Chapitre 2
Cela tournait tellement dans sa tête qu’il avait du mal à reconnaître ce qui se trouvait autour de lui. Un mur blanc à n’en plus pouvoir faisait office de seul paysage. Où était il ? Aucun des stimulis qui l’atteignait ne lui était familier. Cette odeur, un mélange de produit de nettoyage, de désinfectant, de drap propre peut être. Une fragrance aigre de plastique ou de métal lui agressait les narines. Et que dire de cette voix féminine, aiguë mais douce qui ne cessait de lui vriller les tympans. Pourtant sa tête tournait tellement, ces sens étaient tellement désorientés qu’il ne comprenait rien. Il voulait juste sortir d’ici, fuir ce bruit assourdissant. Ce bip incessant, ce grésillement, ce clapotis régulier proche et lointain à la fois.
Il avait essayé de fuir mais à peine était-il parvenu à se lever de ce qui semblait être un lit aux linge blanc immaculé que sa vision s’était brutalement assombrit et ces jambes s’étaient misent à trembler. Tant et si bien qu’il s’était trouvé incapable de faire un pas de plus ou même de lever le pied. Bordel. Qu’est-ce qui lui arrivait ? Pourquoi ces jambes refusaient d’obéir ? Pourquoi sa tête le faisait autant souffrir ? Pourquoi sentait il à peine son corps, ses mains, ses doigts ?
Ces jambes, cédant sous son poids, l’avaient forcé à s’appuyer à moitié sur le lit, il serrait les dents en essayant de ce retenir tandis que cette voix aiguë continuait de lui parler dans un méli-mélo de sons qu’il n’arrivait pas à distinguer. Ses yeux s’entrouvrirent tandis que son souffle allait crescendo. Il aperçu alors le ciel bleu par la fenêtre. D’un bleu azur quasi parfait qui l’appelait. Sa liberté était là bas, de l’autre coté de cette vitre transparente. Pourquoi… pourquoi lui était-elle interdite ?
- Monsieur Draven.
Un frisson remonta sa colonne vertébrale quand cette voix, plus grave, plus distincte mais pourtant calme, atteignit ses oreilles, le sortant de sa contemplation. Il l’entendit répéter une nouvelle fois son nom, plus doucement cette fois-ci. Comment cet inconnu pouvait-il le connaître ? Son identité devait rester secrète bon sang ! Où était-il ? Il ne se rappelait de rien, juste une lumière rouge puis l’obscurité totale. Il n’était même pas capable de se remémorer à quand remontait ce souvenir. Se rappeler de quoi que ce soit était impossible.
Une main se glissa soudainement sous son bras pour l’aider à se relever. Il serra les dents par réflexe et secoua les bras aléatoirement pour éviter tout contact.
- Lâche-moi, bordel, cracha-t-il tel un chat apeuré feulant sur ce qu’il pensait être un danger. C’est quoi ce ... délire ? Je suis où ?
Malgré sa réaction brutale, la main de cet inconnu vint se loger sur son épaule, en épousant presque parfaitement la forme, avec une grande douceur mais il y sentit tout de même une certaine force, comme pour le convaincre implicitement de se calmer.
Tournant la tête vers l’inconnu, sa vue commença alors à s’éclaircir, lui permettant d’examiner avec une certaine méfiance le propriétaire de cette poigne particulière, à la fois puissante et douce.
- Calmez vous...tout va bien, dit-il d’une voix douce et chaleureuse.
Le jeune homme posa tout d’abord ses yeux sur le bras et l’avant-bras de celui qui venait de lui parler. Un bras musclé et en relief, rattaché à un buste semblant tout aussi sec, même s’il était dissimulé derrière la blouse blanche et verte caractéristiques des soigneurs.
Remontant un peu son regard, il tomba alors sur le cou et le visage du cet inconnu. Un cou musclé avec une pomme d’Adam bien visible, et une mâchoire carrée. Plusieurs cicatrices au niveau des joues et proche d’un de ces yeux, surmontés d’une touffe de cheveux châtain, coiffée vers l’arrière avec un certain soin.
Au milieu de tout ça, deux yeux vairons aussi profond que les océans, d’un bleu mélancolique et d’un vert feuille assez prononcé. Ce regard était à la fois doux, calme et sérieux, mais il y était également caché une petite pointe de quelque chose de triste, derrière un épais voile de bonne humeur.
Fronçant les sourcils et pinçant alors ses lèvres dans une grimace de méfiance, le Cyber regarda cet homme qui lui tenait l’épaule.
- Bordel, mais t’es qui toi ?
Ces sens s’étaient enfin éveillés et il laissait son regard faire à nouveau le tour de la pièce pour essayer de reconnaître les lieux. Une fois de plus, rien ne lui était familier, ni les murs blancs, ni le lit, ni même la fenêtre. Le soulagement visible de l’infirmière qu’il apercevait derrière cet homme ne lui avait pas échappé. Le dossier jaune dans les mains de ce dernier non plus. Il ne semblait cependant pas s’être rendu compte de l’état dans lequel lui même était. Enfin, jusqu’à ce qu’il ait baissé les yeux pour se découvrir couvert de bandages. Il écarquilla les yeux alors que le soignant continuait de le fixer.
- Mon nom est Derek Gregor. Je suis soignant au sein de la HRA. Là où vous avez été admis suite à votre réveil à l’hôpital, lui répondit-t-il alors en cherchant à glisser de nouveau sa main sous le bras de son patient. Je suis là pour prendre en mains vos soins et pour vous aider à vous refaire une place dans une vie normale.
A l’image du premier essai, celui-ci se solda aussi par un refus du patient qui se tourna vivement avant de poser les bras sur le lit en amenant une main à sa tête dans une grimace douloureuse. C’était comme si on avait percé son crâne à coup de marteau, la douleur le rendait quasi sourd.
- Dégage ! Cracha-t-il à nouveau avec véhémence. J’ai pas besoin de l’aide d’un toubib !
Sur l’instant le silence lui répondit. Il crut même que ce soignant c’était désintéressé de lui.
Raison pour laquelle qu’il sursauta quand son système nerveux lui envoya un message d’alerte venant de l’épaule. Une petite douleur qui passa rapidement malgré l’insulte qu’il lâcha en tournant la tête. Il vit alors le châtain, qui n’avait pas abandonné, poser un coton propre suivit d’un pansement sur son épaule.
- Qu-est ce que… tu m’as fais… ? Demanda-t-il difficilement en sentant comme une vague de froid l’envahir.
- Vous êtes encore sérieusement affaiblit et votre comportement vous fatigue, lui répondit tranquillement le soignant en l’aidant à se relever. Il vous faut absolument vous reposer. Je vous ait simplement administré un calmant pour vous aider à vous détendre et, d’une pierre deux coups, faire passer vos douleurs.
- Sales…, grogna le cyber alors qu’il le recouchait dans le lit et lui remettait le cathéter. … laissez-moi partir…
- Vous laisser quitter nos locaux dans cet état serait l’équivalent de signer votre arrêt de mort, lui affirma très calmement Derek en collant le cathéter sur le bras de son patient avec du sparadrap. Il n’est pas dans nos habitudes d’abandonner nos patients à un sort si funeste.
Maintenant allongé dans le lit, le jeune homme aux yeux bleu vert se montra un peu plus coopératif. Il ne bougeait plus, la tête reposant sur l’oreiller. Alors qu’il entendait la voix du soignant continuait de lui parler, les mots lui parurent de plus en plus flous et lointains, jusqu’à ce qu’il ne les entendent plus du tout. En même temps, les murs de la chambre se couvrirent d’une brume noire et tout disparu autour de lui, le plongeant dans une obscurité totale et oppressante. Calmant ? Putain de toubib…
Il était incapable d’estimer combien de temps il avait passé dans cette obscurité. Mais au bout d’un moment, des sons avaient atteint ses oreilles. A nouveau ce bip régulier et cette goutte d’eau. Tout d’abord lointain, ils se firent de plus en plus proches et nets. Vinrent ensuite des odeurs, celle du sang, aigre et métallique, qu’il connaissait très bien. L’alcool médical qu’il n’arrivait pas encore à d’écrire et cette odeur d’hôpital qui le répugnait presque. Mais au milieu de ces effluves désagréables, une fragrance plus douce peut être même boisée avec une légère pointe de chaud atteint ces narines. Il se demanda d’où elle venait. Elle faisait tâche au milieu des autres. Mais ce qui le préoccupait le plus sur le moment était qu’il ne ressentait pas son propre corps. Il n’arrivait pas à bouger, son corps refusait d’obéir aux ordres de son cerveau. Il sentait à peine le bout de ses doigts qu’il essaya doucement de bouger.
C’était ce moment qu’avait choisit une voix pour atteindre ces oreilles au milieu du brouillard de sons encore diffus qu’il entendait. Une voix douce, au ton très calme qui semblait l’appeler. Il croyait discerner son nom dans la brume. Et petit à petit, la voix se faisait de plus en plus nette jusqu’à lui paraître tout à fait claire. Il parvint alors à ouvrir un peu les yeux sur un plafond blanc un peu flou. Dans l’espoir de clarifié sa vision, il cligna plusieurs fois des yeux. Sauf quand une violente source de lumière l’aveugla, le forçant à les refermer. Enfin, si il avait put. Son œil droit restait ouvert, brûlant sous la lumière, ce qui lui arracha un gémissement. Quand il put enfin fermer les yeux, il tourna la tête en émettant un espèce de grognement de mécontentement. Cette voix continuait de lui parler, l’intimant à prendre le temps de se réveiller sans se brusquer. Que son corps avait besoin de ce temps pour appréhender correctement son réveil.
Rouvrant les yeux, il posa alors le regard sur un visage masculin à la peau bronzée et aux yeux vairons. Ses yeux se plissèrent un instant et il leva la tête en serrant les dents, manquant de peu de donner un coup au médecin qui se trouvait un peu au dessus de lui et rapprochait un peu trop ses mains de son visage. L’esprit brouillé, il ne l’avait pas reconnu de suite mais son souvenir lui était revenu. C’était ce toubib qui lui avait injecté quelque chose pour l’endormir.
- Fou moi la paix, cracha le jeune homme en s’asseyant dans le lit tandis que le soignant soufflait après avoir échappé au coup de tête.
- Bon… On va y aller un peu plus franco vu que les mots et le calme ne fonctionnent pas ; affirma alors le médecin en passant une main dans sa nuque.
Alors que le Cyber luttait contre un mal de tête soudain du au faite qu’il s’était redressé trop vite, une main plus ferme et assurée se posa sans prévenir sur son torse et le poussa jusqu’à ce qu’il se recouche. Sous la surprise, Jak avait haussé les sourcils en regardant la main avant de suivre le bras pour poser les yeux sur un visage plus dur et sévère que celui qu’il avait vu précédemment. A tel point qu’il se demandait si il s’agissait de la même personne. La façade calme et sage avait laissé place à une expression plus neutre et inflexible.
- On repart à zéro, commença alors le soignant en regardant son patient droit dans les yeux pour le forcer à faire de même. En tant que Cyber, tu n’as pas ta place en dehors de la CTC. Si tu sors d’ici dans ton état actuel, t’es mort. La HRA et moi, ont est la seule chance que t’a de t’en sortir et de refaire ta vie. J’ai bien l’intention de mener cette réinsertion à terme dans les meilleures conditions possibles, à commencer par te remettre sur pieds. Et pour ça, je t’attacherai à ce lit si il le faut. Mon but n’est pas de te faire du mal, bien au contraire.
Forcé de le regarder dans les yeux, Jak serra un peu plus les mâchoires à chaque nouvelles vérités que lui sortait le soignant. Aux angles de sa mandibule, les veines ressortaient légèrement, témoins d’un sentiment négatif qui mettait ces nerfs à vifs. Mais force était de constater que le Doc avait pas tord. Il tenait même pas debout, ne serait-ce que se redresser était une épreuves tant il était en manque sérieux de sang, en témoignait d’ailleurs la peau pâle de ses mains. De lui même, il arriverait même pas à quitter ces locaux. Allié à l’exactitude des ces mots sur sa place dans la société… Les Cybers étaient trop nerveux et instables pour vivre comme les êtres humains normaux. Créés pour devenir des machines à tuer, ils étaient instinctifs et violent, complètement imprévisible. Réagissant de manière excessifs à la moindre menace ou au moindre petit problème.
Il n’avait toujours pas quitté le soignant des yeux quand des brides de souvenirs s’étaient mises à traverser son esprit. Le néon rouge de la porte de sortie qu’il avait utilisé pour fuir les locaux de la CTC, qui le retenait captif depuis des années. Vint ensuite l’obscurité du hangars où il avait cru trouver un peu de répit mais qui avait plutôt était le lieux de sa sentence. Il se souvenaient des cris, des coups et de la douleur intense que lui avait fait ressentir tout son corps. Voilà pourquoi il était ici. Il avait tenté de déserté et en avait subit les conséquences. Et à l’instant où ces bourreaux sauraient qu’il avait survécu, ils chercheraient à l’éliminer de toutes les manière possibles. La HRA et ces locaux étaient son seul refuge. Comme l’avait dit le Doc, sa seule chance.
- Va te faire voir…, éructa Jak avec véhémence tout en se détendant dans le lit, faisant ainsi comprendre au soignant qu’il abdiquait. Le dernier toubib qui m’a dit ça à fait de moi une saloperie de demi robot.
- Très bien, souffla alors Derek en le lâchant pour se redresser et vérifier qu’il ne s’était rien rouvert en bougeant ainsi. Je sais que tu es méfiant envers nous mais tu apprendra petit à petit à me faire confiance. Je cherche seulement à t’apporter mon aide et je sais qu’il est difficile pour toi de le comprendre.
Restant allongé dans le lit, Jak le regarda jeter un coup d’œil à chaque bandages ainsi qu’au cathéter à son bras. Il le faisait avec sérieux et minutie, ne ratant aucun d’entre eux. Puis il le vit lever les yeux vers lui et lui adresser un sourire en s’asseyant calmement sur une chaise qu’il venait d’attraper pour la rapprocher du lit.
- On peut parler comme deux personnes civilisées sans que tu m’insulte à tous vas ? Lui demanda-t-il sans la moindre animosité ni moquerie. Je voudrais t’expliquer les soins qui vont t’être procurés et les examens que tu vas faire par la suite. En sommes, le déroulé de ton séjour à la HRA.
Le regardant avec méfiance, Jak ne lui répondit pas. Mais le soignant sembla prendre son silence pour un oui et se mit à tout lui expliquer avec précision, n’omettant aucun détail. Il était d’ailleurs tellement précis que son patient comprenait à peine la moitié des mots qu’il déblatéraient les uns après les autres. Scanner, injection ou encore rééducation. Après trois quatre phrases, Jak décrochait complètement du monologue du Doc et tournait la tête vers la fenêtre pour regarder le ciel bleu et laiteux.
Des quatre murs entre lesquels il était resté quasi tout le temps enfermé pendant des années, il n avait que très rarement, voir jamais eut l'occasion de prendre le temps d'observer le ciel en détail. Ce jour là, sa couleur était pure, tachée de quelques nuages à l'aspect doux. Les regarder avait quelque chose d'apaisant. Il se vidait un peu l’esprit, jusqu'à ne même plus entendre la voix du soignant juste à côté. En plus de ça, il parvenait à faire abstraction des douleurs de son corps. Sa tête surtout qui lui lançait depuis son réveil.
- Tu m'écoute ?
Comme il s'adressait cette fois directement à lui, la voix du Doc parvenait à le sortir de sa contemplation et à le faire tourner la tête. Il reposa le regard sur lui pour le voir hausser un sourcil, septique mais toujours aussi calme.
-... j'ai décroché à "scanner", répondit il alors en fermant les yeux. Votre jargon scientifique me sort par les oreilles. J'y comprend que dalle.
- Pourquoi ça me surprend pas, souffla presque Derek. Bon, passons directement au faits alors. Je vais commencer pour vérifier moi même ton état pour mettre en place les soins adaptés. Parce que les mots sur un papier et les photos c’est bien joli mais c'est loin d'être précis. Je vais chercher la machine à radio. Tu n'as pas à bouger. Je peux te faire confiance ? Tu te lève pas.
Comme il avait rouvert les yeux vers lui pour l'écouter, Jak les fit rouler en silence avant de reposer la tête droite sur oreiller pour regarder les lignes du plafond.
- Je bouge pas...
- Super, sourit le jeune soignant en se relevant de la chaise pour la repousser dans un coin de la chambre. Je fais vite.
Un sourire tenace collé aux lèvres et sous le regard du convalescent, il quitta la chambre en gardant son dossier jaune dans ces bras. Jak l’avait suivit des yeux jusqu'à ce que la porte se referme derrière lui avant de les lever à nouveau vers le plafond.
Quelle ténacité ce toubib... Il n'avait rien lâché un seul instant, ni même perdu la face devant le comportement extrêmement négatif voir pourri de son patient. Fixant le blanc immaculé du plafond, Jak secoua la tête avant de serrer les dents dans un "tsss" méprisant. Pas question qu'il se mette à respecter ou à faire confiance a un toubib. Pas après tout ce que ces collègues avaient put lui faire subir pendant des années. Rien qu'au souvenir de ce qu'il avait enduré, il déglutit bruyamment et regarda le ciel. Cette clinique lui permettrait elle vraiment de s'en sortir ?
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