision. Si aujourd’hui elle n’a pas présenté de conséquences gravissimes, il n’en sera peut-être pas de même demain…

— Je sais, murmuré-je, penaude.

— Je sais que tu le sais, renchérit Alexandra en plongeant à nouveau son regard dans le mien, tout comme je m’inquiète beaucoup pour Ethan. C’est un excellent médecin, un garçon adorable et un homme intelligent mais l’audace dont il peut faire preuve bien des fois risque de lui attirer pas mal d’ennuis. Il a besoin de quelqu’un pour le calmer, le raisonner. Et… Et je dois admettre qu’il semble t’écouter.

— Quoi ?! m’exclamé-je en me raidissant subitement.

— Vous avez l’air d’être comme chien et chat et pourtant… Pourtant, Ethan semble prendre en considération chacune de tes remarques et chacune de tes réflexions. Même s’il remet souvent en cause ton avis, il t’écoute et tu es bien l’une des premières alors…

— Je… Mais je…

Je bafouille, totalement prise au dépourvu par la situation et, je dois bien l’avouer, rouge de honte également.

— Tu dois te tromper, marmonné-je. Sérieusement, depuis quand Ethan prendrait-il en compte ce que je peux bien dire ou penser ?

Alexandra sourit largement.

— Depuis que vous avez le béguin l’un pour l’autre non ?

Pardon ?!

Si une simple question suffisait à tuer quelqu’un sur le coup, je crois que celle-ci m’aurait été fatale.

— Quoi ? demandé-je, blanche.

— Pas besoin d’être très intelligent pour comprendre qu’il se passe quelque chose entre vous, admet Alex en haussant les épaules. C’est presque une évidence pour tout le monde ici. Sauf pour toi apparemment.

Je blêmis subitement. Alors tout le monde est au courant ? Tout le monde, sauf moi bien entendu. C’est pourtant bien connu : l’amour rend aveugle. Mais à ce point ?

J’ouvre la bouche afin de riposter mais je me trouve brusquement coupé dans mon élan.

— On papote mesdames ? Heureusement que tu ne devais que déposer quelques affaires…

Je sursaute en me retournant pour faire face à Ethan, les bras croisés sur la poitrine, l’air à la fois un brin agacé et amusé par la situation. Encore une fois, je me demande depuis combien de temps il est ici et ce qu’il a bien pu entendre de notre étrange conversation. Loin de toute mon agitation intérieure, Alexandra adresse un sourire poli à l’interne.

— Je peux te l’emprunter ? insiste Ethan en me désignant d’un signe de tête. Les autres nous attendent au self pour manger.

— Bien sûr ! acquiesce ma supérieure, désolé pour l’attente, c’est ma faute. Deux trois petits détails que je voulais que l’on voit ensemble avant la pause. Laura ne m’avait pas dit qu’elle était attendue.

La jeune femme me lance un clin d’œil et je me sens défaillir.

— Mais c’est bon, tout est réglé. Vous pouvez y aller.

Ethan hoche la tête, posant son regard sur moi dans l’attente de mon approbation. Je pousse un soupir que j’espère imperceptible avant de le rejoindre.

— Eh bien, allons-y.

Nous nous engouffrons tous les deux sans un mot à travers l’encadrement de la salle puis nous faufilons entre les battants de plusieurs doubles-portes dans un silence terriblement pesant. J’ai la sensation que nous risquons bien de rester emmurés dans notre silence jusqu’au self, aucun de nous deux ne voulant amener le sujet de notre conversation avec Alexandra sur la table lorsqu’Ethan prend soudainement la parole, me faisant presque sursauter :

— Marine nous a prévu deux jours de camping perdus en pleine nature dans des gorges ce weekend. Je me disais… enfin… je me demandais si tu aimerais venir avec nous ?

J’observe le jeune homme avec stupéfaction.

— Tu es sérieux ?

— Bien sûr, acquiesce Ethan. Tu fais un peu partie de la famille maintenant.

Je prends le temps de réfléchir quelques instants à sa proposition. Je n’ai encore jamais fait de camping en pleine nature et je ne suis pas sûre de vouloir tenter une première expérience avec lui. Enfin, avec eux, me sermonne ma conscience. Bref, c’est du pareil au même.

— Tu n’as pas besoin de me répondre tout de suite, finit par trancher Ethan – même si je crois percevoir une pointe de déception dans sa voix -. Si tu veux prendre le temps de vérifier que tu n’as rien de prévu, pas de soucis. Tu peux tout aussi bien m’envoyer un message ce soir ou demain pour me donner ta réponse.

Je tourne la tête pour dévisager Ethan mais, curieusement, ce dernier prend soin d’éviter mon regard autant que possible, préférant reporter son attention sur l’environnement tout autour de nous.

— Merci, chuchoté-je, je te donnerais ma réponse ce soir, promis.

Le jeune homme hoche la tête mais je sens qu’au fond de lui, quelque chose dans ma décision semble le tracasser…

-

Etant plutôt habituée au confort et au standing des vacances en famille plutôt qu’à la simplicité d’une tente plantée en pleine nature, je ne sais pas trop quoi emmener dans mon sac, toujours désespérément ouvert face à moi. Assise en tailleur sur mon lit, je fronce les sourcils, essayant de rassembler mes idées. Je n’ai pas encore accepté la proposition d’Ethan même si je ne vois aucune raison valable de la refuser non plus. Me retrouver pour un weekend loin de l’atmosphère oppressante du CHU, en compagnie de personnes que je commence désormais de plus en plus à apprécier, me fait terriblement envie et, quelque part, me terrifie aussi.

D’un coup d’œil, j’avise mon téléphone portable, négligemment rejeté sur la couette près de moi. L’écran reste désespérément noir, signe que je n’ai reçu aucun message ou aucune notification ces dernières heures. Je passe la main sur ma nuque, ennuyée. Je devrais sans doute appeler Jess, ou au moins lui envoyer un message pour lui demander conseil mais je connais d’avance sa réponse :

Désolé ma belle, mais c’est à toi de prendre cette décision, pas à moi !

Je grommelle. Je n’aime pas ce genre de responsabilités : tout est tellement plus facile quand les parents ou les amis peuvent le faire à notre place.

— Bon, très bien, maugrée-je en me penchant lourdement pour saisir le téléphone.

Mais une fois déverrouillé, je me fige. Qu’est-ce que je peux bien lui écrire au juste ? J’ai du mal à trouver le meilleur moyen de commencer ce message.

Hey ! Enfin… euh… Re-coucou ! En fait je t’écris au sujet de…

Non, bien sûr que non ! J’efface à nouveau le texte en râlant. Finalement, après plusieurs essais tout aussi peu probants, j’opte pour la concision :

Ok pour demain. Dis-moi où on se retrouve et à quelle heure.

Voilà ! Simple et efficace. Je regarde l’écran avec contentement mais prends tout de même le temps de relire trois fois le message pour m’assurer qu’aucune faute ne traîne avant d’appuyer sur la touche Envoyer.

La réponse ne se fait pas attendre et il ne faut que quelques dizaines de secondes avant que l’écran de mon téléphone ne s’illumine en vibrant. A croire qu’Ethan n’attendait que ça… Je rougis à cette simple pensée. Essayant de ne pas repenser à la conversation tenue avec Alexandra pour ne pas que mes idées ne s’emmêlent dans mon cerveau fatigué, je déverrouille à nouveau le téléphone pour lire le message écrit par mon collègue de travail. Oui, voilà, « collègue de travail » sonne beaucoup mieux…

Mes yeux parcourent rapidement les trois lignes de texto :

Cool ! Très bonne décision ! Je passerai te chercher chez toi vers dix heures demain. Envoie-moi ton adresse et prends le strict nécessaire. Bonne nuit !

Je reste légèrement interdite. Chez moi ?! A mon adresse ?! Bonne nuit ?! Bordel de merde ! Que vais-je bien pouvoir dire à mes parents ?! Je me mords la lèvre tout en composant rapidement une réponse :

Ok, pas de soucis. Récupère-moi plutôt sur la place centrale, il sera plus simple de se garer. Je te retrouverai vers dix heures. Et avec le strict minimum – même si je doute qu’hommes et femmes en aient la même définition ! -. Bonne nuit et à demain !

Assez fière de ma réponse, je me laisse retomber mollement sur les draps, les paupières closes, priant intérieurement pour qu’Ethan n’ait pas l’idée absurde de me répondre. Au bout de cinq bonnes minutes d’attente, je dois me rendre à l’évidence : mon texto ne trouvera pas suite. Et étrangement, je ne sais pas si c’est le soulagement ou la déconvenue qui l’emporte au fond de ma poitrine. Fermant à nouveau les yeux, je me prends à imaginer tout un monde de possibilités, plus folles les unes que les autres. Mais toutes gouvernées par un seul fil conducteur : Ethan Barbier.

-

Samedi,

Mon sac balancé par-dessus mon épaule, je progresse à grands pas dans l’une des petites rues complètement désertes menant à la grande place. Je jette un coup d’œil sur ma montre : 9:50. Parfait ! Je ne serais donc pas en retard au rendez-vous fixé avec Ethan.

Je m’attendais à ce que mes parents soient beaucoup plus difficiles à convaincre mais, finalement – et à mon plus grand soulagement -, l’annonce d’un weekend passé avec – enfin ! – d’autres personnes qu’eux les a tellement réjouis que je m’en serais presque sentie blessée si je n’étais pas autant préoccupée par la perspective du camping.

Lorsque j’arrive enfin sur la grande place – une sorte de vaste espace tout en pavés, parsemé d’arbres aux feuillages desséchés par les premiers chauds soleils de fin d’hiver et orné d’une magnifique fontaine en vieilles pierres calcaires -, je suis surprise d’y trouver déjà stationnées plusieurs voitures. A côté de l’une d’entre elles, deux hommes semblent en vive discussion. Je m’approche prudemment, encore légèrement essoufflée par ma course. Ma montre indique pourtant 9:55, je ne suis donc pas en retard. Je jette un coup d’œil inquiet en direction des deux individus. Comme s’il avait senti ma présence, le plus grand des deux tourne la tête dans ma direction.

— Désolé ! m’excusé-je en regardant pour la énième fois le cadran à mon poignet, essoufflée. Je ne pensais pas être en retard !

Tim m’adresse un large sourire amusé. Je remarque qu’il a troqué sa blouse d’hôpital contre un pull brun à mailles légères et un jean troué mettant en valeur sa silhouette finement galbée.

— Tu n’es absolument pas en retard, rit-il, c’est plutôt nous qui sommes en avance. Ethan nous a tiré du lit à pas d’heure ce matin et…

Et un coup de coude vient brusquement interrompre la narration du jeune homme. Je souris. Ethan foudroie Tim du regard avant de se tourner dans ma direction. Tout comme son camarade, le jeune homme a également laissé tomber ses jeans amples et confortables de travail pour une coupe plus serrée, un tee-shirt noir seyant et un blouson de cuir de la même couleur, rehaussant les obscures prunelles de ses yeux.

— Prête ? On a pas mal de route à faire.

Je hoche la tête pour acquiescer.

— Parfait ! Alors en voiture tout le monde.

Ethan récupère mon sac afin de l’entasser avec tous les autres dans le coffre de la voiture puis m’invite à prendre place. Tout en massant son torse meurtri par le coup reçu, Tim s’empresse de se tourner pour m’ouvrir galamment la portière arrière du véhicule, sous le roulement d’yeux de son ami. Je le remercie en souriant tout en me faufilant souplement sur la large banquette. Autant d’espace rien que pour moi ! C’est presqu’un rêve ! Je prends le temps de m’installer confortablement, les genoux ramassés près de ma poitrine et observe les deux amis s’installer sur les deux sièges avant. Ethan enclenche le contact et la voiture démarre avec un léger vrombissement. Je souris en songeant qu’on est bien loin de la pétarade de mon véhicule, bien plus ancien que sa berline visiblement flambant neuve.

Se tournant souplement sur le siège avant, Tim me lance un sourire amical.

— Bien installée ? J’espère que tu n’as pas trop peur en voiture parce qu’Ethan est un vrai danger public !

Je blêmis légèrement en me tassant sur mon siège. Non pas que je puisse avoir une peur bleue de la prétendue conduite d’Ethan mais je ne suis pas certaine d’avoir suffisamment confiance en lui pour ce genre de choses…

— Cesse tes conneries ! le sermonne le principal intéressé en rajustant le rétro central du véhicule pour s’offrir une vue plus confortable de l’habitacle, tu vas nous la faire s’évanouir sur ma banquette toute neuve !

— Comme si ça pouvait bien te gêner tiens, ricane Tim.

C’est la première fois que je vois le jeune homme faire preuve d’autant de répartie, et surtout, avec une affirmation que je ne lui connaissais encore pas. Je croise les sourcils froncés d’Ethan dans le rétroviseur central et je suis surprise de constater qu’il ne cherche même pas à contredire son ami. Tim éclate finalement d’un rire franc, et terriblement agréable.

— Non, je plaisante ! Ne t’inquiète pas, personne n’est jamais mort dans sa voiture. Désolé princesse mais tu vas devoir passer ce foutu trajet avec nous, autant te dire que ça va être long ma pauvre !

Je sens mes muscles se décrisper petit à petit et je me redresse sur mon siège, piquée.

— Je vous ai déjà dit de ne pas m’appeler comme ça ! le sermonné-je en tentant de lui assener une tape amicale sur le bras.

— Ah oui ? Parce que tu me vouvoies maintenant ? plaisante le jeune homme en se décalant de justesse pour se retrouver hors de portée de mon maigre coup.

— Calmez-vous tous les deux ou je vous laisse sur la première aire d’autoroute que je croise, c’est compris ? nous admoneste Ethan d’une voix légèrement agacée alors que nous entamons un combat de mains taquines à travers l’habitacle.

— Tu n’oserais pas me laisser seul avec elle ! fait remarquer Tim en riant.

Ethan grommelle et je m’abstiens de tout commentaire, pour la seule et bonne raison que je ne tiens pas à énerver notre chauffeur du jour. Seulement, la remarque de Tim a piqué au vif ma curiosité. Il faudra que je songe à lui en demander un peu plus sur ce qu’il a bien pu vouloir dire…

***

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