Chapitre 3 - Alpha ! Vous me recevez ? - Partie 3

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Le transporteur de Phel et Trabo se présentait comme une tache blanchâtre sur le sol rouge de Parelas-d. Nil et son équipe approchaient à une allure devenue presque normale, les systèmes de leur véhicule étant presque totalement rétablis. Sur leur passage, ils soulevèrent un léger nuage de poussière rougeâtre. Leurs traces se confondaient désormais avec le transporteur des colons disparus. Mionis Pishard préparait son matériel d’enregistrement et s’assurait d’une liaison permanente, directe ou indirecte, avec le Markind. Il ressentait une pression grandissante à chaque fois qu’il voyait que la distance au site 4HE se réduisait. Sa nature anxieuse resurgissait, il tapotait nerveusement de ses doigts fins à proximité de son PIM. Nil le remarqua et s’approcha en se faufilant entre les passagers. On lui fit un peu de place pour qu’il s’installe à son côté.

« Désolé de vous perturber, Mionis. Je vous observe depuis quelques minutes et je semble avoir repéré chez vous une certaine tension, avança poliment Nil.

— Je me sens un peu fébrile, Nil. Je ne vous le cache pas, répondit Mionis.

— Cette excursion est, certes, inhabituelle. Mais je ne pense pas qu’il faille craindre pour nos vies. Enfin jusqu’à preuve du contraire, enchaîna Nil en terminant sa phrase sur un ton léger.

— Oh non. Ce n’est pas à ce niveau-là que se situe mon stress. J’ai confiance en vous et en notre décurie. Je n’aurais pas accepté dans le cas contraire. Il marqua une rapide pause et fixa Nil.

— À vrai dire, c’est l’Humania. Ou plutôt, ma contribution à elle qui m’angoisse. Les générations futures se reposeront sur mes récits. Je dois être le plus cohérent, rigoureux et précis que possible.

— Nani gigantum humeris insidentes, murmura Nil tout en écoutant Mionis.

— Pardon ?, lui demanda Mionis.

— Nani gigantum humeris insidentes, répéta Nil plus distinctement. Juste une très ancienne citation terrienne en latin. Traduite en langage universel cela donne : Des nains sur des épaules de géant, expliqua Nil. Elle met juste en lumière que la connaissance humaine est la somme des expériences passées, argumenta encore Nil. Elle me paraît s’adapter particulièrement à l’Humania. C’est une noble tâche que vous réalisez, Mionis, et je ne doute pas un seul moment de votre expertise. »

Le PIM de Nil et Mionis afficha une information prioritaire.

« Je vais vous laisser, nous approchons du site 4HE, conclut Nil en se levant pour retourner vers le poste de pilotage.

— Merci Nil et je me rappellerai cette locution de Bernard de Chartres », lança Mionis en relevant le nez de son PIM. En quelques instants, la fraction de l’Humania contenue dans son bracelet lui avait remonté toutes les informations cohérentes et judicieuses autour du philosophe platonicien français.

Dans un décor désertique, le transporteur du géologue Phel et de l’ingénieur robotique Trabo semblait abandonné, les portes d’accès grandes ouvertes. Après une rapide inspection des lieux autour de l’engin, comme pour le camp Alpha, aucune trace de lutte ou de violence quelconque n’apparaissait.

Nil et son équipe se répartirent en deux groupes. L’un mené par Carol Nian se dirigeait vers le site de fouilles, tandis que celui de Nil examinait le véhicule. Vidé de son énergie, il nécessitait le même traitement que celui qui les avait amenés ici. Un à un, les systèmes étaient relancés avec de brefs apports d’énergie. Nil laissa deux membres de son équipe se charger de la remise en état du transporteur. Puis il se dirigea vers la soute. L’obscurité y régnait. Il la parcourut du regard avant de lancer des filtres de vision divers. Mais il n’en eut pas besoin, une légère lueur de jaune orangé attira aussitôt son regard. Intermittente, elle illuminait le bord d’une caisse de stockage. Le matériau étanche permettait une légère transparence. Il appela aussitôt Mionis qui apparut au pas de la porte de la cabine.

« Je crois qu’il y a quelque chose qui n’a pas été affecté par le black-out dans cette caisse, dit Nil en la désigna du doigt.

— Restons vigilants », ajouta-t-il.

Nil s’approcha lentement. Il déverrouilla la caisse à l’aide d’un outil récupéré à proximité.

La lumière orangée inonda la soute. Aussitôt, le check-up médical du géologue Phel fut transmis à la décurie de Nil, puis, quelques millisecondes plus tard, au Markind.

« Allez chercher le biologiste ! Vite ! », lança Nil.

Mionis sortit de la soute aussitôt pour appeler le biologiste du groupe.

Milo Vard se réveilla en sursaut lorsque son PIM indiqua un message urgent en provenance du centre décisionnel. Il se leva, réajusta sa combinaison et sortit tout en consultant les derniers éléments transmis. Il sursauta quand il faillit percuter Fatia qui se dirigeait vers lui.

« Le géologue Phel…, commença Fatia.

— Oui, je viens de voir ça. Ses blessures semblent ne pas le mettre en danger. Ils n’ont donc pas tous disparu !, lança Milo Vard.

— Oui. Il devrait s’éveiller dans quelques instants ; le biologiste du groupe s’occupe de lui », ajouta Fatia.

Ils se dirigèrent tous deux vers le centre décisionnel d’un pas ressemblant plus à une course qu’une marche. Ils fendirent la nuée tourbillonnante d’excitation devant les données qui remontaient du site 4HE.

Nil et l’ensemble des membres de la décurie entouraient, de près ou de loin, le corps inanimé de Phel. Le biologiste scrutait l’ensemble de ses paramètres vitaux. Bientôt, les indicateurs de santé de la combinaison passèrent de l’orangé au jaune. Il avait placé un bloc circulaire à l’endroit de sa blessure. Le traumatisme avait été provoqué par un foret ayant traversé presque de part en part son mollet gauche. La combinaison avait réagi comme prévu en scellant l’endroit affecté. De façon autonome, pour combattre la douleur et les possibles infections, elle avait prodigué des sédatifs puissants et surveillait en permanence la biochimie de son porteur. Le casque avait permis de fournir un apport d’air faible mais suffisant pour survivre quelque temps.

Après quelques minutes, et grâce aux soins prodigués, la combinaison passa au vert. Phel ouvrit peu à peu les yeux. Un peu groggy, il regarda Nil avec étonnement.

Je suis de retour sur le Markind ?, pensa-t-il brièvement.

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