Chapitre 1 - L'aboutissement - Partie 4

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Il avait beau retourner tous les paramètres sur les différents pupitres, Milo Vard ne comprenait pas. Le black-out avec la graine durait depuis plus de trois heures. Les sondes et drones sur place ne répondaient plus. Seules les images envoyées par les satellites et sondes volantes montraient le campement embryonnaire désert. Les habitats temporaires étaient tous présents. Les véhicules aussi. Tout semblait comme figé, inerte.

La nuée tournait autour de Milo Vard. Tous les éléments qu’ils remontaient menaient toujours au même constat. Où se trouvaient les colons ?

Le responsable de l’ensemencement appela le chef d’équipe des drones. Vidar approcha, l’air contrarié. Il avait pour réputation de plus aimer ses machines que les hommes. Mais, il excellait dans son domaine. Milo Vard lui demanda :

« Les drones au sol sont muets depuis l’incident. Avez-vous des pistes pour les remettre en service ? 

—  J’étais sur le problème, Milo, m’interrompre régulièrement ne donnera pas plus de résultats. Au mieux cela les ralentit. 

—  Je comprends votre agacement, Vidar. Mais j’avais dans l’idée d’envoyer du personnel sur Parelas-d. 

— J’opterais pour lancer deux drones de reconnaissance en amont, rétorqua Vidar.

— Je crains qu’ils ne subissent le même sort que ceux en panne. Seuls les équipements aériens semblent ne pas souffrir du black-out, enchaîna Milo.

— Il est vrai qu’un des drones volants ne répond plus depuis qu’il s’est posé sur l’aire de stockage du camp de base alpha. Mais nous hésitons toujours sur le fait qu’il était totalement à court d’énergie à son arrivée, concéda Vidar.

— Je vais ordonner qu’un autre drone se pose avant que ses réserves ne soient dans un niveau critique, ajouta-t-il.

— Cela ne nous laissera donc que deux drones en observation. Pour combien de temps ?, demanda Milo Vard.

—  Suivant les contraintes météorologiques et leurs missions d’observation, entre dix et douze heures, tout au plus, répondit Vidar.

— Au–delà de ce délai, notre vue sera beaucoup moins détaillée, mais globale, via notre satellite d’observation », songea à haute voix Milo Vard.

Il savait qu’envoyer une équipe sur place prendrait un jour standard plein. Durant ce laps de temps, les colons ne pourraient pas être repérés efficacement. Cette équipe serait livrée à elle-même avec quelques légers moyens de communication dans un premier temps. Et dans une moindre mesure, ce seraient, tout de même, des bras qui manqueraient à bord du vaisseau mère.

« Je vais suivre votre conseil, Vidar. Préparez un drone de reconnaissance au sol , ordonna le responsable de l’ensemencement, sortant de sa réflexion.

« Entendu, Milo. Je vais augmenter son blindage électronique, renforcer son alimentation et ajouter deux ou trois choses de mon cru. Cela prendra six heures de plus. Son arrivée sur le camp Alpha devrait survenir une à deux heures après l’épuisement des drones en vol… si les équipes de contrôle aérien ne cessent pas de modifier constamment leurs plans de vol. 

—  Je vais donner l’ordre de les réduire au strict nécessaire, répondit Milo Vard.

— À partir de cet instant, plus d’interruption, Milo, dit d’un ton ferme Vidar.

—  Nous comptons sur vous Vidar. J’y veillerai. »

Vidar remonta les longues coursives menant à ses ateliers. Ses équipes étaient déjà à pied d’œuvre après qu’il eut donné ses premières consignes via son PIM en chemin. L’atelier respirait l’ordre et la propreté. Tout était ordonné, consigné et sans le moindre grain de poussière. Les éléments complexes des drones nécessitaient cet excès de zèle. Après le passage dans le sas de préparation, Vidar entra tout en observant ses équipiers faire des allers-retours entre le drone et les zones de stockage du matériel.

Vidar s’approcha du drone en préparation dans une combinaison totalement étanche et blanche. Elle permettait tout type de mouvement et était considérée par les membres de son équipe comme une seconde peau. Il utilisa des pupitres pour concevoir les modifications qu’il avait en tête. Dans ces moments–là, son esprit était aiguisé et il prévisualisait, mentalement, chaque composant et rouage de ses machines.

Il était déjà connu sur Baure pour ses qualités hors normes. Son choix de participer à cet ensemencement avait surpris. Vidar n’avait pas réellement d’attache. Pas de famille proche, un cercle d’amis hypothétique. Finalement, sur Baure, personne n’avait vraiment réussi à lui soutirer le fond de sa décision. Les plus audacieux s’étaient ravisés à aborder ce genre de sujet après avoir subi son mauvais caractère. Pourtant, il était intarissable sur ce qui concernait la robotique et les automatismes, ce qui faisait l’admiration de ses apprentis et confrères. Son dossier, comme ceux de la plupart des postulants, avait été scruté scrupuleusement par les équipes de l’ensemencement. L’humain n’aimant pas le vide, des suppositions, hypothèses, naissaient çà et là. On le disait divorcé. D’autres imaginaient qu’il ait vécu des drames terribles.

Pourtant, son entrée personnelle dans l’Humania 55 Cancri était ce qu’il y avait de plus banal. Issu d’une famille baurienne moyenne, d’un père commerçant dans les abords du port spatial de Marnis, d’une mère assurant des fonctions d’agent de liaison au sein du centre scientifique de Baure et des archivistes. Vidar avait suivi un cursus scolaire classique. La spécialisation en robotique s’imposait.

Dès son plus jeune âge, il passait la majeure partie de son temps reclus avec ses « petits ». Il fabriquait, réparait tout type de matériel du moment qu’il contenait de l’électronique. Le résultat était étonnant. Les machines qu’il avait eues sous la main semblaient avoir une longueur d’avance. Et elles le lui rendaient bien, rares étant celles ayant connu un dysfonctionnement autre que lié soit à l’usure naturelle des composants, soit à une mauvaise utilisation humaine. Ce dernier point le rendait particulièrement furieux. Gare à ceux qui ne prenaient pas soin de ses « petits », comme il aimait à les nommer. Sur le vaisseau mère, ses équipes et tous ceux qui utilisaient de près ou de loin ses drones et autres machines en étaient avertis. Milo Vard prenait bien en compte ce paramètre à la suite de l’incident du camp de base Alpha. Homme ou machine, pour certains, la perte pouvait être du même niveau émotionnel.

Vidar et son équipe finalisaient le premier drone. Il passait personnellement en revue chaque élément. Les modifications qu’il avait apportées consistaient à un renforcement du blindage électro-magnétique. Pour que ses « petits » sur Parelas-d ne répondent plus, c’était, selon lui, dû à un événement ayant vidé leur énergie. Cependant, aucun élément ne venait corroborer cette hypothèse. Le black-out était survenu soudainement, de nuit.

Dans la salle de contrôle remplie de pupitres, Milo Vard mettait un point final à la composition de l’équipe qui serait débarquée in situ. En compagnie du décurion Nil Solgarde, désigné pour cette périlleuse mission, Ils passaient en revue les différents points de contrôle et tâches à effectuer : sécuriser le campement et assurer des relais de communication à différents endroits. Ils avaient élaboré un plan des zones à visiter en priorité. Ils devaient aussi assurer l’approvisionnement pour les longs mois à venir, à passer dans les plus mauvais scénarios seuls. Du matériel médical et de défense avait été ajouté à leur cargaison.

« Nil, je pense que nous avons fait le tour des préparatifs à votre débarquement sur Parelas-d. Je vous laisse mettre au parfum votre décurie. Je valide au passage votre choix concernant les membres. Cependant pourquoi avoir choisi un archiviste ?, lui demanda Milo Vard, l’air un peu étonné.

— Il est aussi expert en chimie, Milo. Mais je pense qu’il pourra apporter une certaine dimension à cette épreuve. À mon avis, nous retrouverons les colons. Dans quel état, je ne puis le dire. Mais nous les retrouverons et il sera primordial de conserver une mémoire précise de ces événements dans l’Humania, répondit le décurion.

— Je respecte ce choix, Nil. En dehors de la première graine de colons, les archivistes sont de coutume le dernier personnel à quitter le vaisseau mère. Merci pour cet éclaircissement.

—  Je vais retrouver mon équipe. À plus tard, Milo. »

Le responsable de l’ensemencement acquiesça d’un rapide mouvement de la tête et replongea dans son PIM pour y relever les derniers éléments concernant l’envoi des drones.

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