10. Eclipse

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Z’avez vu qui se ramène dans ce chapitre ?????

Quelques semaines après mon premier contact avec Zénaïde, alors que Noël et le Nouvel An étaient passés, nous étions à présent au milieu du mois de janvier.

Zénaïde et moi avions finie par nous voir très régulièrement, en dehors de nos heures de travail. Quand nous étions en cours, c’est-à-dire, seules à l’atelier avec mon père qui débitait à propos de l’histoire de la couture et de son art, le jour ou bien l’après-midi, en cours théoriques, avec quelques autres employés et ma mère qui nous donnait les instructions, nous nous lancions des petits sourires complices, qu’au départ, j’accueillais avec méfiance et appréhension et parfois, Zénaïde et son indolence se permettaient quelques remarques à propos des leçons, qui m’amusait.

Le reste du temps, nous discutions par SMS pour échanger quelques banalités.

Mais nous cultivions véritablement notre amitié quand celle-ci m’invitait chez elle ou dehors pour des activités en tout genre. La plus grande passion de Zénaïde était le cinéma. J’avais très vite compris qu’elle était une cinéphile accomplie. Je n’avais aucune idée de combien de films elle avait regardé mais il était très probable qu’elle les avait tous déjà vus. Ainsi, à chacun de mes passages chez elle, nous commencions souvent par regarder un film au hasard, le plus souvent, elle l’avait déjà visionné. J’aimais bien ses moments-là. Nous étions souvent silencieuses, plongés dans l’intrigue qui se déroulait sous nos yeux. Parfois quelques remarques ou exclamations nous échappaient. Ainsi, j’avais l’impression que nous en apprenions plus l’une sur l’autre que si nous bavardions.

Après les films, nous en discutions, mais très vite la conversation dérivait vers d’autres sujets divers et variés. Zénaïde était pleine de vie et dynamique. Elle m’inspirait énormément et était pleine de ressources. S’ennuyer avec elle n’existait pas. Elle s’amusait avec un rien et alimentait des discussions comme des moments de total mutisme où chacune méditait dans son coin. Elle habitait seule dans un minuscule appartement en centre-ville, appartenant à sa tante, initialement pour ses études de lettres, mais était restée puisqu’elle était devenue apprentie couturière. Ce qu’elle gagnait durant ses alternances lui permettait de payer ses études et aussi de quoi vivre mais elle était principalement aidée de parents. Elle ne parlait que très peu de sa famille. Je savais seulement que son père était originaire d’Allemagne et qu’elle a quatre sœurs et un frère.

Ainsi, une après-midi mi-janvier, Zénaïde a décrété qu’il était temps que je rencontre la « clique ». La clique, c’était sa bande de copain. Ce jour-là, où nous devions les rejoindre dans un parc pour squatter des bancs vides, comme ils aimaient le faire, un de ses amis : Tao, d’origine chinoise, revenait à Paris de chez ses parents, au pays du Milieu, et avait eu le luxe d’observer une éclipse de ses propres yeux, pour la première fois de sa vie. Il avait été content de vivre cette expérience unique et tenait à la partager avec l’élite de la nation : la clique.

Celle-ci était composée de Tao, donc. Un ingénieur en informatique à peine diplômé qui avait très vite trouvé un job comme programmeur. Anaïs, une normalienne, très douce et attentive, en passe de devenir enseignante. Les deux jeunes filles se connaissaient depuis le lycée. D’après Zénaïde c’était la gentillesse incarnée. Ensuite, il y avait Lola. Celle-ci ne trainait pas trop avec la clique mais de fait qu’elle était la jumelle de Anaïs, elle les connaissait tous et leur était sympathique. Et enfin, le plus discret de tous, si bien que je ne l’ai même pas remarqué en arrivant, Romain dit « Roro » par les autres. il venait tout juste d’être diplômé journaliste d’investigation. De tous, c’était le moins loquace. Il était souvent en train de tous nous sonder avec bienveillance et amusement, lorsqu’on parlait.

Zénaïde m’avait expliqué qu’ils étaient tous sans exception de très bonnes personnes. Tous avaient fréquenté le même bahut. Tout avait commencé quand Lola et Anaïs, inséparables, avaient ensemble fait la connaissance de Zénaïde. Toutes partageaient des centres d’intérêt communs mais Lola s’était doucement retirée du trio, préférant traîner avec des gens lui ressemblant davantage sur le plan caractérielle. Petit à petit, Zénaïde et Anaïs avait voulu rependre à grande échelle leur passion pour le cinéma et ont fondé au sein de leur école le « cinéclub » durant leur première année. Seuls deux élèves, à l’époque en terminale ont répondu à l’appel : Tao et Romain. Ainsi, leur bande était née. Depuis, ils n’avaient jamais pu se séparer et malgré le départ après le bac de Tao et Romain.

- Les gars, voilà la reine dont je vous ai parlé : Sofia. Ses parents tiennent le magasin où je bosse.

Et tous m’ont réservé un accueil très enthousiaste et au même titre que Zénaïde m’ont tout de suite témoigné beaucoup d’amitié et de joie.

Tao a ensuite passé le reste du temps à nous raconter cette fameuse éclipse, revenait sur chaque petit détail insignifiant pour qualifier la beauté de ce qu’il avait vu. Il ne cessait de répéter qu’il n’assisterait jamais plus à quelque chose d’aussi somptueux. Il était resté pensif, un temps. Puis même lorsque le groupe d’amis avait complètement changé de sujet, Tao était resté plongé dans le silence, toujours méditant sur l’éclipse. Il avait réellement été très marqué et au final, j’ai pensé que jamais il n’oublierait ce spectacle. Même dans des années, son esprit continuera de répéter ce spectacle.

Cela faisait des semaines que je n’avais pas vu celui que j’aimais. Six semaines plus exactement, depuis ma rencontre avec cette Carole. Quand Zénaïde était entrée dans ma vie, j’ai ressenti ce que je m’étais toujours interdite d’exprimer : de l’amitié pour quelqu’un. Cela m’avait brisé par le passé. Le traumatisme de mes expériences d’antan continuait de peser en moi et me forçait à me tenir bien à l’écart du monde et des humains.

Et pourtant, cet après-midi-là, entouré de toutes ces personnes haute en couleur et très différentes, je m’étais sentie si bien et surtout en sécurité. J’étais reconnaissante auprès de Zénaïde pour m’avoir présenté à ce bout de l’univers. Même si Romain avait fini par s’éloigner de nous à cause de sa profession, les années qui ont suivis, avec le reste nous sommes restés amis encore des années, ils étaient mon village à moi. Ma tribu auprès de qui je pouvais être celle que je voulais, sans étiquettes.

Alors, j’avais presque pensé que j’allais enfin abandonner mon obsession, que je ne penserai plus jamais à lui où à Carole, ni aux autres qui pourraient potentiellement lui tourner autour. Sauf que lorsque j’avais vu la passion et la subjugation animer une flamme dans le regard de Tao, je m’étais vue en lui. Et j’ai compris à quel point il me manquait et combien j’avais besoin de le revoir. Peu importe ce que cela impliquait.

D’après la légende, le soleil et la lune étaient des amants condamnés à vivre sans s’épanouir dans leur amour et que la clémence divine avait créé les éclipses afin qu’ils puissent malgré tout se revoir.

Moi aussi , j’avais le droit à mon éclipse. J’avais donc soupiré et m’étais promise que le lendemain, j’irai le voir à son lieu de travail, comme il me l’avait proposé. Et j’écarterai définitivement Carole de notre retour. Il était à moi. Personne ne pouvait l’aimer comme moi je l’aimais.

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