Moumoune
Maman,
Je suis désolée d’être devenue une enfant bizarre. Oui c’est le mot, n’ai pas peur de le dire. J’aurai aimé que tu puisses répondre à toutes ces questions qui défilent dans ma tête. Mais maman, je ne te le demanderais pas car je sais que tu ne le peux pas. Je suis désolée de cacher tant de choses sur moi. Je suis devenue ta source de questionnement et maintenant toi aussi tu sais ce que ça fait lorsque l’on attend une réponse, en vain.
Maman je sais que tu souffres et que tu as peur pour moi. Tu as peur du mal profond contre lequel je me bats seule depuis toutes ces années. Tu n’oses jamais vraiment m’en parler directement mais j’ai des yeux et un cerveau qui analysent un peu trop ce qu’ils voient… Puis j’ai des sœurs pour confirmer.
J’aurais tant voulu t’empêcher de t’inquiéter pour moi ! Vraiment maman je m’excuse, tu sais que depuis ce-jour-là tu es devenue la seule personne à mes yeux en qui je porte une importance si démesurée. Je ne veux pas te perdre alors je ne veux surement pas te tuer à petit feu. Je ne voulais pas que tu vois cela, j’ai travaillé dessus mais il était trop tard. Lorsque j’ai pleuré à mon premier anniversaire après ce-jour-là car je ne voulais pas grandir, lorsque j’ai pleuré le jour où je suis devenue une femme aussi… j’ai appelé à l’aide de derrière ma bulle, mais au fond je ne voulais pas que tu l’entendes. Il n’y a pas d’écho sous ma bulle, appeler ne changera rien. Mais tu es ma mère, je suis ta chaire et ton sang, alors toi tu as vu.
Oui tu as vu que durant les premières années j’ai essayé de m’accrocher à de nouvelles marques. Je ne voulais pas te quitter d’une semelle car ce-jour-là, le sentier que nous suivions main dans la main papa toi et moi s’est écroulé devant mes pieds. J’étais perdu, je ne savais pas quelle autre direction emprunter et j’avais juste besoin de toi pour me remettre sur le droit chemin. Encore une erreur de ma part car depuis toutes ces années où nous marchons toutes les deux, j’use tes pieds. Mais qu’aurais-je du faire maman ? J’étais si jeune !
Je te remercie pour toutes ces choses que tu as faites pour moi. Je le pense sincèrement lorsque je dis que tu es une maman parfaite. Tu es chiante parfois, mais au fond qui ne l’est pas ? Tu es parfois un peu trop exigeante mais à l’inverse tu peux aussi être très surprenante et compréhensible. Tu es si belle et je peux pleurer rien qu’en repensant à ton rire, rien qu’en reniflant l’odeur de ton châle qui traine dans le salon. Maman tu m’as sauvée de ma longue chute dans une dépression infantile. Tu m’as protégée de la petite cousine jalouse qui nous traitait mes sœurs et moi d’orphelines, tu m’as éloignée des personnes qui planquaient la plaque funéraire « à mon époux » que tu avais mises sur la tombe de papa. Toutes les personnes nuisibles qui depuis ce-jour-là, depuis le décès de papa, n’ont pensé qu’à leur jalousie, leur règlement de compte, sans penser qu’au milieu d’un drame familial, il y avait trois enfants. Je hais toutes ces personnes maman, je les hais autant que je t’aime.
Je ne sais pas pourquoi aujourd’hui je ne peux te prendre dans mes bras, je ne peux te dire que je t’aime. Je ne sais pas pourquoi j’ai besoin de rester dans mon coin, d’être agressive, alors que mon cœur me demande d’être tout l’inverse. En tout cas ne t’inquiètes pas, à l’extérieur on me voit comme une petite fille parfaite qui rayonne de bonheur, qui a bien été éduquée et qui fait la joie de sa maman. Oui tout ça ! Je suis fière de montrer à toutes ces personnes que malgré ce qui nous est arrivé, nous ne sommes pas des orphelines non, mais des filles qui grandissent dans un logis convenable avec notre maman mais aussi avec un beau-papa, que tout le monde haïssait lorsque vous vous êtes rencontrés.
Alors maman aujourd’hui je nous aie apporté une solution. Je vais partir de la maison et si tu es en train de lire cette lettre, c’est que je l’ai fais. Tu sais, au fond tu n’as pas à avoir peur pour moi. Je ne ferai pas la bêtise qu’a faite papa. Je ne quitterai pas ce monde volontairement, car il est hors de question que ce mal torture ma maman comme il me torture moi. Je vais juste prendre de la distance. Je vais partir quelques jours chez mamie mais je ne lui dirai pas la raison, seulement qu’il y a des travaux dans ma chambre. Heureusement qu’elle ne te parle plus depuis que papa, son fils, est décédé. Du coup elle ne posera pas plus de questions. Le week-end j’irai chez Julien, j’espère que ça ne te dérange pas que je passe les week-ends chez mon petit copain. Je suis désolée de prendre la décision seule, certes je n’ai que 16 ans, mais je ne peux plus donner le choix à quelqu’un d’autre maintenant.
Oui je pars pour mieux te retrouver maman. Je ne finirai donc pas cette lettre sur un au revoir. Profites de l’occasion que je te donne. Ce fardeau que tu te trimballes depuis toutes ces années, je te l’enlève. Ne culpabilise pas, tu n’y es pour rien, tu ne m’as pas mise à la porte, tu n’as rien fait de mal. Lorsque nous nous retrouverons j’irai mieux maman je te le promets. Et lorsque nous nous retrouverons je voudrais que seul le signe du temps qui passe se lise sur ton visage. Pour le reste je refuse de croire que ce sont des cicatrices. C’est moi qui t’es usée, qui est apposée mes marques sur toi, je m’en excuse mais je ne veux surtout plus les voir.
Essayer de te protéger de mon mal-être ne nous fait pas de bien ni à toi ni à moi, c’est bien la seule réponse correct que je peux nous donner. Je t’embrasse avec ma plume autant que j’aurai aimé le faire avec mes propres lèvres. A bientôt moumoune,
L
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