24. Murmures sylvains

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Je me suis retenue de faire une référence à Princesse Mononoké (<3), au prix d’un immense sacrifice. Félicitez-moi.

Ma fille est née une matinée brumeuse de Septembre, après un travail de neuf heures. Lorsqu’on l’avait déposée dans mes bras, j’avais été tant émerveillée par sa beauté et fière d’avoir enfin pu lui donner naissance que j’avais complètement relayé au second plan la fatigue de ce long et endurant accouchement. Mon bébé était un adorable petit être pesant quatre kilos et aux intenses yeux verts, comme ceux de son père. Le prénom Maria nous était venu assez naturellement, sans que je ne puisse l’expliquer. Dès que le médecin avait annoncé que nous attentions une fille, c'était le premier et unique prénom qui a émergé dans mon esprit.

Le jour de sa naissance, nous avions reçu énormément de visite : ses parents, ses frères et sœurs et mes parents. Zénaïde ne s’était pointée que le lendemain, du fait de son emploi du temps chargé. L’arrivée de Maria avait illuminé nos existences, la rendant presque plus douce. La vision de ce bébé plein de vie et joyeux avait même calmé quelque peu le caractère âpre de mon père, se révélant être un grand-père attentionné et patient.

Dès sa première semaine, ma belle-mère avait réussi à me prendre en aparté, alors que la petite était placée sous la lumière, pour m’expliquer pourquoi son fils et moi devions impérativement nous marier. Elle m’avait exposé tout un tas d’argument que j’écoutais à moitié sur l’importance de la stabilité de notre relation. Puis avant de partir, elle a posé une main prévenante sur mon épaule.

- Et baptisez-la.

Les mois suivants étaient d’une rudesse jamais ressentie auparavant. Nous ne dormions presque plus du tout. Le jour, Maria était joyeuse, gazouillait et surtout coopérative. Bien qu’elle demandait beaucoup de soins et d’attentions, j’arrivais à satisfaire la plupart de ses besoins étant toujours à la maison. J’avais mis de côté mon métier et attendait que ma fille grandisse davantage avant de m’y remettre. Mais le soir, quand le soleil se couchait, c’était tout autre chose. Elle en demandait autant qu’en journée et peut-être même plus. J’avais oublié la sensation d’être plongée dans un profond sommeil réparateur, de connaître un vrai silence relaxant à l’intérieur d’une maison. Tout était toujours rythmé par les envies de Maria. Je me pliais totalement à mon devoir de mère, ne me permettant jamais de pleurer ou de souffler. Tout ça, c’était pour lui. Si ma fille était heureuse, il le serait aussi et inversement. Je prenais sur moi, même ses absences et ses fatigues. Toute cette routine avait continué de durer encore un an. Et d’un coup, tout s’est calmé, inexplicablement et abruptement. Le jour de son anniversaire. Ses un an. Et également le jour de ses premiers pas ainsi que la toute première fois qu'elle a fait sa nuit. Elle avait pu en réaliser deux ou trois, avant de tomber dans les bras de son père, criant de joie et de victoire. Ce n'était qu’après cela que nous avons pu retrouver un rythme de vie moins prenant et épuisant que cette année-là. Et encore une fois, j’avais ressenti un immense sentiment de fierté et d’épanouissement. Nous avions vécu ensemble dix ans, nous avions une adorable et gentille petite fille, il avait un emploi prestigieux, un très bon salaire, un chat qui adorait la petite. Nous avions traversé chaque épreuve pour vivre ensemble et convenablement.

Tout allait être parfait ainsi ?

Non, jamais.

Depuis le début de mon obsession pour lui, depuis le jour où nous nous étions rencontrés, j’entendais d’infernaux chuchotements qui me poursuivaient jusque dans mon sommeil. Mais jamais ils n’en s’étaient allés, même après toutes ses années. Ils continuaient de me hanter, principalement la nuit. Ses murmures s’étaient pratiquement changés en voix claires et criardes. Mon obsession s’était totalement matérialisée.

Parfois, le grincement de ces voix étaient tel que je me cognais brutalement la tête contre le mur ou la glace, la brisant. Comme ce soir.

Ils me rappelaient que je n’étais pas la seule et unique femme qu’il côtoyait. Que j’étais facilement remplaçable. Que je n’étais plus qu’une mère au foyer. Qu’il ne m’avait encore jamais demandée en mariage, alors que nous avions une fille. Que je n’étais pas à l’abri d’un nouveau meurtre si ma jalousie venait à prendre le dessus. Bien des fois, j’avais dû la dompter avec beaucoup de difficulté. Elle qui me poussait à le suivre jusqu’à son lieu de travail, vérifier qu’il ne voyait aucune autre femme et m’assurer qu’il n’avait pas l’intention de me quitter.

Cette nuit, après avoir brisé le miroir de la salle de bain, le front en feu, ouvert, dégoulinant de sang, j’avais osé une main sur la plaie. Elle était vive et brûlante. Comme le feu ardent de mon amour. Je m’étais aussitôt précipitée dehors, priant pour que l’impact du miroir cassé n’ait réveillée personne. Je n’avais même pas pensé à panser ma blessure, ni rien. Je m’en contrebalançais. Au lieu, je m’étais dirigée vers les bois, derrière notre maison.

J’entendais la nature boiseuse parler. Elle communiquait avec moi, de ses frissonnement, ses coups de vent et les chants nocturnes de ses bêtes.

Pour la première fois, je me sentais écoutée. Lentement et avec précaution, je m’y étais engouffrée, dans la pénombre de l’aveuglante nuit.

Ses murmures sylvains me parvenant aux oreilles, calmant presque les cris stridents qui se bousculaient dans mon esprit, m’apaisant réellement, plus que n'importe quel calmant ou douce parole.

Je m’étais agenouillée près d’un arbre, joint les mains et prié de tout mon cœur les esprits et les divinités sylvestres de m’épargner et me guider vers une vie plus saine et rayonnante.

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