27. Clé rouillée

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Zénaïde s’était enfin rapprochée de notre région. Après des années dans le sud, elle avait décidé que la capitale lui manquait et était retournée y vivre, cette fois, avec son épouse. Elle n’était pas venue aux funérailles de mes parents et je ne lui en avais jamais tenu rigueur, comme mon mari était là. Elle était venue si peu de fois à Angers, seulement à la naissance de ma fille, son baptême et mon mariage. D’habitude, c’était surtout moi qui lui rendait visite ou nous partions ensemble en vacances, hors de nos villes respectives. Malgré les années et la distance, notre relation, elle, était restée intacte. Je n’avais jamais pu avoir le contrôle absolu sur ma relation avec mon mari, surtout étant donné que nous visions ensemble mais avec Zénaïde j’étais parvenue à soigner les apparences avec brio. Je voyais cela comme une grande victoire, quand mon mariage vivait une imminente décadence et que ma relation avec Maria était un fiasco. Celle-ci ne connaissait pas beaucoup Zénaïde, l'ayant vue peu de fois dans sa petite enfance alors telle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle avait aperçu cette inconnue débarquer à la maison, à la fin de la journée.

- Maria ! elle s’était écriée, en la voyant, sur la table du salon, à faire ses devoirs. Comme je suis heureuse de te voir !

Elle s’était approchée d’elle pour la prendre dans ses bras mais s’était vite fait rembarrer par ma fille qui s’était précipitée derrière ma jupe en criant :

- Vous êtes qui !?

Elle avait à présent douze ans et le moins qu’on pouvait dire et qu’elle avait hérité d’un caractère bien trempé et était sans filtre, ni tact. Sans l'empêcher d'être une adorable petite fille polie.

Zénaïde avait éclatée de rire, et m’avait lancé un regard plein de compassion.

- Elle a la répartie de ton père ! avait-elle gloussé.

Là, Zénaïde lui avait semblée plus sympathique :

- Vous connaissez mon papa !?

- Depuis des années, même !

Elle en était ravie et ce n’était qu’ainsi que le dialogue entre les deux avait démarré. Nous étions entre filles, dans la cuisine à préparer des crêpes alors que Maria étalait chaque facette de sa vie, à sa « presque tata ». Le nom de ses enseignants, ses devoirs, ses matières à l’école, ses jeux préférés, ses copines et leurs caractéristiques, ses activités avec le chat. Elle ne loupait pas un seul détail et je réalisais même que j’apprenais bien des choses sur elle, dont elle refusait toujours de me parler. Chaque fois que je tentais d'établir un échange avec elle, Maria s’en désintéressait et préférait largement faire ses devoirs que de devoir me parler.

Ma propre fille me haïssait.

Pourquoi ?

Même une femme qu’elle ne connaissait que depuis moins qu’une demi-heure méritait davantage sa confiance que moi.

Je n’en voulais pas à Zénaïde. Moi aussi, elle me plaisait tellement lorsque je l’avais connue. Je lui étais si attachée que je lui aurais racontée chacun de mes secrets les plus sombres. Et encore aujourd’hui, elle constituait un pied d’appui pour moi, elle était un des fondements de ma vie. Lorsqu’il n’était pas là, elle compensait ce vide par sa seule présence, sa joyeuse humeur constante et son empathie.

J’en avais après moi et surtout après ma fille. Qu’avais-je fait pour mériter ça ? Je lui avais dédié ma vie, j’avais tout fait pour qu’elle ne manque de rien, qu’elle soit loin de ce que j’avais vécu. J’avais même cessé de travailler pour elle. Et je récoltais un évitement qui me brisait le cœur et une haine grandissante.

Dans la nuit, j’avais entraînée ma meilleure amie au bois, derrière la maison pour lui montrer mon antre secrète. Le seul endroit où je me sentais vraiment bien. elle aussi avait apprécié.

Assise au bord du lac, malgré le froid de Novembre, buvant une bière tout en nous rappelant d’ancien souvenirs et parlant de nos vies actuelles, le sujet déviait vers son désir à elle et de sa compagne d’avoir un enfant. Elle m’avait demandé comment j’avais appréhendé la maternité. En soupirant, j’avais longtemps oscillé entre le besoin de lui confier nos rapports conflictuels et d’entretenir l’image qu’elle avait de moi : une femme qui assure dans tout les aspects de sa vie, malgré son passé.

- C’est pas facile. On croit qu’il suffit juste de les laisser vivre. Mais faut leur parler et signifier notre présence, tout ça.

C’était sûrement la phrase la plus ridicule et la plus bateau que j’avais prononcé de ma vie. J’en avais honte, je me serais presque foutue une baffe. Mais j’avais tellement fauté dans son éducation que j’ignorais totalement la clé de la réussite parentale. Mon mari, lui l’avait. Mais d'où la sortait-il et comment faisait-il pour la manier si habilement ? La mienne était rouillée, complètement usée. La toucher m’irritait les doigts.

Et maintenant, il y avait Eva. Cette salope qui l’avait approché. Je devais me débarrasser d’elle. Et je savais parfaitement comment m’y prendre. Un plan se consttuait dans mon esprit, alors que j’avais les yeux rivés sur le lac, tandis que Zénaïde me parlait de sa vision personnelle de la maternité, dans un long et passionné laïus.

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